Le 1er et le 2 juin 2013, cinquante ans et quelques jours après que le premier Catalina bombardier d’eau français a posé ses roues sur la piste de l’aérodrome de Marignane, la Base d’Avions de la Sécurité Civile française célébrait son cinquantenaire au cours d’un weekend mémorable.
La localisation de la BASC sur l’aéroport international de Marseille, avec un plan vigipirate actif, fait qu’il est impossible d’accueillir du public en zone aéroportuaire et donc sur l’emprise de la Sécurité Civile, pour des question autant règlementaires que sécuritaires. Cependant, à l’occasion de cet anniversaire, la base a été autorisée à recevoir ses très nombreux invités sur son terrain, là où les attendait une exposition statique alléchante. Munis de la précieuse invitation nominative, ce sont à bord de navettes que les officiels, les VIP, les anciens de la base, les familles et quelques heureux veinards ont abordé le parking aux « Pélicans. »
A l’intérieur d’une zone, délimitée précisément par des barrières, il était possible d’arpenter librement pour visiter les installations de la base, les ateliers de maintenance ou de rencontrer tout le personnel de la base, affairé à la bonne organisation de l’évènement mais néanmoins disponible.
Il faut imaginer quelques instants la complexité de l’organisation de cet évènement semi-public sur un parking avions à l’accès très règlementé car situé sur un des aéroports les plus sensibles du pays. Arriver à faire admettre l’accès de quelques centaines d’invités relève alors de l’exploit. Pour faire bonne mesure, l’exposition statique présentée permettait de découvrir les avions aujourd’hui en service, deux légendes immortelles et un candidat à intégrer la flotte. Tous les appareils présentés étaient visitables. Certains ont découvert avec une grande surprise, la technique et la souplesse requise pour accéder au Cockpit du Firecat. Un avion dont l’accès se mérite en effet. D’autres ont découvert l’évolution technique qu’il existe entre le Catalina conçu avant la seconde guerre mondiale et le Q400 de la toute fin des années 90.
Ce samedi était donc réservé pour la cérémonie officielle qui a débuté par un passage en revue des troupes par les autorités présentes. Il y eut ensuite quelques discours mais nombreux sont ceux qui ont préféré continuer à tourner autour des avions.
C’est ensuite dans le ciel que le spectacle s’est déroulé lorsqu’une partie des avions de la flotte a survolé l’aéroport en formation serrée. En tête se trouvait donc un Q400MR, suivi de près par trois CL-415, constituant le premier box. Le deuxième était dirigé par un Beech 200 accompagné par deux Tracker. Non visible sur la photo, mais un EC-145 « Dragon » était également en vol non loin, afin de permettre à un photographe d’immortaliser l’évènement dans de très bonnes conditions. En dépit d’une météorologie un peu couverte, cette journée n’était qu’un préambule au grand évènement du lendemain.
Le dimanche 2 juin, jour anniversaire, c’est sur l’aérodrome d’Aix-les-Milles, à quelques km au nord de Marseille que le public était invité pour assister au meeting aérien organisé pour commémorer l’évènement. La météorologie ayant décidé de participer au mieux de sa forme, c’est sous un ciel bleu et un soleil éclatant que le public est venu contempler des démonstrations en vol de haute tenue.
La conjonction de « l’anniversaire des Canadair » et celui d’un dimanche ensoleillé a fait que la foule est venu effectivement très nombreuse garnir le bord de la piste d’envol.
Les plus connaisseurs, les plus habitués et les plus blasés des spotters, ceux qui écument les meeting aériens depuis 30 ans et plus ont tout de suite remarqué que le plateau n’était pas très garni. La preuve en était apporté par le programme des vols où certains avions étaient prévus pour assurer deux présentations au cours de l’après-midi. Cependant, il faut bien dire que ces appareils, dont quelques warbirds, ne manquaient pas d’intérêt.
Mais la thématique voulait qu’un place importante soit laissée à l’évocation des bombardiers d’eau et aux autres aéronefs de la Sécurité Civile, ce qui était assez logique. Déjà présent sur le tarmac de Marignane la veille, le Catalina G-PBYA s’est imposé comme une des grandes vedettes du show. Il faut dire que cet avion, qui fut bombardier d’eau au Canada dans les années 60, effectua deux saisons en Provence, en 1966 et 1967, immatriculé F-ZBBD et connu en tant que « Pélican Bleu ». Aujourd’hui avion de collection et dernier des 9 Catalina à avoir volé au sein de la Protection Civile à demeurer en état de vol, sa venue était simplement indispensable.
Le deuxième invité vedette était le CL-215 1038 EC-HEU de la société espagnole Inaer. Bien que l’histoire des CL-215 français se soit terminée un peu tristement, l’avion est clairement celui grâce auquel la légende des pompiers du ciel français s’est construite. Les organisateurs ont eu la chance de bénéficier de la présence du mythique « Canadair » original, alors toujours en service et opérationnel.
Et, grande idée de l’organisation, un vol du souvenir a été programmé, mettant en scène les deux légendes d’hier et la grande vedette d’aujourd’hui. Pour certains anciens, ce tableau aérien a été une grande émotion, compréhensible.
Le clou du spectacle est arrivé ensuite, pour clore la journée d’une manière assez intense et inédite. Pour la toute première fois, les aéronefs de la Sécurité Civile se sont livrés à une démonstration de leurs capacités et de leurs rôles respectifs. L’ensemble de la démonstration a duré 45 minutes, impliquant 7 avions, un hélicoptères et quelques pompiers et leurs véhicules spécialisés en feux de forêts. Cette véritable débauche de moyens était au service d’un scénario aussi simple que réaliste : comment, dans quel contexte et avec quelles tactiques les avions viennent-ils à l’aide des sapeurs-pompiers ?
Dans un premier temps, c’est le Beech 200 qui est intervenu. Ce bimoteur, utilisé pour les vols de liaison, est aussi régulièrement employé pour des missions d’investigation. Dans le scénario, un feu était repéré, l’avion venait donc vérifier que l’engagement des moyens aériens était nécessaire.
Ce sont donc les Tracker qui sont intervenus les premiers. Avec la tactique du Guet Aérien ARmé, ces avions vont patrouiller au-dessus des zones à risque pour intervenir à la détection de la moindre fumerolle. Ce sont les feux naissants qui vont être traités en priorité, ce sont effectivement les Tracker qui vont assurer cette attaque initiale. Et celle-ci est très souvent décisive, les bilans chiffrés des surfaces brûlées dans notre pays en sont le témoignage années après années.
Avec environ 3000 litres de retardant par avion, les patrouilles de GAAR peuvent parfois ne pas être suffisantes. C’est là que les Q400MR peuvent entrer en scène. Avec un emport de 10 tonnes de retardant (soit environ 9000 litres) et une vitesse de croisière plus élevée, les Dash 8 apportent une capacité d’action rapide ou à longue distance très appréciable. Plus difficile à démontrer sur un meeting aérien, leurs usages en transport de passagers ou de fret en font des avions réellement polyvalents, mais là, leur configuration ne les distingue en rien des autres Q400 des compagnies commerciales.
En 2013, la question de la succession des Tracker était sur toutes les lèvres. Aujourd’hui on sait que ce sont des Q400 qui vont prendre la relève des vénérables Grumman, une belle reconnaissance quand on se souvient des polémiques soulevées à l’entrée en service de cette machine étonnante.
Mais ceux que le public attendait avec le plus d’impatience, c’était bien sûr les célèbres Bombardier 415 qu’on continue à appeler Canadair. Trois appareils ont fait la démonstration des largages en noria, utiles pour assommer un feu. Puis avec la participation d’une colonne de pompiers et de leurs véhicules, un dernier passage a permis de simuler un largage dit « de sécurité » destiné à sauver des personnels directement menacés par les flammes.
Toute la démonstration s’est faite devant un EC-145 de la Sécurité Civile qui tenait ainsi le rôle qu’il tient souvent sur feux, en servant de repère pour les largages des avions. Son pilote a ainsi tenu un stationnaire de plusieurs dizaines de minutes alors que le vent était relativement sensible et la chaleur écrasante. Pour le grand public, ce n’était sans doute pas là l’aspect le plus impressionnant de la démonstration et pourtant, il y avait là du beau pilotage.
A la conclusion de l’exercice, les avions se sont rassemblés et ont défilé une nouvelle fois en formation serrée, ajoutant ainsi une occasion d’immortaliser la flotte de la Sécurité Civile et ses différentes composantes d’un seul coup d’oeil. Une vision rare et définitivement inoubliable.
La fête était finie. Les derniers visiteurs ont continué à faire un peu la queue au pied du Pélican 32 pour le visiter. Il n’a d’ailleurs pas désempli de la journée.
Et sous une magnifique lumière de fin d’après-midi du sud de la France, les participants ont redécollé pour gagner Marignane, laissant les derniers photographes se régaler !
Depuis le cinquantenaire, la Sécurité Civile semble avoir repris goût au démonstrations publiques. Bien sûr, ses avions étaient présents aux journées porte-ouvertes à Brignoles ou de temps en temps à Nogent le Rotrou, mais ces dernières années, les Canadair, Tracker, Dash et autres Beech ont participé au meeting de la Ferté-Alais, au Salon du Bourget, aux meetings nationaux de l’Air et même au défilé du 14 juillet à Paris. Personne ne se plaindra donc de cette volonté retrouvée de revenir devant le public.
L’année prochaine, la BASC déménagera donc à Nîmes où elle pourra bénéficier d’une emprise propre. Débarrassé des contraintes liées aux opérations de sûreté d’un aéroport international, est-ce que des journées porte-ouvertes pourront être organisées ? Le succès du meeting de 2013 tendrait à démontrer qu’elles seraient, à n’en pas douter, de fabuleux succès publics !