L’ETD 4/3 « Argonne », Escadron de Transformation sur Mirage 2000D, a été dissous en mai dernier. À cette occasion, l’auteur, qui avait déjà œuvré à l’historique des unités à laquelle il a appartenu, notamment la SPA102, propose une « plaquette » commémorative pour retracer cette longue histoire. (…)
Archives de l’auteur : Fred Marsaly
Pélicandrome(s)
L’intérêt des Tanker est de pouvoir utiliser du retardant, liquide onéreux, certes, mais polyvalent et très efficace. Le retardant a surtout le désavantage de ne pas se trouver à l’état naturel, il n’est donc pas envisageable de l’écoper quelque part (ou alors, la Méditerranée est bien plus polluée que ce qu’on veut bien nous raconter !). Il doit donc être pompé jusque dans les soutes des avions.
En France, ces différentes stations sont baptisées « Pélicandrome ». Elles tirent bien évidemment ce nom de l’indicatif radio historique des avions de la Sécurité Civile, porté successivement par les Catalina, les CL-215 et les CL-415, mais aussi par les DC-6 dans les années 80. Elles auraient pu aussi s’appeler « Trackerodrome » et désormais « Milandrome » mais il s’avère que les CL-415 les utilisent aussi de temps en temps même si le retardant n’est pas leur armement primaire
Les pélicandromes en France
Les pélicandromes fixes sont des installations permanentes avec des réserves de retardant installées sur différents aérodromes, positionnés stratégiquement essentiellement sur le pourtour méditerranéen (12 stations) et la Corse (rien moins que 5 plateformes.)
A celles-ci viennent s’ajouter les installations de Cahors, Valence, Aubenas, Bordeaux – décisif pour les opérations dans les Landes – et Limoges, la station retardant fixe la plus au nord. Pour la plupart, ces stations sont conçues et entretenues par la société qui assure aussi la fabrication du retardant, la Biogema.
Quelques cas particuliers
Le pélicandrome de Nîmes est le seul à être maintenu opérationnel tout au long de l’année, notamment pour les entraînements et la formation des personnels au sol. Il est doté de deux points de ravitaillement en eau et de quatre au retardant.
Il est équipé de grilles permettant aussi la reprise (le déchargement) du retardant et son recyclage en cas de besoin. Il était armé par les équipes du SDIS 30 jusqu’en 2020 où il est passé à des équipes de la Sécurité Civile.
Le pélicandrome de Marignane, qui fut longtemps le plus actif de France quand la BASC y était basée jusqu’en 2017, reste régulièrement mis à contribution au milieu de l’ancienne base désormais déserte. Il est armé par des équipiers issus du SDIS 13 bien que l’aéroport est couvert, autant pour la sécurité incendies des installations, des aéronefs ou le secours aux personnes, par des équipes spécialisées du Bataillon des Marins-Pompiers de Marseille.
De nouvelles installations pourraient être créées prochainement dans la partie sud de l’emprise aéroportuaire, un appel d’offres vient d’être passé en ce sens et ces nouvelles installations pourraient être opérationnelles dès 2022.
La station de remplissage de Béziers est un autre cas particulier car elle est aussi la base principale des ABEL sous contrat avec le Conseil Général de l’Hérault mais elle est aussi régulièrement fréquentée par les moyens nationaux.
Les pélicandromes mobiles
C’est sans doute un concept promis à un bel avenir. La Sécurité Civile, en particulier l’UIISC 1 de Nogent le Rotrou, en collaboration avec le SDIS du Morbihan, dispose d’un pélicandrome mobile constitué principalement d’un camion citerne chargé de prémélange de FireTroll 931 et des accessoires, pompes et tuyaux, permettant d’établir rapidement un pélicandrome mobile pouvant remplir les Dash là où le besoin pourrait s’en faire sentir. Les UIISC disposent de détachement DIR (Détachement d’Intervention Retardant) et sont familiers de l’usage de cette substance même si les produits ne sont pas exactement les mêmes que ceux largués depuis les avions. Une première expérience de déploiement fut organisée sur la Base Aérienne de Tours en 2018.
Ce dispositif a été déployé à Angers pour l’été 2020 et a été activé le 14 septembre pour que le Milan 76, prépositionné là en raison des risques sur la région, puisse effectuer plusieurs largages à Salbris dans le Loir et Cher. Quelques jours plus tard, l’avion intervenait à nouveau à quelques km au sud du Mans, prouvant tout l’intérêt de cette installation.
L’aéroport d’Angers permet de disposer d’une base opérationnelle pour la défense du secteur nord-ouest. En cas de besoin, on peut très bien imaginer le pélicandrome être déployé ailleurs, les aérodromes compatibles, civils comme militaires, ne manquant pas (Deauville, le Havre, Évreux, Orléans, Lille voire Poitiers pour n’en citer que quelques uns).
C’est dans cette même logique qu’un Dash est aussi venu tester les capacités de la plateforme d’Epinal-Mirecourt en avril 2021 puisque cet aérodrome a été choisi pour qu’y soit déployé un pélicandrome, mobile dans un premier temps, en cas de risques sur les forêts des Vosges.
Pour le déploiement à Angers, les équipiers étaient issus des pompiers du département du Morbihan. Pour leur formation, ils disposent, sur l’aérodrome de Vannes-Meucon, d’une zone pouvant temporairement être gréée en pélicandrome temporaire. Pour des raisons d’entraînement, les remplissages ne s’y font qu’à l’eau.
L’installation a été inaugurée en 2016 avec des Tracker. Désormais, chaque printemps, la Sécurité Civile déploie un de ses avions en Bretagne pour une séance de formation indispensable. En 2021, les équipiers ont ainsi travaillé autour du Milan 77 tout juste entré en service.
Dans le courant de l’été 2020, la presse s’est faite l’écho de la future installation d’un pélicandrome ambitieux à Chateauroux. L’implantation très centrale de cet aéroport, avec son trafic assez peu dense, permet d’envisager de nouveaux scénarios en défense de la zone région parisienne notamment. Une zone devrait être réhabilitée pour accueillir des réserves importantes de retardant ce qui va nécessiter d’importants travaux. En attendant, Chateauroux est également éligible à l’accueil d’une station mobile.
Les pélicandromes désaffectés
Le maillage du réseau de pélicandromes français a cependant évolué au cours des ans.
Des remplissages à l’eau étaient envisageables depuis l’aéroport de Saint-Étienne. Les personnels du SDIS 42 disposaient d’une remorque contenant tout le matériel nécessaire pour remplir un avion depuis un poteau d’incendie. Ce système, qui ne peut charger les avions qu’en eau, ce qui limite son intérêt, a été, au cours de son histoire, utilisé depuis Bron, Le Puy ou Vichy. Il semble avoir peu été sollicité ces dernières années et son statut réel mériterait d’être confirmé.
Le retrait de service des Tracker en 2020 a entrainé de facto l’arrêt des installations dédiées du Cannet/Le Luc dans le Var et celui d’Alès dans le Gard situés sur des aérodromes où les pistes sont trop courtes pour les Dash. Ces plateformes étant situées près de Hyères et de Nîmes, respectivement, ceci modifie peu les opérations.
Deux autres pélicandromes ont été aussi précédemment fermés, celui de l’aéroport de Nice créé en 1977 et qui a été délaissé après la saison 1997 et l’ouverture de celui de Cannes l’été suivant puis, plus récemment, celui d’Aix en Provence (créé en 1985).
Les capacités
Les capacités des PEL sont différentes d’une installation à l’autre, nombre d’avions pouvant être accueillis, quantité de retardant immédiatement disponible. Par exemple, le PEL de Bordeaux, qui n’accueille qu’un avion à la fois, dispose d’un réservoir de 60m3 de prémélange ce qui permet d’assurer plusieurs journées d’activité. Celui de Cannes, de son côté, qui pouvait accueillir deux Tracker simultanément, dispose d’une capacité de 100 m3.
Pour ne pas endommager les soutes des avions en ayant un débit supérieur à la résistance des réservoirs, les pompes utilisés pour les remplir ne peuvent pas débiter plus de 1800 litres par minute. Le débit moyen est néanmoins réglé à plus de 1000 litres minutes puisque, en général, le remplissage complet d’un Dash 8 (10 000 litres/10 tonnes de capacité) se fait entre 6 et 8 minutes.
Les personnels des Pélicandromes
Les équipiers sont des pompiers, volontaires comme professionnels confirmés, ainsi qualifiés au cours d’un stage de deux jours effectué directement sur la BSC de Nîmes. Une fois la qualification dite « PEL » acquise, elle est entretenue par un entraînement spécifique en début de saison effectué cette fois sur le Pélicandrome du SDIS concerné en présence d’un avion de la Sécurité Civile dont l’équipage joue un rôle essentiel dans la transmission des méthodes et des spécificités des appareils.
Une équipe type est composée de trois personnes qualifiées, un équipier est en charge des vannes (il est donc appelé le « vannier »), qu’il ouvre et ferme aux ordres pour charger la quantité demandée en fonction des opérations, un deuxième a pour rôle d’amener le tuyau jusqu’à l’avion, de le brancher et débrancher en fin de ravitaillement.
Ces deux équipiers PEL1 sont sous la supervision d’un chef d’équipe, qui a suivi un stage complémentaire PEL2, chargé de guider les avions pour les positionner sur la plateforme et de diriger l’ensemble de la manœuvre de ses équipiers notamment par gestes. Lui seul dispose d’une radio VHF FM pour prendre directement les consignes de l’équipage.
En dehors du pélicandrome de Nîmes, les autres installations sont activées lorsqu’un feu survient et qu’il faut pouvoir ravitailler les appareils en action dans la région. Les équipiers affectés à ce poste pour la journée sont alors prévenus et se rendent sur l’aérodrome où il se préparent à recevoir les avions.
Certains jours de gros feux où les rotations s’enchaînent, le travail peut être réellement éprouvant car effectué dans un environnement difficile et stressant, avec le bruit des turbines, les avions restant moteurs tournants pour ne pas perdre de temps, et la chaleur mais aussi le danger permanent que représentent les pales des hélices en rotation.
Côté pilote
Lors des opérations sur pélicandrome, les équipages sont donc aux ordres du chef d’équipe qui guide l’avion. Une fois en place, les hélices sont mises en drapeau pour ne pas souffler les équipiers qui doivent circuler à hauteur de la soute pour brancher et débrancher le tuyau d’alimentation.
L’équipage a préalablement déterminé la quantité de retardant à charger en fonction du carburant restant pour ne pas dépasser la masse maximale autorisée au décollage de leur appareil. Ces indications sont communiquées par radio et/ou par les lampes du panneau de la soute en fonction de l’équipement de l’avion.
On le voit, l’usage du retardant nécessite bien plus que des avions, mais s’inscrit dans un système complexe faisant intervenir un grand nombre d’entités. Il faut des infrastructures fonctionnelles et des personnels formés et ceci ne s’improvise pas. Ce mode de fonctionnement, cette doctrine générale de lutte contre les feux, faisant appel à des moyens complémentaires a largement fait ses preuves depuis de nombreuses décennies.
Même si le ballet fascinant des Canadair à l’écopage peut paraître une arme absolue, elle n’est pas la seule ; le travail au retardant n’en possède pas moins de sérieux atouts opérationnels d’autant plus que, désormais, c’est un système parfaitement rodé dans notre pays.
La disparition de Saint-Ex
Avec une régularité métronomique, Antoine de Saint-Exupéry refait parler de lui. De nombreux articles fleurissent encore et encore autour du pilote et de sa mystérieuse disparition à bord du F-5B 42-68223 près des îles du Frioul au large de Marseille.
Oui, mystérieuse disparition, j’insiste.
En dépit des révélations fracassantes d’un ancien pilote de la Luftwaffe, Horst Rippert, en 2008, s’accusant alors d’être l’homme qui a descendu l’avion de reconnaissance ce 31 juillet 1944, la disparition de St-Ex demeure un mystère.
Il faut dire que les éléments de preuve apportés par ce pilote étaient bien ténus. Et lui même avait livré plusieurs versions : « Vous pouvez arrêter de chercher c’est moi qui ai abattu Saint-Exupéry » déclarait-il à l’historien à leur premier contact.
Pourtant, la presse Suisse relatait cette autre version : « Je n’ai jamais dit que je l’avais fait, car je n’en ai jamais eu la confirmation. On m’a dit bien plus tard que Saint-Exupéry avait disparu, et que ce pourrait être l’avion que j’avais abattu. « (Le Temps, 17 mars 2008)
Un livre fut donc publié à grand fracas de communication en mars 2008, avec un titre cinglant « Saint-Exupéry, l’ultime secret » qui s’est révélé être une simple biographie de plus sur l’aviateur – pas forcément la plus mauvaise non plus d’ailleurs – mais où « l’ultime secret », celui, bien sûr, de sa disparition, prenait bien… 6 ou 7 lignes !
Suis-je le seul à être resté sur ma faim ?
Carnets de vols égarés, revendication de la victoire introuvable (or on retrouve bien la revendication d’Horst Rippert contre un B-24 en juin et celle contre un Spitfire en août, mais rien entre les deux), aucune archive ne vient étayer ce témoignage tardif lequel est farci de contradictions en fonction des reprises. En voici un exemple : « Horst Rippert avait aperçu de son Messerschmitt ce qu’il pense être aujourd’hui l’appareil de « Saint-Ex », le 31 juillet 1944, vers 14h30, peu après Toulon et près de Marseille ». (L’Express, 17 mars 2008)
Le F-5B avait décollé entre 8h30 et 9h00 pour une mission « Soda » de reconnaissance sur les Alpes (mission 33S176). Les jours précédents, les missions menées dans cette région par le GR 2/33 ont duré entre trois heures et quatre heures. (3h50 pour celle du Capitaine Gavoille le 20 juillet sur les Alpes à bord du 292, 3h25 pour le Lt Core le 25 juillet à bord du bientôt célèbre 223 au-dessus du Creusot).
« Il n’était pas rentré à 13 heures » puis « A 14h30 il n’y avait plus d’espoir qu’il fut encore en vol » relate le journal de marche de l’unité, peut-être par la plume de René Gavoille, son chef au 2/33 mais aussi son ami de longue date. Un combat aérien à cette heure-ci était donc impossible. (A noter qu’après sa libération, la Corse était restée à l’heure allemande, les heures utilisés dans les rapports alliés et allemands correspondent donc.)
Sans toutefois balayer définitivement l’hypothèse de l’interception, tout ça ressemblait bien à une opération de communication destinée à vendre du papier. D’ailleurs, lors de la conférence de presse des auteurs organisée au Musée de l’Air à l’époque, l’historien et co-auteur du livre nous avait bien expliqué qu’il était au début du fil de laine et qu’il comptait bien tirer la pelote du mystère jusqu’au bout. Horst Ripper est décédé en 2013.
Fin de l’histoire ?
Pas tellement puisque désormais, régulièrement, on nous assène comme une vérité, que l’auteur du Petit Prince a été « abattu par un pilote allemand. »
En 2017, l’équipe qui fut à l’origine de la « révélation Rippert » publia un nouveau livre aux éditions Vtopo « Saint-Exupéry, révélations sur sa disparition ». A propos de l’éventuel combat aérien du 31 juillet 1944, il est écrit ceci page 209 :
« Ni nos recherches, ni celles plus anciennes d’autres historiens n’ont permis de retrouver des documents allemands qui pourraient confirmer sans équivoque un tir destructeur non reconnu officiellement du P-38 par Horst Rippert »
Le nœud du problème est donc bien clairement posé, celui de l’absence d’archives, les seules permettant à l’histoire d’avancer sur des bases solides. Mais les auteurs ont alors cru bon d’ajouter :
« Mais on ne trouva pas non plus de points de repères qui, d’une quelconque manière, pourraient formellement réfuter ou au moins décrédibiliser le déroulement des évènements décrits par Horst Rippert ».
Ceci s’appelle un syllogisme. Et ne constitue pas non plus une preuve historique :
« On ne peut pas prouver que le témoignage de Rippert est authentique mais on ne peut pas prouver l’inverse, donc le témoignage de Ripper est authentique. » s’oppose donc à : « On ne peut pas prouver que le témoignage de Rippert est authentique mais on ne peut pas non plus prouver l’inverse, donc le témoignage de Rippert est non démontré. »
Chacun peut donc choisir la démonstration qui lui conviendra le mieux, ce qui, là aussi, ne constitue pas une démarche historique convenable.
Le combat aérien reste donc une hypothèse possible, bien qu’encore non prouvée, mais bien d’autres explications le sont tout autant.
L’accident ou la panne ne peuvent être exclus, de même que l’hypoxie fatale. Saint-Ex était un gros fumeur, ses besoins en oxygène étaient donc largement supérieurs à la moyenne ce qui lui avait déjà joué des tours lors d’une mission précédente.
« Le destin ne dispose pas ainsi d’un homme armé d’une expérience de 7000 heures de vol, et qui a résisté à tant de coups durs » poursuit l’auteur du journal de marche du 2/33 (1) et pourtant, chasse ennemie ou non, les raisons de mourir à bord d’un avion de combat dans les années 40 étaient de toute façon très nombreuses.
L’épave identifiée comme étant celle du F-5B 223 semble n’avoir révélé aucun impact de balle. Mais, là aussi, cette absence ne constitue pas pour autant une infirmation de la thèse « Rippert » puisque l’épave remontée était largement incomplète.
D’autant plus que le principal mystère n’est pas tant la raison de la chute de son avion que la localisation de l’épave. Si celle-ci semble désormais avoir été correctement identifiée – ce qui n’avait rien d’évident au départ si on se souvient des circonstances de sa découverte et des débats qui ont suivi et ce point reste néanmoins encore contesté – le fait de la retrouver près de Marseille reste un sujet d’étonnement. Il suffit de regarder une carte et se souvenir que la mission du jour était une reconnaissance dans la région de Chambéry. Que faisait-il du côté des Calanques ? Du tourisme ?
D’autres auteurs ont également évoqué le suicide. Peut-on imaginer Saint-Exupéry, survivant de l’aviation postale française, trahir volontairement ses compagnons d’escadrille et ses compatriotes en se sacrifiant à bord d’un avion qu’il savait également très précieux, à quelques semaines du Débarquement de Provence, alors que les troupes alliées marchaient sur le sol de son pays – même si le sort de la bataille de Normandie n’était pas encore scellé ? Si son moral n’était pas forcément au beau fixe, comme le montrent ses dernières lettres, quel combattant n’a pas aussi des moments difficiles ?
Le mystère de la disparition demeure donc… Non, Saint-Ex n’a pas été « vraisemblablement abattu par un pilote Allemand », il est toujours « disparu en mission » (2) comme des milliers d’autres pilotes et de combattants à cette époque-là, ce qui ne le rend pas moins estimable pour autant.
Article publié initialement le 31 juillet 2015, adapté et modifié le 29 juin, le 15 et le 31 juillet 2021 puis le 31 juillet 2023.
(1) dans sa Lettre au Général X de mai 1943, il écrit : « après quelques 6500 heures de vol sous tous les ciels du monde ».
(2) reconnu « Mort pour la France » en 1948. Par conséquent, les œuvres d’Antoine de Saint-Exupéry entreront dans le domaine public en 2033.
La fin de l’aventure Supertanker
Hier, le Boeing 747-400 N744ST a été convoyé depuis Moses Lake (WA) vers San Antonio (TX). Il s’agit de son ultime vol gréé comme avion de lutte anti-incendie après l’annonce de la cessation des opérations et de la liquidation de son exploitant Global Supertanker Services.
Le Boeing 747, dont le système de largage venait pourtant de subir quelques améliorations et avait effectué un vol d’essais à la fin du mois de mars autour de Moses Lake, a été vendu et devrait retrouver la configuration cargo qui était la sienne avant de devenir pompier du ciel au début 2016.
Le chantier à venir sera donc d’ôter la soute interne et de supprimer les évolutions que GSS avait fait subir à son avion. Le futur exploitant de l’appareil n’a pas encore été dévoilé.
Voici qui clôt sans doute une histoire qui a débuté il y a une vingtaine d’années lorsque chez Evergreen ont été lancées les bases d’un système de largage pouvant être installé à bord d’un Jumbo Jet.
Tout au long de son histoire, le projet Supertanker a été confronté à des vents contraires. Les expérimentations d’Evergreen avec le 747-200 puis le 747-100 n’ont pas permis à la compagnie de développer son marché et le « shutdown » de 2013 a été fatal.
La reprise en main du concept et le rachat des soutes pour les adapter à un vecteur plus moderne était porteur de grands espoirs et de la première intervention en Israël à l’hiver 2016 à la terrible saison des feux californienne 2020 et ses tristes records, le 747 a apporté une aide qui s’est avéré décisive à de nombreuses reprises.
Est-ce que l’histoire rebondira une fois de plus ? Rien n’est certain. Mais il existe deux soutes de largage pour 747 qui ne demandent qu’à être rachetées et remises en service.
Mais la clé est ailleurs, entre les mains de l’US Forest Service et des collectivités américaines qui, seules, peuvent permettre aux entreprises de travail aérien de pérenniser leurs activités car c’est ce n’est pas vraiment sur le plan opérationnel que le concept a péché comme le démontrent parfaitement les DC-10 de la concurrence.
En raisonnant de façon simpliste, on pourrait penser que les coûts opérationnels du 747 désormais économisés (on parle d’un budget estimé de 50 000 $ par jour + 16 000 $ par heure de vol, il n’y a pas eu de communication officielle du Cal Fire sur ce point) pourraient permettre à la Californie de louer d’autres avions ou permettre d’accélérer le programme des C-130 hérités des Coast-Guard, sauf que ça ne sera pas le cas, au moins pour la saison 2021.
La fin du 747 marque réellement une perte sèche dans les moyens aériens US. Et se passer d’un outil de cette importance alors que la saison 2020 a vu se dérouler 3 des 5 plus gros feux de l’histoire de l’État est simplement alarmant.
Viking CL-415EAF
Lors du salon du Bourget 2017, Viking Air, qui venait de racheter à Bombardier les droits relatifs à la production des avions amphibies Canadair, dont la production s’était achevée quelques mois plus tôt, affichait ses ambitions pour relancer cette famille d’avions.
La première annonce concernait le CL-415EAF, Enhanced Aerial Firefighter. En fait, cette version du Canadair n’est que la « version Viking » du CL-215T. Dans cette optique, la firme relevant du groupe Longview a racheté 11 CL-215 à moteurs à pistons auprès de différents opérateurs et les a acheminé à Calgary.
Ces appareils des dernières séries construites sont éligibles à la turbinisation ce qui n’était pas le cas des CL-215 dont la France fut dotée, qui relevaient des séries I et II et qui étaient incompatibles avec cette modification majeure.
Le premier appareil à entrer en chantier fut le CL-215 « Tanker 262 » (MSN 1081) qui avait volé pour la Province de l’Ontario puis pour la société Aero Flite.
La transformation a été effectuée dans les ateliers de la société Cascade Aeropace, ancienne filiale de Conair devenu indépendante depuis (c’est chez Cascade que furent transformés les deux premiers Q400MR de la Sécurité Civile française en 2004-2005) et qui a fait office de sous-traitant pour le groupe Longview et sa filiale Viking.
Le 10 mars 2020 il fait son premier vol avec ses nouvelles turbines PW123AF depuis l’aérodrome d’Abbotsford où l’essentiel du chantier s’est déroulé.
Il est ensuite repeint aux couleurs de son nouveau propriétaire, la société Bridger Aerospace, qui en prend possession le mois suivant. Désormais immatriculé N415BT, il est désormais le Tanker 281.
Ce nouveau CL-215-6B11 participe alors aux opérations de la difficile saison 2020 dans le Nevada, où se déroule sa première intervention le 19 juillet sur le Cedar Fire dans la région d’Elko, et dans l’État de Washington.
Bridger reçoit ensuite son deuxième Canadair, l’ex CL-215 Tanker 263 ex Province de l’Ontario puis de l’Etat du Minnesota (MSN 1082) qui est devenu le Tanker 282 immatriculé N417BT.
Au total, Bridger doit prendre en compte 6 CL-415EAF. Le calendrier précis des livraisons n’a pas été annoncé et peut avoir été perturbé par la crise sanitaire mondiale. Certaines sources parlent d’une opération d’un budget total de 200 millions $ ce qui nous fait une trentaine de millions par avion rénové et remotorisé, un coût qui peut être considéré comme élevé.
Les autres avions sont proposés à d’autres clients, ainsi l’Indonésie qui a signé un protocole d’accord pour la livraison de 6 CL-515 a également opté pour un CL-415EAF livrable en 2021, reste à voir si le calendrier sera tenu.
Le CL-415EAF n’est finalement rien de plus qu’un CL-215T modifié par une nouvelle entreprise. Néanmoins plusieurs évolutions notables sont possibles. Comme les avions éligibles au programme 415AUP (chantier de rénovation des CL-415 sélectionné pour prolonger les avions de la Province du Québec) ils peuvent recevoir la nouvelle avionique sélectionnée par Viking pour les avions Canadair, la Proline Fusion de Collins, constituée d’écrans tactiles de grande taille.
Il fut pressenti un temps que les avions de Bridger auraient pu être dotés de cette option mais les photos diffusées ensuite montrent que si des évolutions de la planche de bord des avions basculés au standard EAF ont bien eu lieu, elles sont bien moins révolutionnaires qu’attendu.
De même, dotée de turbines PW123AF comme les CL-415, la cellule du CL-215 serait tout à fait en mesure de supporter une augmentation de la masse d’eau écopable. L’option avait été également évoquée lors du lancement du projet mais les 5500 litres utilisables par l’ancien CL-215, en deux réservoirs (contre 6200 en quatre compartiments pour la version ultérieure) semblent être suffisants et efficaces pour que cette évolution ne devienne pas impérative. Les CL-415EAF conservent donc les deux grandes portes qui marquent la principale différence extérieure avec le CL-415 de base.
Le CL-415EAF n’est pas un concept novateur, le CL-215T ayant depuis longtemps fait les preuves qu’une rénovation complète des « vieux » CL-215 et en les dotant de turbines est une opération qui améliore leur efficacité tout en leur offrant une longévité accrue. Il ne s’agit pas d’une révolution, tout au plus une évolution si on prend en compte l’option de la nouvelle avionique.
C’est surtout pour l’entreprise canadienne l’opportunité de revaloriser une flotte pour laquelle il faudra assurer le maintien en condition opérationnelle (MCO) qui autrement pourrait n’avoir comme avenir que les musées !
C’est peut-être aussi un moyen de préparer l’avenir en créant des processus industriels qui permettront, le moment venu, de lancer et produire enfin le CL-515.
Magister Dixit
Le Fouga Magister est une des silhouettes aériennes les plus emblématiques de l’aviation française avec son empennage si particulier. Mais comme il s’agit d’un avion d’entraînement et de liaison, la littérature à son sujet est particulièrement restreinte. Jusqu’à aujourd’hui !
Dans la lignée de l’excellente monographie consacrée à l’Alpha Jet et alors qu’on se remet à peine d’un diptyque absolument phénoménal consacré aux Vampire et Mistral français, un père Noël un petit peu en retard a déposé cet immense pavé au pied de nos sapins (…)
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Coup de coeur 2021
Chuck Yeager (1923-2020)
Il prit sa retraite en 1975 mais continua de voler longtemps, invité par l’Air Force à revivre son exploit en place arrière d’un F-16 ou d’un F-15 à plusieurs reprises jusqu’en 2012.
Les Héros de Bagdad Tome 2
Le premier volume de la série nous plongeait au cœur des missions des Mirage F1EQ5 lors de la Guerre Iran-Irak et il nous avait passionnés. Voici que l’auteur se penche sur un groupe de pilotes, amené à prendre les commandes des Mirage F1 mais dont plusieurs ont commencé à opérer à bord de Super Étendard.
Entre 1983 et 1985, l’aviation irakienne avait commencé à semer la terreur parmi les pétroliers venant s’approvisionner en brut iranien dans le Golfe Persique grâce à 5 de ces avions prélevés sur la dotation de l’aéronautique navale française et loués par Dassault. (…)
La saison des feux reprend en Australie
Si le pic des feux en Australie ont fait les gros titres en février dernier, avec une émergence de sinistres géants aux conséquences désastreuses, la nouvelle saison est d’ores et déjà lancée et les moyens aériens de renfort arrivent sur place.
L’état du Queensland a loué le premier Dash 8 Q400AT de Conair (même réservoir que les Q400MR en service en France, mais sans aucun aménagement de transport de passagers ou de fret), le Bomber 141 qui a effectué ses premiers largages opérationnels il y a quelques jours.
De son côté, La Nouvelle-Galles du Sud a déjà engagé à plusieurs reprises son Boeing 737 Fireliner acheté l’an passé, revêtu d’une nouvelle livrée.
Toujours pour cet état, six hélicoptères lourds Erickson Aircrane sont en cours d’acheminement. Le premier, le N189AC « Gipsy Lady », qui a fait la saison des feux en Grèce a été livré ce 12 octobre par un Antonov 124 de Volga-Dniepr qui l’a convoyé depuis Athènes.
Lors de la terrible saison 2019-2020, 17 millions d’hectares avaient été dévastés principalement en Nouvelle-Galles-du-Sud. Outre des centaines de millions de tonnes de CO2 rejetés dans l’atmosphère, ces feux avaient aussi causé plus d’une trentaine de morts dont les trois hommes de l’équipage du C-130 Tanker 134. Le rapport d’étape publié il y a quelques jours ne donne pas encore de cause précise au drame mais aucune défaillance technique de l’appareil n’a été décelée à cette étape de l’enquête.
Ainsi, la nouvelle saison des feux a débuté. Elle pourrait être très longue si on en juge par l’expérience des mois passés et par la situation dramatique de la Californie, où des surfaces record ont encore été dévorées cet été encore. (1,7 millions d’hectares brûlés à ce jour dont plus de 500 000 pour le seul August Fire qui fait rage depuis mi-août). Beaucoup d’avions et d’hélicoptères sont encore engagés dans de durs combats devenant, de fait, indisponibles pour se rendre de l’autre côté du Pacifique. Une situation inconfortable aux conséquences potentiellement catastrophiques.
Des avions Robin
Ce 5 août, nous apprenions la disparition de Pierre Robin, créateur de nombreux avions légers qui ont fait, et qui font toujours, les beaux jours de nombreux aéroclubs et pilotes privés.
Voici quelques un de ces avions croisés ici ou là, au bords des pistes et parfois en vol.
Il a étroitement collaboré avec un autre géant des petits avions, Jean Delemontez, décédé à 97 ans en 2015, le « Del » dans « Jodel », autre saga époustouflante des avionneurs français, et leurs noms restent aussi indissociables par les dénominations DR de leurs œuvres communes. Mais il a aussi collaboré avec d’autres ingénieurs comme Chris Heinz (HR) et sans oublier que son fils, Christophe, a aussi œuvré dans le même domaine avec les CR ou les MCR.
L’histoire de ces avions a fait l’objet de deux livres notables, « Les avions Robin » de Xavier Massé, aux Nouvelles Editions Latines en 2000. (270 pages).
Plus complet mais désormais devenu un peu difficile à trouver, bien que plus récent (2012), l’ouvrage de référence demeure néanmoins « La Saga Robin » de François Besse, autoédité mais désormais épuisé. Situation finalement logique pour un travail d’une qualité exceptionnelle, ce qui lui valut un coup de coeur mérité de la part de l’Aérobibliothèque.
Ainsi Pierre Robin s’en est allé…