En France, en Europe, l’image qui vient, lorsqu’on évoque la guerre aérienne contre les feux, est celle d’un avion jaune écopant sur un lac l’eau qu’il largue quelques minutes plus tard directement sur le feu. Cette scène est tellement forte et présente, l’avion jaune devenu tellement emblématique, qu’ils occultent totalement tout un pan des tactiques et techniques utilisées pour lutter contre les feux dans le reste du monde, mais aussi dans notre pays.
Un peu d’histoire
L’utilisation d’avions pour lutter contre les feux de forêts remonte aux années 20 où certains aviateurs aventuriers américains commencèrent à larguer quelques sacs remplis d’eau sur les feux, sans grande réussite. Au Canada, des essais de largages furent effectués en 1944 à partir d’un hydravion Norseman mais le délestage se faisant par des tuyaux assez étroits, 7,62 cm de diamètre, l’efficacité ne fut pas au rendez-vous non plus.
Ce n’est qu’au début des années 50 que l’intérêt pour les aéronefs de lutte contre les feux de forêts fut relancé. Lors d’un essais en vol du prototype de l’avion de ligne Douglas DC-7 au dessus de l’aérodrome de Palm Springs en Californie, en 1953, l’équipage se délesta des 5 à 6000 litres de ballast destinés à simuler la charge utile de l’appareil. Ils mouillèrent visiblement une surface respectable pendant quelques minutes en dépit d’une forte chaleur et d’un faible taux d’humidité ambiante. Le 2 décembre suivant, le DC-7 procéda donc à un nouveau largage de 2400 gallons (9084 litres) sur le Rosemond Dry Lake à Los Angeles en présence des pompiers du California Department of Forestry. Même si le largage ne fut pas massif, puisque l’eau fut déversée par des buses de 7 pouces (17,18 cm), les résultats contre de petits foyers allumés pour l’occasion furent considérés comme encourageants. Dès lors, la possibilité de combattre un feu depuis le ciel en larguant massivement un agent extincteur étant établie, les tactiques et les matériels adaptés se développèrent immédiatement.
Les écopeurs
Au Canada, la topographie des zones à risques ouvrait la perspective d’utiliser massivement de l’eau pour éteindre, ou au moins, ralentir la progression des sinistres en la prélevant directement dans les plans d’eau innombrables grâce à des hydravions spécialement équipés. Dans un premier temps, l’eau était pompée jusqu’au réservoir alors que l’avion se trouvait à l’arrêt sur le plan d’eau, mais rapidement, pour gagner du temps, l’hydravion procéda en écopant. Maintenu en mouvement à la surface d’un lac ou d’un étang, l’avion prélevait l’eau grâce à sa vitesse et par le biais d’ouvertures situées au niveau de sa ligne de flottaison. Cette méthode, qui demande quand même une grande rigueur de pilotage, fit rapidement la démonstration de ses possibilités.
L’écopage vu par un maître du cinéma, Steven Spielberg, pour l’inoubliable scène d’ouverture de son film « Always » (1989)
Les premiers bombardiers d’eau, en dépit de leurs capacités d’emport réduites, pouvaient multiplier les largages et obtenir des résultats visibles. Les premiers Beaver emportaient quelques centaines de litres.
Ils furent rapidement épaulés par des Catalina qui emportaient jusqu’à 5000 litres. Dès 1961, alors même que le concept d’avions écopeurs n’était en usage que depuis quatre ans, la Colombie Britannique employa un premier Martin Mars, hydravion géant récupéré en surplus auprès de l’US Navy, qui intervint cet été-là très efficacement contre plusieurs feux grâce à une capacité d’écopage de 27 000 litres, un record à l’époque.
En 1963, la France, par proximité culturelle et surtout topographique, le sud de notre pays ne manquant pas de lacs, étangs et littoraux abrités, tout à fait écopables, se dota de ses premiers Catalina, basés à Marseille.
A cette même époque, les ingénieurs de Canadair commencèrent à travailler sur un projet d’avion spécialisé capable d’écoper un peu plus de 5300 litres. Le CL-215 entra en service en 1969 et se montra rapidement parfaitement adapté à sa mission. En France, le désormais célèbre « Canadair » prit alors la succession des Catalina de la Protection Civile et imposa alors son image d’avion providentiel. Il en fut de même en Espagne, en Italie ou en Grèce, où le successeur à turbopropulseurs, le CL-415 trouva aussi sa place.
Eau et émulseur contre les flammes
L’eau larguée sur un feu agit de plusieurs façons. En imbibant le combustible elle diminue très légèrement sa sensibilité au feu et freine un petit peu sa propagation. En s’évaporant ensuite, elle fait diminuer la température et donc réduit l’énergie du sinistre. En étant larguée d’un aéronef, elle emmagasine aussi de la vitesse, de l’énergie potentielle, qui lui donne un effet de souffle qui modifie l’équilibre chimique et physique du comburant et agit ainsi notablement sur cet autre pan important du triangle du feu.
En agissant ainsi sur les trois côtés du triangle du feu, l’eau fait la démonstration de ses incroyables capacités à éteindre les flammes. Ces avantages sérieux s’additionnent à la nature même de l’eau qui, dans de très nombreux endroits, est facile d’accès et pratiquement gratuite.
Mais l’eau n’est efficace vraiment qu’en effet immédiat. Elle n’est donc utilisable qu’en attaque directe en frappant les flammes. C’est pour cela que, très souvent, elle est utilisée additionnée à de l’émulseur pour obtenir un largage dit « au moussant ». A bord d’un CL-415, 300 litres d’émulseur peuvent être utilisés, ce qui autorise une vingtaine de largages.
La mousse se comporte comme un film qui emprisonne des bulles d’air et qui, sous l’action de l’air, et aussi du feu, se dégrade et libère cet air. Cette couche épaisse et qui s’évapore plus longtemps que l’eau pure a deux actions. Elle isole le combustible du comburant et en se décantant, imbibe légèrement le combustible et améliore quelque peu ses capacités à résister à la pyrolyse pendant un temps largement supérieur à l’eau pure. Avec également la présence de tensio-actifs, donc d’agent « mouillant », la mousse recouvre plus efficacement les végétaux ce qui renforce aussi son action. Ce type de produit était autrefois appelé « retardant court terme » mais cette dénomination semble être tombée en désuétude désormais.
Le célèbre largage sur le camion en flammes sur la Trans-Labrador Highway était au moussant, les dernières secondes de ce film le démontrent.
Les écopeurs, une solution universelle ?
Mais les avions écopeurs n’ont pas que des avantages. Sur le plan opérationnel, les avions amphibies, à l’exception du jet Beriev 200, sont plus lents que leurs homologues terrestres. Un FireBoss aura du mal à dépasser les 150 kt, ce qui est la vitesse de croisière d’un CL-415 tandis qu’un Tracker vole sans problème à 200 kt et qu’un Dash 8Q400MR dépasse largement les 350 kt en croisière. Donc, plus le sinistre est éloigné d’un plan d’eau écopable et plus les tankers (1) ont leur raison d’être, d’autant plus que, bien souvent, ces derniers disposent d’une charge utile supérieure.
Les hydravions et avions amphibies sont aussi peu fréquents et d’une exploitation spécifique. Les types disponibles sur le marché de l’occasion sont peu nombreux et les avions encore en production très rares. Deux d’entre eux sont spécifiquement produits pour combattre les feux, le Beriev 200 en Russie et le Fire Boss chez Air Tractor aux USA.
Ces appareils ont donc un coût d’achat élevé pour leur catégorie, surtout si on le compare à celui d’un appareil terrestre équivalent… d’occasion puisque tous les autres appareils sont des conversions à partir de machines de seconde main. A titre d’exemple, un Beriev 200 est annoncé à un prix d’achat supérieur à 30 millions $ tandis qu’un DC-10 d’occasion avec un bon potentiel restant n’en vaudrait plus que… 5 !
Les coûts d’exploitation sont difficiles à comparer mais il est de notoriété publique qu’un avion amphibie est coûteux à exploiter. Sa rareté rentre en ligne de compte mais aussi toute la surveillance et les réparations à effectuer avec une plus grande précaution en raison de la corrosion consécutive à sa proximité de l’eau, encore plus quand l’eau est salée.
Ainsi, les rapports parlementaires français expliquent que les coûts d’exploitations des CL-415 de la Sécurité Civile sont comparables à ceux des Q400MR dont les performances sont bien supérieures. Pour le Forest Service, les coûts de location parlent d’eux mêmes. Pour la saison 2016 ces tarifs étaient les suivants :
- P2V Neptune, 7 570 litres : 18 000 $ par jour + 8 495 $ par heure de vol.
- DC-10, 35 600 litres : 35 000 $ par jour + 13 600 $ par heure de vol.
- CL-415, 6 056 litres : 54 246 $ par jour + 9 247 $ par heure de vol.
Le CL-415, qui était basé près du Lac Tahoe, à la frontière entre le Nevada et la Californie, était donc l’aéronef le plus coûteux de tous les appareils sous contrat. Des éléments techniques expliquent sans doute ce prix, mais les tarifs du Forest Service étant le résultat de négociations particulières avec les entreprises concernées, des explications non rationnelles peuvent avoir aussi joué dans ce prix à la journée tout à fait étonnant.
Les tankers
Dans de nombreux secteurs géographiques, l’eau n’est pas disponible en quantité. Il existe des espaces où il est plus facile de trouver un aérodrome qu’un plan d’eau écopable, en particulier aux USA et, donc, où le recours aux tankers, c’est à dire à des avions conventionnels convertis, devient plus logique.
Dans ce pays, l’expérience menée avec le DC-7 en décembre 1953 ouvrit la porte à un véritable foisonnement d’expérimentations en tous genres. En première ligne on retrouvait alors les avions agricoles et leurs pilotes pour qui, larguer de l’eau sur des feux ne les changeait pas trop de leur activité habituelle d’épandage de pesticides ou d’ensemencement.
L’expérimentation opérationnelle débuta à partir de Willows en Californie en 1955 avec le Stearman immatriculé N75081. Une véritable escadrille naquit ensuite mais les avions utilisés, n’avaient qu’une capacité d’emport de 170 gallons (643 litres), pas assez décisive.
Très vite, les opérateurs, sentant qu’il y avait là un marché à prendre et des contrats à obtenir avec les collectivité locales, se sont intéressés aux avions survivants de la Seconde guerre mondiale stockés depuis la fin du conflit en attendant d’être ferraillés. B-17 Flying Fortress, A-26 Invader, B-25 Mitchell, F7F Tigercat ou PB4Y Privateer ont ainsi fait les beaux jours des entreprises de travail aérien américaines impliquées dans ce combat.
La disponibilité de ces avions et leur faible coût d’achat, ainsi que leurs charges utiles respectives en ont fait des appareils très prisés aux USA, mais aussi au Canada. Ce sont toutefois les TBM Avenger qui furent parmi les plus nombreux puisqu’on estime à environ 150 exemplaires différents qui participèrent à des missions de lutte contre les feux de forêts à un moment ou un autre. Cette imprécision est la conséquence de l’activité mixte de ces avions, pouvant parfois passer d’une utilisation purement agricole à une utilisation pompier par le seul changement du produit délivré.
Aujourd’hui encore, les tankers sont le fruit de conversions d’avions d’occasion, anciens militaires mais aussi, désormais, de jets de ligne délaissés par les grandes compagnies aériennes. Le faible coût d’acquisition de ces machines laisse une marge pour financer la transformation et maintenir l’équilibre financier de ces entreprises qui sont, bien souvent, économiquement prisonnières du Forest Service. Les évènements de 2002 et surtout de 2004, ont clairement montré les limites de ce système.
Si les avions écopeurs utilisent l’eau pour lutter contre les flammes, agent extincteur disponible en quantité et facile d’accès pour ce type d’appareils, les tankers ou airtanker, comme ils sont désignés aux USA, souffrent d’un déficit de productivité puisqu’il leur faut de toute façon retourner sur un aérodrome pour recharger leurs soutes d’agent extincteur. Cette opération peut prendre plusieurs minutes car il faut prendre en compte le temps d’intégration dans le circuit de l’aérodrome, le temps de roulage et celui du remplissage, lié à la puissance des pompes d’alimentation et le temps nécessaire pour repartir. Ce mode opératoire pourrait s’avérer très pénalisant, surtout pour les appareils les plus lourds. Certains, en particulier les DC-10, peuvent toutefois utiliser plusieurs points d’alimentation simultanément ce qui réduit d’autant leur temps d’immobilisation.
Pour compenser cette lacune, et parce que l’expérience de l’aviation agricole et ses produits chimiques a largement servi de base au développement de ces nouvelles missions, très rapidement, l’eau seule n’est plus devenue l’arme essentielle de leur combat. Le fait d’avoir à recharger les soutes des airtankers auprès d’installations spécialisées permet d’utiliser des produits plus performants et d’un usage différent de l’eau. Si on n’oublie pas que les premiers tankers furent extrapolés d’avions agricoles spécialisés dans l’épandage de pesticides, et mis en œuvre par des équipages rompus aux opérations des « Crop Duster », il était logique, pour lutter contre les feux, de faire également appel à la chimie.
Le retardant
Dès les premières expérimentations aux USA à Willows au milieu des années 50, les tanker ont utilisé un produit non pas extincteur, mais retardant.
Dans un premier temps, des produits à base de chlorure de calcium, de phosphate de monoammonium ou de borax furent expérimentés, notamment lors de l’opération Firestop en 1955 en Californie. Mais ce sont des solutions à base de borate qui furent utilisées dans un premier temps, offrant à ces avions leur premier surnom « Borate Bombers ». Ensuite, ce fut au tour du phosphate de diammonium. Mais, en 1959 apparaissent deux retardants produits en quantité, le Phos-Chek® à base de phosphate d’ammonium et le Fire Trol® utilisant le sulfate d’ammonium comme principe actif.
Ces deux produits, toujours en usage de nos jours tout en ayant évolué dans leurs compositions respectives, agissent sur la pyrolyse, le mécanisme de dégradation chimique des éléments qui en fracturant les liaisons atomiques permet l’apparition des flammes. En recouvrant les végétaux, le principe actif du produit retarde la décomposition de la cellulose qui constitue l’essentiel de la structure des végétaux, dont le bois. Alors que la cellulose se décompose à 150°C et brûle, le retardant offre aux végétaux une protection suffisante pour qu’il soit nécessaire d’atteindre des températures beaucoup plus élevées (certaines sources avancent la température de 700°C) avant que cette décomposition chimique n’intervienne. Le gain de temps se trouve là.
Si le retardant n’est pas exposé au feu, il conserve ses propriétés même si l’eau qui compose encore 80% du produit déversé s’est évaporée. Ses propriétés se dégradent ensuite progressivement et en fonction de son exposition au vent et à la pluie.
Le retardant peut être utilisé en largage direct sur les flammes où il aura une action très proche de celle de l’eau. Largué en amont du front de flammes ou sur les flancs, il servira en revanche de barrière d’appui. Les applications de ces produits spécifiques sont plus variées que l’eau, ce qui compense largement les délais plus importants qu’il peut exister entre deux largages par un même aéronef.
Largage spectaculaire d’un DC-10 dans le Silverado Canyon (CA) en 2014. Exemple typique de largage indirect destiné à construire ou consolider une barrière de retardant dans une zone difficilement accessible aux véhicules pompiers et aux bulldozer.
Même si leur vitesse est moindre que celle des voilures fixes, les hélicoptères compensent en opérant encore plus près du front. Si on peut s’étonner de ne pas voir d’avions écopeurs massivement en service aux USA, en Australie ou dans certaines provinces du Canada, c’est là qu’il faut trouver la réponse.
C’est donc aussi un des facteurs contributifs à la raréfaction des amphibies puisque leurs missions peuvent être assurées en partie par des voilures tournantes pour peu qu’elles soient prépositionnées idéalement pour éviter les longues liaisons. Les coûts des appareils sous contrat avec l’US Forest Service permettent de voir que les tarifs appliqués en 2016 aux voilures tournantes ne sont pas très éloignés des tarifs appliqués aux avions de même catégorie et de même capacité. Mais à la différence de nombreux tankers, les voilures tournantes ont l’insigne avantage d’être véritablement polyvalentes et être utilisables pour une large variété de missions dès que la saison des feux se termine.
- CH-47D, 10 348 litres : 24 500 $ par jour + 7 394 $ par heure de vol
- CH-54B, 10 319 litres : 22 150 $ par jour + 3 987 $ par heure de vol
- S-70A, 5550 litres : 15 000 $ par jour + 3 933 $ par heure de vol
La Loi du nombre
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les avions écopeurs sont loin d’être majoritaires dans l’ensemble des flottes consacrées à lutter contre les feux de forêts. Ils ne l’ont d’ailleurs jamais été. Dès les origines du concept, les avions agricoles ont été les plus nombreux. Avec la famille des AgCat, des Thrush et des Air Tractor, ces avions restent très bien représentés mais depuis, les hélicoptères les ont supplantés. Seulement une poignée de types d’avions amphibies ont été utilisés pour ces missions ; Beaver, Otter, Twin Otter, Catalina, CL-215, CL-415, Beriev 200, FireBoss. Avec 221 exemplaires produits (125 CL-215 et 96 CL-415), la famille Canadair est la plus nombreuse.
A côté de ça, la liste des tankers comporte plus d’une trentaine de types principaux dont certains, comme les TBM, les B-17, les Lockheed Electra, les Neptune, les B-25, les S-2 Tracker, les C-130, les P-3 Orion, sans oublier les quadrimoteurs Douglas, ont compté parfois des dizaines d’exemplaires convertis. La représentation populaire de l’amphibie attaquant les flammes est donc spécifique aux zones géographiques où ces appareils sont effectivement parfaitement adaptés mais elle est loin d’être généralisée à l’échelle de la planète.
L’argumentaire simpliste et tellement autocentré faisant du Canadair la panacée au problème des feux de forêt ne doit cependant pas masquer plusieurs points essentiels. Là où les écopeurs amphibies disposent de la topographie adaptée, ils sont presque irremplaçables. Ailleurs, leur rôle d’attaque massive et répétée peut être parfaitement assumé par les voilures tournantes. Si on en juge par la situation française, l’usage conjoint et parfaitement organisé de ces différents moyens, bien utilisés en fonction de leurs qualités propres donne des résultats remarquables mais ce modèle ne peut pas être universel tant la topographie du pourtour septentrional de la Méditerranée, et en particulier le sud de notre pays, est idéale. La topographie aux USA explique la domination des tankers mais il ne faut alors pas oublier que les missions assurées par les CL-415 chez nous, le sont par des hélicoptères lourds, là bas.
Écopeurs et tankers ont donc leurs propres raisons d’être. Il est compliqué de démontrer que tel matériel et telle doctrine sont supérieurs à d’autres tant les contextes géographiques et économiques diffèrent d’un pays à l’autre, même d’une région à l’autre. Une étude objective des avantages de chaque moyen ne peut arriver qu’à une seule conclusion juste ; ces moyens s’épaulent mutuellement. Si ces deux principes cohabitent sur feux depuis plus de 60 ans, ça ne peut être un hasard !
Plus que leurs capacités d’emport, la différenciation opérationnelle des moyens aériens repose sur la dualité « écopeur » contre « tanker » car les manières d’approvisionner ces vecteurs déterminent aussi les types d’armes et les manières de les utiliser, et donc leur pertinence et leur efficacité. Fondamentalement, ces deux principes de base ont du mal à se substituer et bien au-delà, il peuvent être aussi, et c’est là une notion véritablement essentielle, complémentaires.
(1) Tanker est un mot très générique puisqu’il désigne tout autant les pétroliers que les avions ravitailleurs en vol. Il sert pourtant d’indicatif radio pour les avions aux USA, c’est pour cela que nous l’avons conservé. Le vocable le plus adapté pour les désigner dans notre langue serait « avion bombardier à retardant » (ABR) par opposition à « avion bombardier d’eau » (ABE).
C’est clair, précis et complet. Merci Fred.
Bonjour monsieur Fred,
Quel est l’ordre de grandeur de la durée d’efficacité du retardant? J’imagine que la densité au sol, le type de végétation et de l’incendie ont leur influence, mais pour l’instant je ne sais même pas dire si une barrière fait effet 30 min ou 6 heures!
Bravo pour ce blog très instructif!
L’efficacité de la barrière dépend de la température. Le retardant est efficace quand la température de la végétation est en dessous de 700°C si on en croit la doc des industriels. Face à un feu très virulent, le point d’inflammation peut donc être atteint très rapidement, les barrières seront alors renouvelées à un rythme plus élevé avec une forte densité. Sur les énormes feux de l’ouest des USA, ça peut donc se compter en minutes, sur des feux en propagation lente, et sur les flancs, ça peut effectivement se compter en heures.
C’est une excellente question effectivement, on va tâcher d’approfondir ça !
Fred,
Excellent topo. Clair et précis et qui tord le coup a quelques idées recues.
Article excellent!
En theorie le Retardant est 15Xplus efficace que l’eau et le Moussant 7Xplus efficace que l’eau. Mais il ya la theorie et…la realité.
Le Retardant doit etre largue a la bonne hauteur ;150 a 200 pieds selon la densite choisie…elle meme fonction de la vegetation ciblée. Trop bas et le largage ne couvre qu’un aspect de la vegetation et non les 360 degres, laissant des zones non recouvertes. Il peut aussi s’averer devastateur et dangereux si proche des troupes au sol (chute de branches cassees, cailloux, rochers projetes, impact direct sur les camions, les hommes, vitres brisees, tympans perces, etc). Trop haut et il perd rapidement de son efficacité, se decompose, se vaporise.
La cible du retardant n’est pas une vegetation en train de bruler mais bien une vegetation indemne. Le concept est bien de l’enveloper et creer une barriere chimique pour empecher la pyrolise, la mise a feu.
En effet, le probleme du feu n’est pas de l’eteindre mais en priorité d’arreter sa progression, le contenir puis de l’eteindre.
Pour moi le triangle du feu se compose de l’air, la Temperature et le Carburant.
L’eau et le moussant agissent pricipalement sur la Temperature en etant largue directement sur les flammes (et souvent a plus basse hauteur pour eviter la vaporisation) alors que le Retardant agit sur le carburant (la vegetation) en essayant de le sortir le « carburant » de cette equation.
En ayant le meilleur systeme de largage avec des choix de densite et auantite judicieux (flux constant comme le Dash 8, restent 3 difficultes:
une vitesse de largage appropriee, pas toujours simple dans du relief escarpé
une hauteur idéale, 150, 200 pieds
une dérive adequate; vent, rafales, turbulences
Bref c’est du sport…
L’interet des Norias de CL-415, des Martin Mars et Aircrane est de larguer un max de flotte en un minimum de temps…refroidir, eteindre, noyer
L’interet des Tankers au Retardant est de creer rapidement (attaque initiale)cette barriere pour contenir le feu et donner du temps aux pompiers au sol pour acceder au feu et rznforcer les barrieres physiques ou naturelles.
la clé est le Temps. Attaque initiale sur feux naissant, coordination et effort maximum de tous les elements air et sol.
A chacun ses armes, a chacun son role.
le Retardant perd sa couleur au fil du temps mais garde ses proprietes chimiques jusqu’a la premiere pluie, ou qu’un largage helico l’arrose, le disperse.
La rosee du matin peut degrader ses capacites mais sinon il reste efficace tres longtemps.
a relire le titre de l’article, je dirais plutot ecopeur ou Tanker? plutot que contre…
On fait equipe et on se coordonne pour une efficacité max.
Très didactique et bien illustré, bravo Fred
efficacite max 48h. Puis se degrade continuellement jusque 7 jours
En Grèce , il semblerait qu’ils aient toujours des Cn215 , donc à piston ? Vitesse calme et bruit ! Ils courent partout ! Je crois plutôt aux feux accidentels par négligence , tessons , conserves mégots barbecues … que les journalistes qui parlent de provocateur , que vont devenir les forêts méditerranéennes ?
En Grèce, je confirme, il reste des CL-215, mais combien sont opérationnels, je l’ignore. Ils sont plus lents que les CL-415…
Pour l’origine des feux, c’est un sujet complexe. On arrive à bien déterminer l’origine d’un incendie dans la moitié des cas, et effectivement, dans cette partie-là, les mises à feu volontaires sont minoritaire (par contre, je ne sais pas si leur importance en termes de surface n’est pas supérieure à la moyenne)… sauf que la zone d’incertitude est encore immense sur les feux restants.
Les tessons de verre, je pense que c’est à oublier (pour que l’effet loupe existe, il faut une forme de verre particulière), par contre les mégots et les barbecue sauvages…
Commentaires très bien rédigé et explicite savez-vous toutefois si il y a des possibilités d’emploi dans ce monde en maintenance à Nîmes ??
La maintenance des avions de la Sécurité Civile est assurée par l’entreprise Sabena Technics. Vous pouvez vous adresser à eux pour connaître leur besoins. Ils ont effectivement un important centre à Nîmes où ils assurent aussi l’entretient de nombreux avions, y compris les C-135 de l’Armée de l’Air ou des KDC-10 néerlandais, par exemple.
La maintenance aéro est un secteur qui embauche en ce moment alors…
comment les canadair stockent en vol le retardant pour ensuite le mélanger a chaque rotation de chargement en eau de mer / je suis chauffeur international et je chargeais le retardant en belgique pour le sud de la france avec possibilité de traverser la france sans obligations de temps de repos !
il faut distinguer les retardants. Les « court terme » moussant et mouillant et les « long terme », ce dernier étant le produit rouge dont on charge les Tracker et les Dash.
Pour les premiers, en plus des soutes pouvant contenir 6200 litres d’eau remplissable par écopage, il y a des petits réservoirs de quelques dizaines de litres du produit « moussant » qui est injecté par un venturi au moment du largage. La concentration de ce produit, de quelques pourcentages, fait qu’avec les quelques dizaines de litres à bord, le Canadair peut faire quelques dizaines de largage (je suis en déplacement, j’ai pas toute ma doc avec moi, je ne donne pas de chiffres pour ça) en écopant de l’eau douce ou de l’eau salée.
Pour le retardant « long terme », plus concentré et plus efficace, le prémélange est stocké dans le pélicandrome et on remplit l’avion directement ainsi, comme les Tracker et les Dash. Une fois cette charge larguée, soit le Canadair poursuit sa mission à l’eau en écopant comme d’habitude, soit il revient au pélicandrome pour être à nouveau chargé de retardant, comme n’importe quel autre avion.
Il va sans dire que les Canadair (ou les autres avions écopeurs) gagnent en productivité à travailler à l’eau ou au moussant plutôt qu’au retardant. C’est pour ça qu’on va parler de complémentarité des moyens avec les « Tanker » que sont les Tracker et les Dash.