Principale base d’essais au temps de la renaissance des ailes françaises, après la seconde guerre mondiale, site chargé de la mémoire des Dassault, où traîne encore l’ombre de Kostia Rozanoff et des grands pilotes d’essais français, période héroïque, Melun-Villaroche est, petit à petit, tombé dans l’oubli tandis qu’au même moment, à un jet de caillou de là, une petite piste en herbe forgeait sa propre légende. Autres avions, autre histoire et autre mythe.
Mais en cette fin d’été, Villaroche, la belle endormie, a été tirée de son sommeil lors d’un meeting aérien tonitruant, organisé par JM AirShow, le Paris Villaroche Air Legend, que ses promoteurs souhaitent vivement imposer comme l’évènement aéronautique incontournable de fin de saison.
Pour se distinguer des différents meetings aériens français et du plus emblématique d’entre-eux, qui, de plus, se déroule dans le même secteur géographique, les créateurs de l’évènement, Eric Janssonne et Thierry Marchand, ont puisé leur inspiration de l’autre côté de la Manche et plus particulièrement à Duxford, aérodrome au nord-est de Londres, considéré comme le paradis des Warbirds, des chasseurs et avions emblématiques de la seconde guerre mondiale.
En partant du principe d’un plateau plus resserré mais avec une thématique marquée – et c’est vrai qu’on a rarement vu autant de chasseurs de la 2e GM rassemblés sur un parking d’aérodrome français depuis belle lurette – Il y avait matière à combler un vide dans la « meetingographie » française, de quoi s’assurer les bonnes grâces de la « spotterosphère » et des amateurs de grands spectacles !
C’est un show aérien de cinq heures qui nous a été présenté, et où les héros de la Seconde Guerre mondiale ont donc été particulièrement à l’honneur.
De nombreux avions invités ont marqué cette première édition de leur empreinte, des avions rarement ou jamais vus jusqu’ici en meeting en France, renforçant clairement l’intérêt de l’évènement.
Mais avant de s’intéresser au spectacle proposé, un meeting aérien peut aussi se juger sur la qualité de son organisation. Pour l’accès des véhicules, un grand champs juste à l’entrée de l’aérodrome a servi de parking ; plus près, ce n’était pas possible ! Néanmoins pour les « piétons » désireux de se rendre au meeting en transports en commun, un service de bus-navette a été organisé depuis la gare de Melun, à raison d’un bus toutes les heures pour un coût de 3€ par trajet et par personne (6€ aller-retour).
C’est aussi un signe tangible du soin apporté par l’organisation pour rendre l’évènement réellement accessible à tous et il faut le porter aussi à leur crédit. Néanmoins, il fallait trouver le bon bus, le fléchage sur place étant un peu timide.
Une fois arrivé sur place, après être entré sur le site très rapidement et avoir parcouru les stands au pas de course, rendu visite tout aussi rapidement à la reconstitution d’un camp militaire de la seconde guerre mondiale, il était déjà trop tard pour aller visiter les avions du meeting au statique.
L’ensemble des avions du meeting étaient effectivement accessibles au public, le matin dans leur enclos, moyennant un supplément de 5€. Le samedi, les avions ont même été présentés sans aucune clôture mais devant l’indiscipline de certains, qui se sont amusés à tripoter les appareils devant pourtant prendre l’air ensuite, les organisateurs ont été dans l’obligation de protéger les avions, mais autour desquels il restait possible de tourner. Certaines traditions anglo-saxonnes ne sont toujours pas possibles avec un public plus latin.
Vers 13h, il était l’heure de se rapprocher de la piste. Dans l’enclos spotter situé au nord de la « flight line » où mon badge presse m’a permis d’entrer pour rejoindre des amis qui avaient réservé leurs places il y a plusieurs semaines de cela, j’ai bien reconnu le haut-parleur qui se trouvait devant nous à la Ferté-Alais. De toute évidence, il était réglé avec les mêmes paramètres, nous y reviendrons.
L’axe des démonstrations était parallèle à la piste 01-19 sur laquelle les avions les plus légers décollaient et atterrissaient. Pour des raisons évidentes, les appareils les plus lourds, ou nécessitant plus de longueur de piste pour opérer (DC-3, Noratlas, Rafale, Vampire par exemple) décollaient et atterrissaient de la 10-28, plus éloignée du public.
Le show a débuté vers 13 heures, à contre-jour pendant les deux premières heures. Gênant, mais on a connu pire !
Il faut bien reconnaitre que le pari initial des organisateur a été parfaitement tenu avec une grosse vingtaine de warbirds, dont quelques raretés. Ne manquait juste que le F-86 de Frédéric Akary, annoncé en vedette puisque Melun aurait été sa première présentation publique, mais l’administration américaine ne l’a pas encore autorisé à traverser l’Atlantique, un aléa comme il est fréquent d’en connaître dans ce genre d’affaires.
En dehors de cette absence, le spectacle était à la hauteur des promesses faites. Deux avions se sont clairement détachés par leur rareté et leur intérêt historique. Le premier était CAC Boomerang, en fait une réplique sur base de T-6, un choix logique, le chasseur australien étant un cousin germain du mythique North American d’entraînement.
L’autre vedette fut le P-47 Thunderbolt, un des chasseurs majeurs du second conflit mondial, présent sur tous les fronts et dont la carrière après-guerre, notamment dans l’armée de l’Air française, est d’une richesse historique indéniable. En dépit des 15 636 exemplaires produits, seule une douzaine d’exemplaires demeure en état de vol au mains d’associations ou de particuliers fortunés et « Nellie » est le seul de son espèce en Europe.
Pour le spectacle, deux Piper Cub rapidement suivis par le solo display Alpha Jet, ont constitué un apéritif tout à fait convenable avant de laisser la place à une paire de T-6 accompagnés pour l’occasion d’un rarissime Vultee BT-13 Valiant.
Les combats aériens du début de la seconde guerre mondiale ont été évoqués par la démonstration du D-3801, le dernier survivant de la famille MS406 puis par une patrouille de trois Hurricane – il est extrêmement rare d’en voir autant voler ensemble – s’opposant à deux Buchon, la version espagnole du Bf109 au cours d’un ballet aérien bien construit.
Ils furent suivis par deux Spitfire Mk.V.
Vint le temps de la guerre dans le Pacifique où les avions ont évolué pour évoquer la bataille de Midway à l’aide de plusieurs T-6, un Catalina et d’un P-40. Un F4F Wildcat, deux TBM Avenger et le T-6 « Zéro » s’envolèrent ensuite pour évoquer les opérations aéronavales et permettre à Bernard Chabbert de s’appesantir sur l’histoire du pilote japonais Saburo Sakaï.
L’histoire se poursuivit avec trois chasseurs Yak, emblématiques du front Russe et de l’épopée de l’escadrille française Normandie, le CAC Boomerang puis le F4U-5NL de la Ferté récemment remis en vol après un long chantier.
Le P-47 Thunderbolt effectua ensuite son vol.
Et puisque nous étions dans une série de chasseurs de légende, le P-51 Mustang voltigea avant de laisser sa place au Sea Fury et ses fameux fumigènes persistants.
Pour les amateurs de moteurs puissants, difficile de bouder son plaisir ! On en a eu plein les yeux !
La suite du programme fut sensiblement plus calme pour un moment, mais d’un intérêt tout aussi vif. Après le passage d’un Fieseler Storch accompagné d’un Piper Cub, c’est le splendide Lockheed Electra de la famille Chabbert qui prit l’air.
Et puisque nous en étions aux grandes légendes du transport aérien une formation, absolument magique, évolua devant nous ensuite, un Dassault Flamant précédé par deux DC-3 et par le désormais très rare Nord 2501 Noratlas.
Ce dernier effectua ensuite sa démonstration solo qui s’acheva avec un joli posé d’assaut sur la piste 19.
Après les passages du Flamant et des DC-3, le spectacle s’intéressa à la guerre du Vietnam avec le décollage d’un A-1 Skyraider et de l’OV-10 Bronco. Comme pour le tableau « Midway », cette démonstration fut renforcée par quelques effets pyrotechniques.
Si la Patrouille de France, présente uniquement le samedi, avait conclu le premier jour de cette grande première, le Paris Air Legend s’est achevé le dimanche avec une arrivée en force de l’aéronavale et une formation grande flèche, guidée par le MS760 Paris, composée de 4 Rafale M de la 12F et de deux Vampire venus de Nangis, l’occasion d’évoquer Jean-Maris Saget, autre grand nom des essais en vol Dassault.
Après avoir laissé le Paris puis les Vampire évoluer, une évocation logique à Melun, ce sont les Lascar de la 12F qui ont procédé à leur démonstration à quatre avions, difficile à photographier mais passionnante à suivre et terriblement spectaculaire. Dommage que leur commentateur spécifique n’était pas à la hauteur.
Les commentaires et l’animation sonore, parlons-en. Si le talent de conteur de Bernard Chabbert ne peut pas être mis en question tant il est évident, et si sa capacité à tenir en haleine le public demeure intacte, je suis plus partagé sur son accompagnement systématique de musiques et d’effets sonores assourdissants parfois, obligeant les spectateurs le long des barrières à hurler pour pouvoir se parler entre-eux, ce qui s’avère épuisant à la longue.
Si je ne faisais pas de photo, je me serai réfugié bien loin de la ligne de vol pour être tranquille… Et parfois, je me sens frustré de ne pas pouvoir apprécier à sa juste qualité le son des moteurs Merlin ou la vibration des pistons des DC-3. Le son des avions peut très bien se suffire à lui même !
26 000 spectateurs (hors presse et invités) ont donc assisté à cette grande première, qui a connu une météo quasi idéale. Néanmoins les organisateurs ont annoncé qu’ils étaient largement au-dessus de leurs prévisions et que la reconduite de l’évènement pour l’année prochaine semble assurée, ce qui constitue une excellente nouvelle.
Il ne fait guère de doute que Villaroche permettra d’accueillir beaucoup plus de public au fur et à mesure que ce meeting aérien s’imposera dans le calendrier européen.
Pour une grande première, elle a été vraiment réussie et nous adressons nos félicitations aux équipes qui ont contribué à ce succès.
Rendez-vous en septembre 2019 !
Merci Fred pour ce beau reportage.
Concernant l’ajout de musique lors des prestations des appareils présentés en vol, je suis, tout comme toi, farouchement contre. La « musique » des avions, qu’ils soient à moteurs pistons ou a réaction se suffit à elle même.
Les organisateurs ont lu l’article, j’espère qu’ils ont noté et qu’ils trouveront des idées alternatives.
Ping : Marsaly - Air Legend à Melun | Ham and Jam
Tiens, pour une fois, je vais commenter ici !
Très bon compte rendu mais bon faut-il encore le souligner ?
« Le samedi, les avions ont même été présentés sans aucune clôture, mais devant l’indiscipline de certains qui se sont amusés à tripoter les appareils… »
Ah, ça change pas ça hein… Personnellement, je ferais bien exclure ces personnes… M’enfin…
Sinon, beau plateau effectivement !
J’aurais bien voulu tout particulièrement voir le Mystère IVA !
exclure pour tripotage… il va falloir lancer le #touchepasàmonzinc !
Plus sérieusement, il suffit de quatre plots et une corde pour protéger les avions efficacement. Les barrières, au statique, c’est pénible aussi, mais il n’y a pas de solution idéale.
Depuis quand n’avions pas eu un meeting de ce niveau en France?
La Ferté en 93, peut-être? Ou peut-être jamais…
Ca sentait bon un léger parfum de Duxford, en effet.
Alors oui, dommage pour le F86, dérangeant les bruits parasites des hauts parleurs, indiscipline des visiteurs incultes tripotant les machines au parking, mais ne boudons pas notre plaisir d’avoir vu des machines rares de nos jours!
La Ferté n’étant plus que l’ombre d’elle même, vivement septembre 2019!…
Un meeting de ce niveau ? ça dépend sur quel critères on peut juger, mais Caen et Hyères 1994 restent gravés dans ma mémoire. Ferté 93-94, pas mal aussi. Mais Hyères 2010 (tiens, encore ?!) valait le déplacement.
Mais comment juger ? sur le nombre de « Warbirds » ? On peut apprécier bien d’autres avions que les seuls chasseurs de la 2eGM et c’est ce qui fait la force de la Ferté, la grande diversité des appareils proposés. Et c’est pour ça que Ferté et Melun se complètent bien !