La guerre du Golfe en 1991 avait fait la démonstration du retard de l’armée française pour les opérations des forces spéciales. Il en a résulté la création d’un commandement spécialisé qui a donc entraîné l’émergence de nouveaux besoins aériens. Une escadrille dédiée est alors créé au sein de l’Escadron Poitou basé à Orléans-Bricy, l’Escadrille des Opérations Spéciale (EOS). Le rythme des opérations extérieures n’ayant jamais baissé depuis, la vocation de cette unité a entraîné l’affectation de tout l’escadron au soutien des forces spéciales et son rééquipement avec une flotte mixte de Transall, d’Hercules et de Twin Otter, désormais déployée un peu partout. (…)
Archives de l’auteur : Fred Marsaly
Traces de drames
Si l’observation des photos aériennes de Google Earth peut être un moyen simple de spotter sans sortir de chez soi et d’observer des avions rares et originaux, il est aussi possible de trouver les traces d’évènements plus tragiques, qui ont aussi marqué l’histoire de l’aviation. En voici deux exemples.
Au nord-est de Paris, à très exactement 38 km du parvis de Notre-Dame, près de Senlis, cette clairière d’environ 700 mètres de long n’a absolument rien de naturel.
Il y a bientôt 42 ans, c’est là que le DC-10 TC-JAV de la Turkish Airlines a terminé son court vol quelques minutes après avoir décollé d’Orly en direction de Londres, le 3 mars 1974. A bord se trouvaient 346 personnes, passagers et membres d’équipage.
L’histoire est connue. Sur ce type d’avion récemment entré en service, le verrouillage des portes de la soute et le système qui en permettait la vérification était très imparfait. Arrivé à une altitude où l’effet de la pressurisation de la cellule devenait sensible, environ 12 000 pieds (4000 mètres), la porte qui avait été mal fermée, ce qui n’avait pas été vérifié, a cédé. Une partie du plancher de l’avion s’est alors effondré, entraînant quelques malheureux dans une chute aussi soudaine qu’inexorable mais bloquant aussi les commandes de vol dont les tringleries passaient là. Un tout petit peu plus d’une minute plus tard, l’avion percuta le sol à très grande vitesse, à plus de 480 kt (860 km/h), légèrement incliné sur la gauche mais avec une assiette à piquer de seulement 4°.
Un incident similaire était survenu à bord d’un avion d’American Airlines, alors au-dessus de Windsor dans l’Ontario deux ans plus tôt, mais l’effondrement du plancher n’avait pas coupé les commandes et l’équipage avait pu ramener l’avion au sol. Cet incident grave n’avait cependant pas donné lieu à une consigne de navigabilité qui aurait rendu des modifications du système de verrouillage et de sa vérification de la porte cargo obligatoire.
Douglas, à la suite du procès consécutif au drame, a été lourdement condamné. Dans la forêt d’Ermenonville, un monument a été érigé non loin du site exact du drame et les très nombreux promeneurs du secteur ont pris l’habitude de déposer les débris métalliques qu’ils retrouvent encore à son pied. Très visible depuis le ciel, cette clairière témoigne directement de ce terrible évènement qui était, à l’époque, la plus grave catastrophe de l’histoire de l’aviation commerciale.
Près d’Amsterdam, à exactement 12 kilomètres du seuil de piste 27 de Schiphol, près d’une barre d’immeuble alors en déconstruction, l’empreinte au sol d’un bâtiment similaire est encore visible sur cette photo datant de 2004.
Le 4 octobre 1992, le Boeing 747-200F immatriculé 4X-AXG appartenant à la branche cargo de la compagnie El Al, décolla de Schiphol, piste 01L (devenue depuis une 36L), à destination de Tel Aviv chargé de 114 tonnes de marchandises. Seulement quelques minutes après le décollage, alors que l’appareil atteignait 6500 pieds, le réacteur numéro 3 et son pylône se sont détaché de l’aile droite en percutant le réacteur numéro 4 au passage, qui, lui aussi, tomba dans le lac que l’appareil survolait alors. L’équipage réclama immédiatement l’autorisation de revenir se poser au plus vite sur l’aéroport. Après quelques tergiversations, l’avion fut autorisé à rejoindre la piste 27.
8 minutes après l’incident, et alors que le Boeing se trouve à une dizaine de km du but, et que l’équipage est en train de réduire la vitesse en vue de l’atterrissage, l’avion devint incontrôlable et tomba presque à la verticale, directement sur cet immeuble de 11 étages qu’il éventra.
Outre l’équipage de quatre hommes, on releva 39 corps d’habitants de l’immeuble, 31 appartements ayant été dévastés par le crash.
La perte des deux réacteurs fut attribuée à la rupture de la fixation du pylône à l’aile du réacteur 3, un problème qui s’est produit à plusieurs reprises dans l’histoire du 747, notamment l’année précédente où un autre 747-200 cargo, appartenant à China Airlines, avait subit exactement le même problème avec le réacteur numéro 3 se détachant et percutant le numéro 4. Les conséquences furent les mêmes et l’avion s’écrasa, heureusement dans une zone inhabitée. En 1993, un 747-100 d’Evergreen perdit son réacteur numéro 2 au décollage d’Anchorage mais était parvenu à revenir se poser.
Trop endommagé, l’immeuble touché par le Boeing fut démoli et il n’en resta longtemps qu’une simple trace au sol. Au cours des années 2000, c’est la seconde barre de qui fut déconstruite et l’ensemble laissa la place à un lotissement moderne, faisant disparaître les derniers signes encore visibles de la chute du Boeing. Mais l’accident a laissé une marque profonde aux Pays-Bas par les fortes polémiques qu’il a entraîné, notamment sur la nature exacte de la cargaison de l’avion, sur le bilan précis du drame et sur la disparition d’une des deux boites noires.
L’urbanisme ne peut suffire à faire oublier cette sombre histoire.
La première pierre de la future BASC de Nîmes a été posée.
C’est aujourd’hui que le Ministre français de l’Intérieur a posé, sur l’aérodrome de Nîmes-Garon, la première pierre, très symbolique puisque les travaux ont commencé depuis plusieurs semaines en réalité, des installations de la future base d’avions de la Sécurité Civile.
Désormais, c’est une course contre la montre qui est engagée car le déménagement de la BASC est prévu pour avoir lieu avant le début de la saison feu 2017. Il y a donc tout juste un peu plus d’un an pour voir sortir de terre ces bâtiments aux lignes modernes qui abriteront les services et les secteurs en charge des opérations et du soutien des flottes de Canadair, Tracker, Dash 8 et des avions de liaison Beech 200. Les avions, eux, seront abrités dans les hangars de l’ancienne base de l’Aéronautique Navale.
Ce sera l’épilogue d’un interminable feuilleton qui a vu ce déménagement être envisagé successivement à Aix-les-Milles, à Salon-de-Provence et enfin, à Nîmes, pour les pistes les plus récentes. La Sécurité Civile va donc abandonner sa base historique de Marseille-Marignane, baptisée « Base Francis Arrighi » du nom de son créateur lors de son cinquantenaire en 2013. Son emprise actuelle, convoitée à la fois par Airbus Helicopters et l’aéroport Marseille-Provence, devrait rapidement être réhabilité.
Il demeure néanmoins plusieurs questions : un pélicandrome, même réduit, sera-t-il conservé à Marseille ? Le déménagement se fera-t-il en une ou plusieurs phases ? Quels développements seront ensuite donné à ce site dont le potentiel est assez important ?
L’actuel Chef du Bureau des Moyens Aériens de la Sécurité Civile a bien insisté, au cours d’interventions précédentes, sur l’orientation européenne de cette base qui pourrait bien devenir centrale pour l’ensemble des unités aériennes de la Sécurité Civile.
Nîmes est actuellement en tête de liste des sites susceptibles d’accueillir au printemps 2017 la conférence internationale Aerial Fire Fighting Europe, il faudra pour cela que la future base puisse déjà accueillir des visiteurs. L’objectif est loin d’être irréaliste en effet.
Une fois bien installée dans ses nouveaux locaux, la BASC pourra ensuite se consacrer à ses activités estivales habituelles et procéder au remplacement progressif des Tracker par un nombre, non précisé encore, de Dash 8Q400MR. Les premiers Tracker seront retirés du service en 2018, le dernier devrait l’être en 2022.
A ce moment-là, une autre question, également extrêmement importante, aura été posée et devra sans doute avoir trouvé une réponse, celle de la succession de l’avion emblématique de la base, le CL-415.
Le Boeing 747 Supertanker d’Evergreen
Au début des années 2000, aux USA, la période est propice à l’émergence d’une nouvelle génération d’avions de lutte anti-incendie. Alors que les feux semblent n’avoir jamais été si nombreux et si importants, l’interdiction soudaine des C-130A Hercules et des PB4Y Privateer, à la suite de deux accidents tragiques lors de l’été 2002, entraîne, deux ans plus tard, le bannissement définitif de nombreux types d’appareils considérés désormais comme dépassés. Cette situation sert de point de départ au lancement de plusieurs projets de modifications d’avions pour la lutte anti-incendie dont deux d’une capacité sans commune mesure avec les aéronefs alors en service.
D’un côté la compagnie 10 Tanker procède à la mise au point et à la mise en service d’un DC-10 doté d’une soute de 45 000 litres, de l’autre, la compagnie Evergreen International va encore plus loin avec un Boeing 747-200 cargo doté d’un système de largage de 19 600 gallons US soit environ 75 000 litres. Ces deux types d’avions ont entraîné la création d’une nouvelle catégorie dans la classification des avions de lutte anti-incendie aux USA, les VLAT, Very Large Air Tankers.
Evergreen International n’est pas tout à fait un nouveau venu dans ce business. Dans les années 70 et 80, avant de se spécialiser dans le fret avec une importante flotte de Boeing 747 cargo, cette compagnie de travail aérien a exploité des B-17 Flying Fortress et P2V Neptune tankers sous contrat avec l’US Forest Service. Evergreen conserve alors aussi une branche hélicoptères de travail aérien dont les S-64 Skycrane peuvent être utilisés comme bombardiers d’eau. Cette entreprise, avec une vraie expérience et une vraie histoire dans le domaine de la lutte contre les feux, tente donc un come-back tonitruant. Un budget de 40 à 50 millions de dollars est alloué à ce projet, essentiellement pour la conception et la fabrication du système de largage pressurisé qui fait l’objet de plusieurs brevets successifs en fonction de ses évolutions.
Le premier système conçu est installé sur des palettes mobiles afin de pouvoir, comme un MAFFS, être facilement ôté de la soute d’un Boeing 747-200 cargo par son nez ouvrant, même si une modification importante de l’avion porteur reste nécessaire avec l’installation à demeure sous le fuselage, des quatre buses de largage.
La complexité d’un système pressurisé, par opposition aux systèmes conventionnels et à débit constant, est compensé par la relative étroitesse de la zone à modifier sur la structure de l’avion pour installer les quatre buses de largage.
La force de l’impact de la charge et l’empreinte du largage font cependant l’objet d’importants débats, de même que le comportement d’un avion aussi imposant à basse altitude. Evergreen répond en expliquant que contrairement aux autres appareils obligés d’être très bas (30 à 50 mètres en fonction des circonstances) pour larguer, la pression du système adopté sur le Supertanker l’autorise à le faire depuis une hauteur de 250 mètres, ce qui est cohérent pour une utilisation en attaque indirecte ou semi-directe au retardant. Cette capacité, toujours selon la compagnie, ouvre alors la perspective d’une possibilité d’utilisation nocturne de l’appareil, bien qu’aucune expérimentation pratique ne soit prévue alors à moyen terme.
Evergreen insiste surtout sur la polyvalence de son avion, capable de poser d’importantes charges de retardant contre des feux, mais susceptible de pouvoir faire de même avec les produits dispersants utilisés lors des marrées noires par exemple.
Le premier avion modifié avec ce système, le Boeing 747-273C immatriculé N470EV, effectue ses essais préliminaires en 2004 sur une zone aménagée au nord de l’aéroport du Pinal Park à Marana dans l’Arizona et donne satisfaction à ses commanditaires.
La certification est obtenue en 2006 et sa première présentation publique a lieu la même année, au mois de mai, à Sacramento en Californie. C’est la première d’une longue série qui a pour but de faire connaître l’appareil et ses capacités aux décideurs des différentes administrations susceptibles de louer cet appareil imposant et néanmoins coûteux. Mais l’avion ne parvient pas à décrocher le moindre accord.
Devant cette situation qui perdure Evergreen prend la décision, autour de 2008, de réaffecter le N470EV à des vols cargos et d’utiliser un Boeing 747-100, plus ancien et moins rentable pour le transport de fret pour poursuivre l’aventure Supertanker.
C’est le Boeing 747-132C N479EV, construit en 1970 et utilisé par China Airlines et PanAm avant d’être converti en cargo en 1984, qui est choisi. Il devient donc le Tanker 979 fin 2008 lorsqu’on lui installe un système de réservoirs et de largage dérivé du modèle précédent, allégé par la suppression du système de palettes et avec des réservoirs améliorés.
En mars 2009, le nouveau Supertanker obtient l’approbation de l’Interagency Tanker Board, l’organisme en charge d’évaluer les appareils candidats aux contrats saisonniers de lutte contre les feux aux USA.
Avec l’objectif de décrocher des contrats en dehors des USA, l’avion effectue une tournée de démonstration qui débute à Chateauroux le 16 juillet 2009. L’avion est ensuite présenté le 21 juillet à Ciudad Real en Espagne. Les pompiers espagnols étant alors aux prises avec un feu important, qui venait de tuer cinq des leurs, l’appareil effectue alors son premier largage opérationnel dans la région de Cuenca. Ensuite, le Supertanker effectue une dernière démonstration à Francfort le 24. A peine rentré sur le continent américain, il est amené à intervenir sur un immense feu dans la région de Fairbanks en Alaska le 31, faisant ainsi la démonstration d’une véritable capacité intercontinentale. A la fin de l’été, il est également sollicité pour participer à la lutte contre les feux qui touchent la région de Los Angeles.
En décembre 2010, Il intervient en Israël lors du terrible feu du Mont Carmel, dans lequel 40 personnes ont perdu la vie, puis, en avril 2011, il est engagé au Mexique pour combattre des feux dans la province de Coahuila.
L’appareil est ensuite arrêté de vol faute de nouveau contrat. Le PDG d’Evergreen publie alors une lettre ouverte dans laquelle il critique vigoureusement le manque de soutien de l’US Forest Service alors même que l’organisme fédéral est confronté à un grave déficit d’avions opérationnels et que la situation sur le front des incendies, notamment dans l’ouest du pays, est intenable. Le Supertanker semble alors promis au parc à ferraille, ses réacteurs ayant même déjà été retirés pour servir à d’autres avions de la compagnie ou être revendus.
Mais au début de la saison 2013, l’USFS, annonce officiellement accorder au Supertanker un contrat en « Call When Needed » de trois ans. Un tarif prévisionnel est également annoncé, soit 75 000 $ par jour d’activité plus 12 000 $ par heure de vol effectuée.
Finalement, devant le coût de la remise en état de son appareil, que la compagnie estime alors à un million de Dollars, Evergreen décide de repousser l’opération en gardant pour objectif de rendre l’avion opérationnel pour la saison 2014.
Malheureusement, Evergreen, dont l’activité cargo est alors essentiellement consacrée au rapatriement du matériel militaire américain depuis l’Irak et l’Afghanistan, est directement victime du « shutdown » budgétaire américain de 2013. Privé de ses contrats avec le Department of Defense, la compagnie cesse son activité à l’automne. En faillite, elle est liquidée au mois de décembre. Le Supertanker reste alors stationné à Marana dans l’Arizona, dans un coin de l’aéroport, aux côtés d’autres avions désormais en attente d’une décision sur leur sort.
Si l’histoire du Supertanker selon Evergreen s’arrête là, celle d’un Boeing 747 de lutte anti-incendie continue pourtant avec la création d’une nouvelle société dont l’objectif est de poursuivre cette aventure.
Air France a dit adieu à ses Boeing 747
L’atterrissage à Roissy du vol AF439 en provenance de Mexico, le lundi 11 janvier 2016 vers 14h00, mettait le point final à une longue histoire d’amour entre une compagnie et un avion aussi emblématique qu’historique. Après plus de 45 ans, il s’agissait du dernier vol commercial assuré pour Air France par un Boeing 747. Le premier avait eu lieu le 3 juin 1970 sur la ligne « star » de la compagnie, entre Paris et New-York.
Sur cette longue période, qui représente plus de la moitié de toute l’histoire de la compagnie, les versions du Jumbo se sont succédé, les 747-100 laissant leurs places à des 200 et des 300 et enfin, à partir de la fin des années 80, aux 747-400.
Avion mythique, reconnaissable entre mille avec sa fameuse bosse, le plus gros des Boeing, dont on ne se lasse pas d’expliquer qu’il a révolutionné le transport aérien, ne pouvait pas tirer sa révérence d’une grande compagnie nationale en catimini.
Début décembre 2015, Air France a donc mis en vente des places pour un vol commémoratif, indicatif AF747, prévu pour l’après-midi du 14 janvier 2015 pour permettre aux passionnés et aux anciens de passer un dernier moment à bord d’une légende de l’histoire de l’aviation. Le succès de l’opération a été indéniable, le standard de la compagnie se retrouvant rapidement hors- service, plus de 30 000 tentatives pour le joindre ayant été comptabilisés ce jour-là. Il y avait donc des dizaines de milliers de volontaires en mesure de dépenser 220 € pour effectuer un tour de France en Boeing 747. Quelques jours plus tard, un second vol fut alors annoncé pour la matinée du 14 janvier, indicatif AF744, et dont les places partirent tout aussi vite.
Bienvenue à bord du vol AF744
Le vol étant annoncé au décollage à 9h00, les passagers étaient invités à se présenter à l’aéroport avant 8h00. Sur les tableaux des terminaux, l’avion était bien prévu à l’heure.
Si au comptoir d’embarquement Air France les équipes étaient prévenues qu’elles allaient avoir des passagers pour un vol à destination de Paris, pour les prestataires externes affectés aux points de filtrage, qui vérifiaient donc les bagages à main et les cartes d’embarquement, la découverte de « fictitious » comme destination a causé quelques interrogations vite levées par les passagers eux-mêmes.
C’est une foule joyeuse et variée qui s’est donc engouffrée dans le F-GITJ à l’heure dite. le temps de s’installer tranquillement, les premiers messages au « public adress » du personnel de bord indiquaient que ce vol ne sera décidément pas comme les autres. Alors que les écrans de l’IFE diffusaient les consignes de sécurité que personne ne suivait vraiment, à plusieurs reprises, la chef de cabine a rappelé que les personnels au sol montés à bord devaient en descendre maintenant pour permettre le décollage. Il ne fait aucun doute que ces passionnés avaient du mal à quitter un avion dont il se sont occupés, aux arrivés et aux départs, pendant des années. Pour eux aussi, c’était aussi un moment particulier teinté d’émotion.
« Pour la dernière fois, PNC aux portes, armement des toboggans, vérification de la porte opposée ». Avec plus d’une demi-heure de retard sur le programmé prévu, le 747 Tango-Juliette est repoussé et mets en route, un à un, ses quatre réacteurs avant de rouler en destination des pistes.
Après un court temps d’attente, l’avion s’engage dans un « rolling take off » très vif face à l’ouest. A la masse au décollage de 286 tonnes, dont 50 de carburant, le 747-400 est très léger, loin des 400 tonnes maximales possibles. Il décolle donc rapidement et grimpe vite dans la couche qui empêcha les passagers d’apercevoir Paris. Un léger virage vers l’Est le vol prit le cap vers les Alpes en grimpant vers le niveau de vol 300 soit 10 000 mètres environ.
A peine les indications « attachez vos ceintures » éteintes que les allées de l’appareil se sont remplies d’une foule désireuse de visiter l’avion de fond en comble.
Pour les PNC, le « cauchemar » commençait. Comment faire circuler dans ces allées les petits chariots chargés de Champagne pour servir des gens qui de toute façon se sont éparpillés dans tout l’avion ?
Quelques messages très amicaux et même rigolards incitèrent les curieux à revenir s’assoir à leurs places. La petite collation servie, aux standards de ce qui est proposé habituellement aux passagers de la classe affaires, était juste parfaite et le Champagne qui l’accompagnait tout à fait délicieux. Un petit assortiments de sucreries dans un sachet estampillé « Fauchon » vint accompagner ces quelques mets. Cette légère collation consommée, à nouveau la foule vint encombrer les couloirs, dans la bonne humeur générale. Quelques hublots accessibles permirent aux photographes frustrés d’être installés dans les rangées centrales de faire travailler leurs cartes mémoires.
Après avoir frôlé les Alpes, l’avion a obliqué vers Marseille puis a survolé Toulouse, la région de Bordeaux avant de remonter vers Nantes. La France étant particulièrement couverte ce jeudi, difficile de profiter du paysage. Mais en arrivant vers les pays de la Loire, la couche nuageuse se déchirant, l’équipage amena son appareil vers des niveaux de vols plus touristiques, afin que les passagers puissent un peu profiter du paysage. Pendant ce temps, le journaliste et pilote émérite Frédéric Béniada, auteur d’un très joli livre sur le Jumbo, racontait au micro l’aventure du Boeing 747 et la grande histoire d’amour entre cet appareil et la compagnie française.
A proximité de Nantes, l’avion se trouvait à environ 25 000 pieds. Rennes fut survolé à 20 000 pieds avant de remonter un peu vers le Mont Saint-Michel, visible pour ceux qui étaient alors du bon côté.
Après la Normandie, l’avion est encore descendu pour atteindre les alentours de 10 000 pieds. Procédure rare dans l’histoire de l’exploitation des avions d’Air France, mais la fin du vol a été effectué en régime de vol VFR, comme n’importe quel avion léger, surveillé attentivement cependant par les contrôleurs aériens. Le trafic à Roissy étant particulièrement dense à ce moment-là, par deux fois l’appareil a dû procéder à un 360° d’attente afin de laisser passer des avions qui, eux, avaient un horaire à tenir. C’est ainsi que ce vol prévu pour durer 2h40 a finalement atteint les 3h20. Une situation qui aurait tendance à tendre les nerfs des passagers en temps normal mais qui, dans ces circonstances, a été particulièrement apprécié par les passionnés.
Puis vint le temps de la descente finale.
Et l’émotion gagna l’équipage qui effectuait son dernier vol sur cet appareil. Il y eu quelques larmes au moment des dernières annonces mais sans que l’ambiance générale n’en soit alourdie.
Le Boeing 747 toucha terre sur la piste 27L de Roissy et le commandant de bord, M. Thierry Mondon, gratifia ses passagers d’un spectaculaire freinage, volets sortis, AF et spoilers en action, reverse à fond, histoire de démontrer que sa monture en avait encore « sous le capot ».
Si le vol était parti de la porte M26 du terminal 2E, le débarquement devait se faire en zone de maintenance pour une courte réception dans les ateliers d’entretien de la compagnie. Après le roulage, juste après avoir coupé une dernière fois les réacteurs, l’équipage a, comme d’habitude, autorisé les passagers à se lever en coupant le signal « ceintures attachées ». Petit soucis, l’appareil n’était pas, alors, vraiment à l’endroit où il devait s’arrêter. En attendant qu’il soit tracté sur les quelques mètres manquants, la chef de cabine fit un appel par le « public adress » assez inédit dans l’histoire de l’aviation commerciale : « Nous ne sommes pas tout à fait à notre point de stationnement, vous demander de vous asseoir n’est pas envisageable, faites très attention à vous ! »
C’est au moment où de la descente du Boeing qu’a eu lieu la seule petite fausse note de la journée. Comme les nombreux passagers étaient attendus dans le hangar juste devant l’avion en pleine zone de maintenance opérationnelle, il n’était pas possible de les laisser gambader autour de l’avion pour faire des photos. Des équipes d’Air France étaient là pour les canaliser et les faire entrer sur le lieu de la réception et si les incitations étaient aimablement faites, il n’a pas été vraiment possible de tirer correctement le portrait de l’avion. C’est dommage, mais surtout extrêmement frustrant.
Dans le hangar, un autre 747 d’Air France, le F-GITD attendait, servant de décor pour l’occasion, accompagné d’un Boeing 777 porteur d’une discrète décoration spéciale. Le troisième et dernier, le F-GITE, était alors en vol, en train d’assurer le vol historique AF747. Après l’intervention de la directrice du centre de maintenance, le PDG de la compagnie, qui avait participé au vol, prit la parole pour expliquer l’attachement de la compagnie à ses Boeing, avant de laisser la foule affamée se ruer vers un buffet très apprécié.
Après la remise du certificat de vol et du « filet garni » contenant quelques « goodies », porte-clef, casquette, autocollant, et un livre sur l’histoire d’Europe 1, partenaire média de l’opération puisqu’un direct a été organisé depuis le AF747 en vol au-dessus de la France, des navettes bus ont raccompagné les passagers jusqu’au terminal 2E par les voies de cheminement en zone aérodrome ; l’occasion de tirer le portrait de quelques avions de ligne sans être gênés par une quelconque barrière et sans avoir besoin d’avoir en poche l’autorisation préfectorale obligatoire pour les spotters à Roissy.
Avec ces deux vols commémoratifs, Air France a réussi une opération de communication importante. Relayé par de très nombreux médias dans le monde et surtout avec un succès public retentissant – n’oublions pas les 30 000 demandes enregistrées au moment de la mise en vente des places – le retrait de service des Boeing 747 à la dérive tricolore n’est pas passé inaperçu. Pour ceux, très privilégiés, qui ont vécu ces derniers instants à 30 000 pieds au-dessus de notre pays, il restera longtemps le souvenir d’un vol à l’ambiance incroyable et d’un moment absolument délicieux. Merci donc à Air France et aux équipes impliquées dans ce projet pour la réussite de cette opération. Et Bravo !
L’avenir des trois derniers 747 d’Air France n’a pas encore été précisé en détail. Le TE a fait, le samedi 16 janvier un court vol vers l’aéroport du Bourget où il est venu se garer devant le Musée de l’Air pour le weekend avant de repartir le dimanche soir à Roissy.
Ainsi de nombreux passionnés ont pu venir visiter une dernière fois le géant des airs. Ils ont ainsi pu faire directement la comparaison avec la première génération de cette famille d’avions puisque le Musée de l’Air présente dans ses collections le Boeing 747-128 F-BPVJ, entré en service à Air France en 1973 et retiré du service en 2000, exposé et ouvert au public depuis sur l’aéroport du Bourget.
Le « non-évènement » de Clover Field, 17 décembre 1935 (3)
80 ans après le premier vol, 65 après la sortie d’usine du dernier exemplaire, un peu plus de 200 DC-3 continuent donc de voler encore dans le monde. Certains sont entre les mains d’épicuriens du ciel, d’autres rapportent encore de l’argent ou assurent des missions parfois importantes, qu’ils aient été turbinisés ou qu’ils conservent leurs vénérables moteurs à pistons.
C’est à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest au Canada, que se trouve un des plus importants nids de DC-3 et de C-47 encore opérationnels. Buffalo Airways, compagnie aérienne atypique possède environ une douzaine d’avions de ce type, certains seulement au titre de réserve de pièces détachées mais les autres volaient quotidiennement pour des vols cargo vers le grand-nord. La particularité de la compagnie a été d’officier l’ultime ligne aérienne passagers régulière en DC-3.
En effet, la liaison quotidienne entre Yellowknife et Hay River était effectuée en DC-3 avec un aller-retour par jour et un autre par weekend. Chaque branche durait environ 45 minutes pour 335 $Can l’aller retour pour un adulte en semaine et 250 le weekend. Le maintien du DC-3 dans ces fonctions tenait autant du miracle économique que du conservatisme assumé du patron, lequel n’a pas que des amis dans l’administration de l’aviation civile canadienne.
A la fin du mois de novembre 2015, Transport Canada a annoncé la suspension des certifications de la compagnie aérienne pour des manquements réguliers à la sécurité des vols, l’accident du C-47 C-GWIR en 2013 ayant été le révélateur de procédures peu respectées. Une décision qui est aussi motivée par les relations exécrables entre Buffalo et les représentants de son administration de tutelle. Pour le moment, la compagnie poursuit ses vols grâce à la location d’appareils d’autres compagnies. Si Buffalo accepte de réviser ses procédures et s’y tenir, TC pourrait très bien lever la sanction et les DC-3 reprendre leurs liaisons régulières, mais pour le moment aucune décision définitive n’a été prise. Une affaire qu’il faudra donc suivre avec intérêt.
Parmi les avions appartenant à Buffalo, on note la présence d’un très rare DST, stocké à Red Deer. La cellule de l’ex-NC25620 et dont la dernière immatriculation était CF-VQV est en vente depuis 2006 mais demeure à Red Deer dans un état correct.
D’autres appareils restent très opérationnels un peu partout dans le monde. Parmi eux, des appareils qui ont été turbinisés ; le principal spécialiste de cette modernisation étant la firme Basler Conversion LLC qui propose le BT-67 pour lequel les moteurs à pistons sont remplacés par des turbines PT-6-67R.
Ces avions modernisés ont trouvé leur place dans de nombreux organismes gouvernementaux aux USA comme l’US Forest Service mais aussi l’US Air Force. En effet, jusqu’en 2008, le 6th Special Operation Squadron, dont la mission est de participer à la formation des opérateurs des forces spéciales de pays alliés des USA, disposait d’un C-47T (BT-67) en leasing immatriculé N40386. Cet appareil à l’histoire dense, utilisé par l’armée de l’Air française en Indochine, prototype du Basler BT-67 bombardier d’eau et à ce titre proposé et présenté à la Sécurité Civile française au début des années 2000, est désormais immatriculé au Canada chez Kenn Borek Air à Calgary.
On retrouve aussi des Basler BT-67 dans plusieurs autres forces aériennes, en Afrique du Sud, en Thaïlande, où un de ces avions est utilisé comme bombardier d’eau, au Salvador ou dans la Policia Nacional colombienne…
D’autre sont utilisés pour des missions plus classiques de transport de passagers comme Private Air Inc de Thunder Bay dans l’Ontario qui propose les services du C-GKKB, ex N142Z de l’USFS, pour des vols à la demande.
Mais les DC-3 modifiés par Basler sont utilisés aussi pour ravitailler les stations polaires, des missions exigeantes où les capacités hors-normes du DC-3 font toujours merveille.
Plus spectaculaire encore, le BT-67 immatriculé ZS-ASN a été profondément modifié pour des missions aériennes de prospection électromagnétique. Il s’agit d’un ancien C-47B de 1945 qui a été converti et remotorisé à partir de 1991. Le programme Spectrem2000 dont il est l’élément essentiel a été développé par un groupe de géophysiciens et d’ingénieurs. Normalement basé en Afrique du Sud, où il est immatriculé, cet avion est amené souvent à opérer loin de ses terres en raison de la nature de ses missions.
Bien sûr, de nombreux DC-3 appartiennent désormais à des propriétaires privés qui les utilisent comme avions personnels et parfois les exploitent commercialement à l’occasion, d’autres sont devenus de véritables warbirds ou participent activement à de nombreuses manifestations aériennes. Le C-47 ZA947, ex USAAF 42-24338, appartient à cette catégorie des avions de collection, mais son affectation à l’escadrille commémorative du Battle of Britain Memorial Flight de la très sérieuse Royal Air Force britannique fait qu’on peut aussi le classer parmi les appareils encore en service au sein d’une force aérienne, même si il n’est pas question de le détacher sur un théâtre d’opérations, bien entendu !
Un autre exemple parmi les plus spectaculaires est cet appareil utilisé comme outil de promotion d’un programme éducatif du National Aviation Hall of Fame aux USA. Ce DC-3 jaune vif, souriant comme un personnage de dessin animé, est devenu très populaire ; Il faut dire qu’il a tout pour ne pas passer inaperçu !
C-47 construit en 1942, il a volé pour pour le transport aérien militaire US dans le Pacifique. Revendu en surplus après la guerre, il est utilisé par la compagnie aérienne Wien Air dans le grand Nord avant d’intégrer l’administration des transports canadiens. Racheté dans les années 90, il est restauré et immatriculé N1XP depuis 1998, mais tout le monde le connaît sous son surnom de « Duggy ». Il est loin d’être le seul C-47 du circuit des Airshow US, mais « Duggy » est, de loin, le plus connu et le plus reconnaissable.
En France, trois appareils demeurent en état de vol, entre des mains privées. Ils sont devenus des avions de collection et apparaissent régulièrement en meeting aérien et participent à de nombreuses manifestations. Ils peuvent aussi parfois être utilisés pour larguer des paras.
Le F-AZTE est sans doute le plus connu et le plus emblématique. Portant les couleurs du F-BBBE d’Air France, il appartient à l’association « France DC-3 ». Le vrai F-BBBE était le C-47 41-38753 qui termina sa carrière en Afrique. Le F-AZTE est lui le C-47 42-23310 qui combattit sur le front Européen à partir de 1943. C’est un avion historique à plus d’un titre.
En plus d’avoir effectué de très nombreuses missions de transport, habituelles pour les C-47 engagés dans le conflit, il se retrouva à remorquer un planeur en direction de Sainte-Mère-Église le matin du 6 juin 1944. Il en récolta quelques impacts de tirs de la DCA allemande. Le 15 août suivant, il remorqua à nouveau un planeur en direction du Muy dans le Var pour le débarquement en Provence. Et c’est toujours dans ce rôle qu’il participa aux opérations aéroportées Market Garden en Allemagne et aux Pays-Bas de septembre 1944.
Démobilisé, il est immatriculé en Grande Bretagne mais se retrouve réquisitionné pour participer au pont aérien vers Berlin en 1948 et 1949. Il est ensuite vendu à l’armée de l’Air française où il est affecté au Groupe des Liaisons Aériennes Ministérielles avant d’être revendu à la République Centre Africaine pour devenir l’avion de l’Empereur Bokassa. De retour en Europe dans les années 80, il reprend une carrière commerciale puis il est sauvé de la ferraille en 1989 par l’association France DC-3 pour devenir le F-GDPP de l’envolée Air Inter, le tour de France des jeunes pilotes dont il est l’avion accompagnateur emblématique. Après un nouvel intermède commercial sans succès, il devient un véritable avion de collection en tant que F-AZTE et connaît plusieurs schémas de décoration avant d’adopter celui du F-BBBE.
Autre représentant de la famille des bimoteurs Douglas volant dans notre pays, le N49AG est arrivé en France au début des années 2000. Il s’agit du C-53D 42-68810 livré à l’USAAF en 1943 pour laquelle il opère en Afrique du nord. Il vole ensuite pour la TWA avant de servir dans différentes entreprises aux USA puis en Afrique pour finir en Belgique avant d’être convoyé vers la France. Il vole désormais avec « France’s Flying Warbirds » basé à Melun.
Troisième membre du club des DC-3 français encore bien actifs, le F-AZOX est le C-47B construit en 1945 (44-77020) qui a ensuite volé au sein de la RAF, immatriculé KN655, puis pour la Royal Canadian Air Force avant d’être revendu en surplus. Il connut alors une succession de propriétaires canadiens, Eclipse Consultants, Skycraft Air Transport, Ilford Riverton, Air Manitoba avant d’arriver en France comme F-GIAZ pour Air Dakota. Il devient ensuite F-GIDK en 1991 puis enfin F-AZOX à partir de 2010 pour l’association « Un Dakota sur la Normandie ».
D’autres DC-3 et assimilés sont conservés et exposés au Musée de l’Air au Bourget, à Sainte-Mère-Église, au Musée de l’Aéronavale de Rochefort, à Montélimar, à Albert, à Lann-Bihoué ou à la Ferté-Alais.
Un peu partout dans le monde, de très nombreux appareils de ce type existent encore bien que n’ayant pas volé parfois depuis des décennies. Poussés dans un coin d’un aérodrome d’Amérique du Sud ou à l’état d’épave en Islande ou en Alaska, les DC-3 encore existants sont innombrables. Certains sont parfaitement identifiés et attendent une restauration complète pour reprendre leurs missions ou intégrer une collection. C’est le cas par exemple du N133D, sixième DST produit et plus ancien DC-3 encore existant, mais il est loin d’être un cas isolé.
80 ans après le « non-évènement » de Clover Field, il est donc encore impossible de refermer le grand livre de l’histoire du DC-3. Il est encore bien ouvert et ces dizaines d’avions continuent à en écrire des chapitres aussi divers qu’étonnants. Même si on doit reconnaître au général Eisenhower, qui attribua le succès des forces américaines à l’usage du bazooka, de la jeep, de la bombe atomique et du C-47, une clairvoyance certaine, l’histoire de ces avions ne peut pas se résumer à ce seul faits d’arme. En plus d’avoir gagné la guerre, la famille DC-3 a surtout gagné la paix en permettant de rétablir les liaisons entre les pays, entre les peuples, mission qu’elle continue d’assurer. Et devant ce travail accompli, les records de longévité ne sont alors vraiment plus qu’accessoire.
Bien que les rejetons du DST du 17 décembre 1935 sont encore nombreux à voler, il ne faut surtout pas minimiser le caractère extraordinaire que représente cette carrière longue de 80 ans de vols opérationnels, un cas unique pour le moment dans l’histoire de l’aéronautique. Il ne faut pas non plus galvauder le plaisir qu’il est possible de prendre à le regarder évoluer, à écouter son bruit unique. De tous les avions produits depuis que l’homme a conquit le ciel, le DC-3 est sans doute l’un des plus importants ; il est aussi un des plus sympathiques et des plus attachants !
Il y a 80 ans, il ne s’est donc rien passé à Clover Field.
Enfin presque !
Le « non-évènement » de Clover Field, 17 décembre 1935 (2)
Si l’histoire ne risque pas d’oublier le DC-3, l’histoire du premier d’entre-eux est relativement peu connue. Les hommes qui sont à l’origine de cette flamboyante réussite méritent aussi qu’on s’attarde sur leurs parcours respectifs.
Le premier des DC-3 était donc un Douglas Sleeper Transport (DST), une version à fuselage élargi et plus puissante du DC-2 destinée à emporter ses passagers dans des couchettes pour les vols de nuit. Même si l’avion ne retenait que 10% de pièces communes avec son prédécesseur, pour Douglas, ce n’était qu’une évolution et le premier exemplaire construit n’était pas un prototype. C’était un avion destiné à être remis très vite à la compagnie aérienne qui l’avait commandé, American Airlines.
Immatriculé X14988, (msn 1494) le premier DST, modèle 144, effectue donc son vol inaugural le 17 décembre 1935. Au cours du mois suivant, il effectue 25 heures de vol d’essais puis, au printemps, il est remis à American Airlines avec l’immatriculation NC14988 et une centaine d’heures de vol au compteur.
Au cours des années suivantes il change plusieurs fois de configuration passant de 21 passagers à 24, puis 28 et enfin 32. En 1942, il est revendu à la TWA. Cette compagnie venait d’obtenir un contrat avec l’US Army pour des vols de passagers et de fret. En mai de cette même année, sa propriété est transférée à la défense américaine et, devenu un C-49E, l’avion est affecté au 24th Troop Carrier au sein de l’USAAF sous le numéro d’identification 42-43619.
Malheureusement, le 14 octobre suivant, dans le mauvais temps, il s’écrase non loin du terrain d’aviation de Knob Noster, dans le Missouri, Sedalia Air Force Base, qui ne s’appelait pas encore Whiteman AFB. L’accident fait au moins trois morts. Le premier des DST aurait, au cours de sa courte carrière, accumulé 17 166 heures de vol, un chiffre très élevé mais plausible.
Pour le « non-évènement néanmoins historique » du 17 décembre 1935, son équipage était constitué de trois hommes :
Carl A. Cover, qui avait la double casquette de chef des ventes et de pilote d’essais, avait déjà assuré les vols inauguraux des DC-1 et DC-2. Après celui du DST et du DC-3, il fit ceux du DC-4E et du DC-5 qui ont laissé moins de traces dans l’histoire. Au début de l’année 1944, il quitte Douglas pour Bell, mais au mois de décembre de cette même année, alors qu’il se trouve aux commandes d’un bimoteur Beechcraft 18, il s’écrase près de Wright Field (Aujourd’hui Wright-Patterson Air Force Base) à Dayton, Ohio, avec son passager, Max Stupar, un autre pionnier de l’aéronautique américaine.
Copilote du premier vol du DST, Franklin R. Collbohm, ingénieur et pilote d’essais, ne garda donc aucun souvenir marquant de ce fameux vol d’essais. Impliqué dans tous les projets de Douglas jusqu’à la fin de la guerre, il quitte l’entreprise californienne en 1946 pour s’impliquer dans la création de la Rand Corporation, un organisme indépendant, à but non lucratif, en charge de promouvoir l’innovation et l’analyse dans les domaines de l’aéronautique et de la défense et devenu aujourd’hui, le laboratoire d’idées de référence. Frank Collbohm est décédé à l’âge de 83 ans en février 1990.
Ils étaient accompagnés de Fred J. Stineman (1910-1951), qui tint le rôle du mécanicien navigant lors de ce premier vol.
L’idée du DST était née chez American Airlines où William Littlewood (1898-1967), chef ingénieur et vice-président de la compagnie voulait élargir l’offre d’avions-couchettes qu’il pouvait proposer aux passagers de sa compagnie, surtout pour les vols reliant la côte Est à la côte Ouest. Avec Otto E. Kirchner son assistant, il parvint à convaincre C.R Smith (1899-1990), le patron de la compagnie, et ensemble, définirent les spécifications du futur appareil en fonction de leurs besoins en partant de l’idée d’un DC-2 plus large et plus puissant. Pour réduire le nombre d’escales lors des liaisons entre les deux côtes des USA, il fallait aussi que l’appareil ait une autonomie nettement améliorée. Une fois la faisabilité du projet bien établie, ils se tournèrent vers Douglas pour la concrétisation du concept. William Littlewood fut l’interlocuteur privilégié de l’entreprise californienne pendant toute la durée de la conception de l’avion et sa mise au point.
Chez Douglas, de très nombreux cadres de l’entreprise sont bien évidemment intervenus dans ce projet, avec, en premier lieu, l’ingénieur en chef Arthur E. Raymond (1899-1999).
Ce diplômé du MIT effectua toute sa carrière chez Douglas où il débuta comme ajusteur. Gravissant rapidement les échelons, il est ingénieur en chef au milieu des années 30 et participe activement à la conception des avions commerciaux jusqu’à l’avènement du quadriréacteur long courrier DC-8.
Il est considéré comme le vrai père du DC-3 dont il fut un des principaux concepteurs, au point d’être réputé en connaître « le moindre écrou, le moindre boulon ». Preuve de son grand talent, lorsque l’âge de la retraite arriva et qu’il quitta Douglas à l’âge de 60 ans, il passa la décennie suivante au sein de la NASA. Son rôle fut de coordonner le travail des sous-traitants impliqués dans deux programmes qui portaient les noms de Gemini et d’Apollo ! Rien que ça !
Juste à la fin de la guerre, il fut aussi aux côtés de Franck Collbohm, un des instigateurs et fondateurs du laboratoire d’idée qui devint la très réputée Rand Corporation.
Parmi les autres intervenants majeurs dans ce programme, on peut citer le chef d’usine à Santa-Monica, l’ingénieur Harry H. Wetzel. Chef de l’ingénierie au sein de Douglas, Edward F. Burton fut aussi un participant important au programme DST et à ses dérivés.
Bailey Ostwald, Ingénieur, Docteur en aérodynamique, né en 1906 et décédé en 1998, fut le chef aérodynamicien de Douglas jusqu’au DC-8 et œuvra donc sur la famille DST et DC-3. Ingénieur en charge de la conception du train d’atterrissage du DST et de ses systèmes hydrauliques, le travail d’Harold W. Adams (1910-2007) fut aussi remarquable bien qu’il profita du travail préalable d’Ed Burton sur le DC-1. Elling Veblen, autre pilote d’essais de Douglas, apporta aussi sa contribution à la mise au point du DST et du DC-3. La voilure du DC-3, reprenait les principes multi-cellulaires et à revêtement travaillant imaginés et conçus par John K. « Jack » Northrop (1907-1990). Les qualités de cette aile offraient à Douglas une supériorité technique de robustesse et d’efficacité sur ses concurrents. Ingénieurs aux talents multiples, il se rendit ensuite célèbre par un travail sur les ailes volantes dont le bombardier furtif B-2 est l’aboutissement.
On ne peut pas oublier dans la liste James Howard « Dutch » Kindelberger (1895-1962), qui, en tant qu’ingénieur en chef chez Douglas, créa les DC-1 et DC-2, ce qui en fait peut-être le grand-père du DC-3 !
En 1934, il passa chez Aviation Manufacturing Corporation qui devient quelques années plus tard, la North American qu’il dirigea et qui produisit sous sa direction le P-51 Mustang, le B-25 Mitchell, le F-86 Sabre mais aussi le X-15 !
En partant de Douglas, « Dutch » Kindelberger débaucha un jeune ingénieur, très prometteur, John L. « Lee » Atwood (1904-1999).
Celui-ci avait travaillé sur la résistance du fuselage des DC-1, DC-2 et DST. On sait que le DC-3 est un avion à la résistance hors du commun puisqu’il fait partie des avions dont les fuselages n’ont pas de limite de potentiel, ce qui tendrait à prouver le bon travail d’Atwood. Passé chez North American, il passa à la postérité en participant très activement à la création du P-51 Mustang, avion qui eut également une influence majeure sur le déroulement de la 2e guerre mondiale. Lorsque « Dutch » prit sa retraite, c’est Atwood qui lui succéda à la tête de l’entreprise.
Autour du berceau du DC-3 c’est clairement la fine fleur des ingénieurs aéronautiques de la côte ouest qui se sont penchés, avec le résultat qu’on connaît. Les parcours professionnels de la plupart d’entre eux sont exemplaires et leur influence sur l’histoire de l’aéronautique est indéniable. Les grandes réussites sont parfois le fruit du hasard, l’histoire ne manque pas d’exemples, mais dans le cas du DC-3, c’est clairement la rencontre d’hommes talentueux, d’idées pragmatiques et d’une conjoncture propice qui menèrent ce projet jusqu’à la légende.
Le « non-évènement » de Clover Field, 17 décembre 1935 (1)
« Un vol de routine ».
C’est ainsi que le pilote d’essais Carl A. Cover qualifia sa sortie, la première avec le nouvel appareil produit par son employeur, depuis l’aérodrome de Clover Field à Santa Monica, en Californie, le 17 décembre 1935, 32 ans jour pour jour après l’envol des frères Wright à Kitty Hawk. Pour Frank Collbohm, le copilote, c’est simple ; interviewé en 1985 par le L.A. Time, il ne put répondre. Ce vol avait été un parmi tant d’autre et il n’en avait gardé aucun souvenir.
Celui qui ne s’appelait donc pas encore DC-3 n’était pas vraiment un avion totalement nouveau, il était juste né sur de bonnes bases, celles du DC-2. Le DST, Douglas Sleeper Transport, en était une version à fuselage large, pour que les passagers puissent voyager dans des couchettes, plus lourde et plus puissante mais il en conservait la silhouette générale. Les compagnies aériennes de s’y sont pas trompées et une fois aménagé pour transporter ses passagers de façon plus conventionnelle et renommé DC-3, il rencontra très vite le succès avec 349 appareils produits de 1935 à 1941 ce qui le place largement en tête des ventes des avions commerciaux de l’époque.
Il n’y a rien de surprenant à cela. Avec une capacité d’emport allant jusqu’à 30 passagers, une vitesse de croisière de 300 km/h environ et une autonomie confortable, le DC-3 était plus performant et plus rentable que ses concurrents.
Lorsque la guerre arriva, le DC-3, et son fuselage un peu plus large que ses contemporains, s’avéra bien adapté au transport de tout ce que les armées en campagne pouvaient avoir besoin des îles du Pacifique à l’Europe en passant par l’Afrique du Nord. Devenu « Dakota », « Skytrain » ou « Gooney Bird », le C-47, la version cargo militaire du bimoteur Douglas semblait n’avoir presque aucune faille et ses utilisateurs en réclamaient toujours plus même si d’autres avions, comme le Curtiss C-46, plus gros et plus puissant, étaient disponibles. Douglas recevait commandes sur commandes si bien que lorsque la guerre s’acheva, ce sont plus de 10 000 exemplaires qui avaient été construits et mis en service.
Parce que dix ans plus tôt, des choix avaient été faits et qu’ils étaient les bons, l’avion s’était hissé au rang d’avion emblématique, bientôt légendaire !
Après le conflit, ces appareils n’eurent aucun mal à trouver acquéreurs et permirent de relancer les activités économiques ralenties pendant la guerre. Cet âge d’or ne dura que quelques petites années avant que des avions plus ambitieux et plus performants ne les remplacent sur les lignes principales. Pourtant les DC-3 continuèrent à assurer des missions sur les lignes secondaires pendant parfois des décennies.
Dans les années qui suivirent la guerre, de très nombreux avions ont été construits et présentés à leurs futurs clients comme des « DC-3 Killers ». Ce furent les Fokker 27, les HS-748, les Handley Page Herald, les Nord 262 à qui devaient revenir la mission de faire oublier le bimoteur Douglas, devenu mètre-étalon de l’avion bon à tout faire, et d’envoyer les survivants au musée ou à la casse.
Aujourd’hui, c’est dans ces casses ou ces musées qu’on retrouve la plupart de ces « tueurs de DC-3 » tandis que des dizaines de Douglas continuent de faire vibrer leurs passagers, leurs pilotes et tout ceux qui ne peuvent s’empêcher de penser que cette machine est peut-être l’avion le plus important de toute l’histoire de l’aviation.
Est-ce que tous les rares témoins du premier vol du Douglas Sleeper Transport X14988 avaient imaginé un tel destin pour cette machine sans extravagance ?
Clairement non !
Certes l’avion était bien conçu et avait volé comme prévu, peut-être même mieux que son prédécesseur dont il empruntait à peine plus que son allure, mais de là à envisager, même en plaisantant ou ivres morts, que 80 ans plus tard, leur création volerait toujours en nombres, et même de façon tout à fait opérationnelle dans quelques forces armées et compagnies aériennes ?
Aucune chance !
Il y a 80 ans, le 17 décembre 1935, à Clover Field, ce fut donc un non-événement.
Il allait quand même bouleverser l’Histoire !
DHC-2 Beaver
Cet avion n’est pas qu’un assemblage de tôles à peine mises en forme. C’est une pure légende de l’aviation. Il n’a pas l’aura d’un Warbird, la technicité d’un avion de ligne mais c’est un peu plus qu’un avion de tourisme et c’est tout ça en même temps. Il incarne l’extrémité ultime de la branche des avions sympas, l’avion de brousse.
Certes, comme d’autres, la totale absence de recherche esthétique au moment de son dessin lui donne ses formes brutes de fonderie, mais aussi un charme, celui de la rusticité. En fait, le Beaver, rien qu’en le regardant, on sait qu’on va pouvoir lui en demander beaucoup, et peut-être même plus !
Des avions les plus fantastiques, il a les quelques signes qui ne trompent pas à commencer par son moteur en étoile, hérité en ligne directe de l’aviation triomphante des années 30, où les ingénieurs aéronautiques ont sans doute conçu les machines les plus attachantes de l’histoire. Bien sûr, certains proposent le remplacement du Pratt & Whitney par une turbine, mais ce n’est vraiment pas obligatoire. Si on ajoute qu’il est aussi à l’aise sur ses roues que sur des flotteurs ou des skis, ce n’est qu’une confirmation que cet avion a un petit supplément d’âme en dépit d’un air un peu pataud.
Son histoire, également, n’est pas négligeable, même si il n’a que peu participé à la « grande histoire », il conserve une place à part, parce qu’il a lui aussi ouvert d’autres horizon et c’est tout sauf le hasard si il est aujourd’hui l’avion emblématique du grand nord canadien ou de l’Alaska, régions où voler relève autant de l’exploit que de la nécessité impérieuse.
Un avion aussi ancien, ça ne soit pas coûter si cher que ça, c’est ce qui pourrait expliquer qu’il en reste autant ! Pourtant, avec le DHC-2, c’est juste l’inverse !
Aujourd’hui, un beau Beaver en bon état, c’est 500 000 $. Acheté à ce prix-là, bien entretenu et pas accidenté, quelques années plus tard, ça se revend le même prix, et peut-être même avec une plus-value. Si vous êtes un particulier, il vous a permis de voyager là où c’est impossible avec un agrément de pilotage qui, bizarrement, se discute. Certains disent que ses commandes ne sont pas homogènes, d’autres expliquent que son pilotage est le plus simple du monde, peu importe. Si vous êtes une entreprise de transport aérien du nord de l’Amérique ou des îles du Pacifique, cet avion vous a fait gagner de l’argent.
Les petites compagnies aériennes qui font du transport dans les zones où ce genre d’avion, pas trop cher à exploiter, facile à réparer avec les moyens du bord, qui sait encaisser sans broncher les pistes improbables (quand il y a une piste), transporter une charge utile significative, à une vitesse raisonnable, et sur une distance appréciable, savent ce que cet avion peut leur apporter, si bien que dès qu’un Beaver potable est annoncé à la vente, il est rapidement préempté.
Certains propriétaires privés reçoivent régulièrement des offres qu’il est parfois difficile de refuser. Ainsi, le propriétaire du Beaver N28S a toujours refusé de vendre son appareil. Ce n’est pas trop compliqué pour lui, il gagne très bien sa vie à Hollywood…
Alors, oui, le Beaver ne bouleverse pas les foules, nos étagères ne croulent pas sous les livres à son sujet, mais il a une vraie place au Panthéon des avions sympas.
Bref, si j’étais riche, j’aurais un Beaver dans mon hangar !
En flânant sur Google Earth (2)
Derrière certains avions aperçus sur Google Earth, se trouvent parfois quelques histoires marquantes.
Un ancêtre
Le Shell Creek Airpark, au sud ouest de la Floride se distingue par la présence de plusieurs bimoteurs Douglas, ce qui n’a vraiment rien d’exceptionnel pour un aérodrome aux USA. Cependant, parmi les trois appareils les plus au nord des installations, l’un d’eux est particulièrement remarquable.
L’appareil à gauche sur l’image est immatriculé N133D. Il est le 6e DST (Douglas Sleeper Transport, première version du DC-3) construit, en 1936, et n’est autre que la plus ancienne cellule de la famille DC-3 encore existante.
Arrêté de vol depuis de longues années, l’avion devrait bientôt entrer en chantier de restauration pour retrouver l’état de vol au standard DST des années 30, sans doute avec la décoration qu’il arborait lorsqu’il était le NC16005 au sein d’American Airlines. Il apparaît d’ailleurs sous ces couleurs, lors d’une courte apparition, dans une séquence du film « The Saint Strikes Back », de John Farrow en 1939.
Un autre appareil arbore d’ailleurs cette décoration au Musée Lyon Air Museum du John Wayne Airport dans le comté d’Orange, à quelques km au sud-est de Long Beach en Californie. Le C-47 42-100931, qui a terminé sa carrière comme N1944M y est exposé aux couleurs du NC16005 « Orange County Flagship », plus rutilant encore qu’il ne devait l’être sortant d’usine !
Les traces d’un échec
Un peu plus à l’est, au Pinal Air Park dans l’Arizona, en juillet 2004, 34 appareils à la forme très avant-gardiste sont visibles sur deux espaces de parking distincts.
En 1983, Beechcraft lançait un biturboprop d’affaires extrêmement novateur. Conçu par Burt Rutan, cet avion en composite et à la formule aérodynamique « delta-canard » avait tout pour marquer les esprits et se faire une place parmi les avions qui ont fait progresser l’aéronautique.
Il n’en fut rien.
Le Beechcraft 2000 Starship fut un échec commercial cinglant. Seulement 53 appareils furent construits entre 1983 et 1995. Dans le même temps, les Beechcraft King Air, moins novateurs, moins performants, mais à la réputation très établie, continuèrent à se vendre par centaines.
Ne voulant pas avoir à assurer la maintenance ainsi que le suivi technique et réglementaire d’une famille d’avions sans avenir, Beechcraft se lança au début des années 2000 dans le rachat des avions concernés auprès de leurs propriétaires respectifs. Ceux-ci reçurent des offres de reprises alléchantes et des possibilité de remplacement de leurs Starship par des King Air ou des jets Beech Premier. Les avions ainsi récupérés furent ensuite acheminés au Pinal Air Park pour être démantelés.
Plusieurs appareils échappèrent cependant à la destruction. 5 avions prirent la direction de différents grands musées aéronautiques américains.
Quatre autres avions survivants du « massacre » de Marana et appartenant à Raytheon Aircraft Credit Corp, restent visibles à Avra Valley, un autre aérodrome de la région de Tucson, à quelques km seulement du Pinal Air Park. Il s’agit des avions immatriculés N8280S, N8194S, N30LH et N515JS et qui sont stockés là en piteux état.
Quelques propriétaires refusèrent de lâcher leurs avions. L’un d’eux reçu la proposition de rachat de l’ensemble du lot de 60 000 pièces détachées dont Beechcraft cherchait à se débarrasser. A l’offre initiale de 38 millions de Dollars il fit une contre-proposition correspondant à une fraction de la somme réclamée qui, à sa très grande surprise, fut acceptée. Ainsi naquit Starfleet Support qui approvisionne les propriétaires des 5 Starship encore immatriculés.
Parmi eux, le 51e Starship construit est peut-être le plus connu puisque, immatriculé N514RS, il est utilisé par Scaled Composites comme « chase plane » pour les projets sub-orbitaux de la compagnie comme « Space Ship One » et son avion porteur « White Knight ».
Un retour aux sources en quelque sorte !