La fin des CL-215 français, histoire d’un presque désastre.

De 1996 à 2004, les CL-215 de la Sécurité Civile retirés du service sont restés pourrir sur la pelouse en face des hangars « Boussiron » de l’aéroport de Marseille-Provence à Marignane. Après la fin de leurs missions au-dessus des feux en Provence, ces bombardiers d’eau se sont retrouvés au cœur d’un imbroglio administratif peu reluisant et aux conséquences cruelles, mais qui, paradoxalement, a permis la conservation de la plupart de ces appareils pour la postérité.

Un retrait de service discret

Le 4 octobre 1996, dans une discrétion toute française, le CL-215 F-ZABY « Pélican 23 », aux mains des deux plus anciens pilotes de la base, Maurice Levaillant et Alain Février, effectue son dernier vol, l’ultime vol d’un CL-215 français. Après 27 ans de très bons et très loyaux services et une carrière de 80 200 heures de vol, 176 138 écopages et 195 706 largages, ces vénérables avions ont été poussés à la retraite par l’arrivée du plus moderne CL-415. Tout au plus, le numéro 23 avait reçu un simple autocollant de l’Amicale des Pompiers du Ciel en guise de décoration spéciale commémorative. Mais des Canadair au Concorde en passant par le dernier atterrissage du B-17 à la Ferté-Alais, nous avons encore bien des leçons à recevoir de nos amis anglais sur la façon de dire au-revoir à nos légendes aériennes.

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Le Pélican 23 a effectué le dernier vol des CL-215 français. (Photo : Oller, collection Marsaly)

Un contrat bien négocié mais…

Le contrat de vente des nouveaux appareils est signé par le Directeur de la  Sécurité Civile le 11 septembre 1991. Il comportait 14 lots pour un montant total de 1 460 867 360 FF TTC. 12 avions à 86,5 millions de FF TTC ainsi que deux lots complémentaires pour provision en cas de modifications importantes et pour l’approvisionnement en pièces détachées. Il comportait une clause de rachat des 11 CL-215 restants par le vendeur à un prix pouvant aller jusqu’à  9 630 000 FF de l’époque.

Ceux-ci, en dépit de leur déjà longue carrière, possédaient encore un potentiel certain. Ils pouvaient être revendus à d’autres opérateurs une fois entièrement révisés ou bien servir pour approvisionner ces mêmes utilisateurs en pièces détachées.

Même sans tenir compte des variations monétaires, de l’inflation et du changement de monnaie, ce prix de 86,48 millions de FF (18,83 millions d’Euros constants) par avion est intéressant à comparer avec les 30 millions $ réclamés pour un Bombardier 415 dans les années 2000.

C’était aussi le premier contrat conclu directement par le Ministère de l’Intérieur pour la Sécurité Civile car les achats précédents l’avaient été par l’intermédiaire de la Direction Générale pour l’Armement (DGA). Il intervenait à un moment propice pour permettre de renouveler les avions alors que la flotte existante n’était pas encore tout à fait à bout de potentiel, lui conservant un intérêt opérationnel, donc financier.

Mais ce contrat, assorti d’un accord de commercialisation en 1993, avait été signé avant même le premier vol du prototype du CL-415 et faisait de la Sécurité Civile le client de lancement du nouvel avion et aucune disposition n’avait vraiment été prise pour faire face aux inévitables problèmes que sa mise au point allait connaître, même si l’avion n’était que dérivé d’un appareil déjà connu et éprouvé.

Et les problèmes sont arrivés, et nombreux. Les CL-415 sont livrés à partir de février 1995. Les premiers vols montrent que l’avion n’est pas aux standards attendus et rencontre des problèmes d’étanchéité de la soute, des vibrations au niveau des hélices et une avionique non conforme.

La défaillance d’un sous-traitant de Bombardier entraîne aussi un important retard pour les livraisons. Celles-ci devaient s’échelonner du 1er mars 1994 au 1er décembre 1996 et elles accusent donc, pour certains appareils, plusieurs mois de retard, ce qui déséquilibre les capacités opérationnelles de la base pour la saison à venir.

Or, comme le contrat le stipulait, ces avions devaient être payés avant livraison.

Le 1er mars 1995, le directeur de la Sécurité Civile prend donc la décision de suspendre les paiements à venir, alors que son administration s’est déjà acquitté de 80% du marché.

Conflit et conséquences

Une négociation s’engage donc mais le prix de reprise des CL-215 fait l’objet d’un débat qui entraîne la nécessité d’une commission arbitrale. Celle-ci tranche en faveur de Bombardier le 30 septembre 1996, statuant que les termes de l’accord de vente de 1993 devaient être respectés. Or, en ce qui concerne la reprise des vieux CL-215, la commission précise que ceux-ci devaient être en état de vol.

Pour cinq d’entre-eux, c’était encore le cas. Le retrait des CL-215 ayant débuté le 8 septembre 1995 avec le « Pélican 28 » et s’achève le 4 octobre 1996 avec le « Pélican 23 ». Donc au moment de l’arbitrage, l’avion retiré du service le premier n’était immobilisé que depuis 12 mois, un temps de stockage encore peu important en fait.

Pourtant la situation reste bloquée et Bombardier semble se désintéresser alors totalement de ces appareils qui sont alors stockés au fur et à mesure en attendant une éventuelle solution. Mais plus le temps passe et plus ces avions vont coûter cher à remettre en état de vol, le cercle vicieux est engagé.

A deux reprises, en juillet et octobre 1997, la Sécurité Civile contacte Bombardier pour confirmer que les avions sont bien à la disposition de l’entreprise canadienne.

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Les 9 CL-215 restants photographiés le 4 avril 2002.  (photo : Google Earth)

Mais la Sécurité Civile et le Ministère de l’Intérieur ne prennent pas, non plus, vraiment de dispositions pour que ces appareils soient stockés dans de bonnes conditions, pensant sans doute que Bombardier va finir par assurer sa part du contrat et que cette situation ne perdurera pas. Les 11 avions qui avaient été retirés progressivement du service sont donc poussés de l’autre côté des pistes de l’aéroport de Marignane, vers les hangars « Boussiron » (du nom de l’entreprise qui les a bâtis entre 1948 et 1951).

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Le cimetière aux Canadair à Marignane en mai 2000.

Deux rescapés

Début 1999, pourtant, le « Pélican 40 » est sorti du cimetière pour être démonté. Le 12 mai 2000, il embarque à bord d’un cargo qui fait ensuite route vers le Canada. Offert par Bombardier il est exposé aujourd’hui au Canadian Bushplane Heritage Center à Sault-Ste-Marie, dans l’Ontario.

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Le CL-215 1040 désormais exposé à l’abri du Canadian Bushplane Heritage Center à Sault-Ste-Marie. (photo : CBHC)

En mars 2000, c’est au tour du « Pélican 27 », qui, sous l’immatriculation C-GFNF s’envole pour la Croatie, preuve que le stockage sauvage ne l’avait pas totalement détruit. Il est ensuite utilisé par Buffalo Airways de Yellowknife, dans les Territoires du Nord-ouest. Vendu en Turquie, il est convoyé en mars 2009, cette aventure faisant l’objet de plusieurs épisodes de la série télévisée « Ice Pilots ». Il vole désormais au sein de la Türk Hava Kurum (THK, association aéronautique de Turquie), immatriculé TC-TKM et demeure le dernier CL-215 à avoir volé sous couleurs française à poursuivre sa mission.

Dans ces deux cas, Bombardier est intervenu et a racheté les deux appareils. Était-ce parce qu’ils étaient moins endommagés que les autres ? Est-ce que ce rachat s’est fait dans le cadre du contrat initial ou par un amendement ? Il reste une zone d’ombre à ce propos.

Car pour les autres avions, c’est le long dépérissement non loin des pistes de Marignane, au grand désespoir de ceux qui savaient que ces avions, en dépit de leurs états de services allant de 6400 à 8300 heures de vol, auraient pu encore servir longtemps, en France mais surtout ailleurs.

En 2001, en raison d’une pénurie temporaire de pièces détachées, des trains d’atterrissages de 215 sont prélevés pour être fixés sur les 415 alors en cours de maintenance pour permettre aux techniciens de continuer leur travail sur un avion reposant sur des roues. De même, certains ballonnets (les flotteurs en bouts d’ailes) sont cannibalisés au profit des nouveaux avions.

Finalement les CL-215 sont confiés à la Direction Nationale d’Intervention des Domaines. Les dégâts occasionnés par le temps et le stockage à l’air libre dans une zone chaude et humide ne permettant plus d’envisager alors une remise en état de vol, en tout cas dans une option économique viable.

Préservation, sauvegarde et couperet

Plusieurs associations de conservation du patrimoine et musées aéronautiques s’étaient inquiétés des ces avions, parmi lesquels le Musée de l’Hydraviation de Biscarosse. Une cession à titre gratuit n’étant pas possible, le ministère de l’Intérieur se déclare prêt à mettre en œuvre des conventions de mise à disposition gratuite aux organismes qui se manifesteront, à la condition que les avions ne soient pas remis en état de vol et gardent leurs marques d’origine.

Seuls deux appareils font l’objet d’une telle convention, les avions n°23, celui du dernier vol, destiné au Musée de l’Air du Bourget, et n°47, destiné au Conservatoire de l’Air et de l’Espace d’Aquitaine (CAEA), de Bordeaux. Il faut noter qu’à cette période, le directeur du Musée de l’Air est également président du CAEA. Le Musée de Biscarosse quant à lui n’a pas réussi à réunir les fonds importants pour le convoyage d’un appareil aussi volumineux.

Le 8 juillet 2004, le sort des sept avions restants est fixé par une vente aux enchères sur appel d’offres. Les avions 21 et 26 sont achetés 18 000 € pièce par les musées de Speyer et Shinsheim, deux musées allemands dont les collections sont d’une richesse assez étonnante. Pour 8 400 €, le « Pélican 46 » est attribué à la commune de Saint-Victoret qui le confie ensuite à l’association « Un Canadair à Saint-Victoret » pour une restauration en vue d’une exposition statique. L’avion est érigé sur sa stèle en février 2005 et inauguré au mois de juin suivant.

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Le Pélican 46 est désormais visible à Saint-Victoret, près de Marignane.

A l’initiative des piliers de l’Amicale des Pompiers du Ciel, deux cockpits complets sont sauvegardés : le cockpit du « Pélican 29 » est tronçonné avant que l’irréparable ne soit commis. Récupéré par les membres de l’association de Saint-Victoret, il a été restauré et il est aujourd’hui visitable dans le gymnase désaffecté, attenant à « Pélican 46 », qui est devenu un petit musée d’aviation fort intéressant et dynamique.

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Le cockpit du Pélican 29, sauvegardé et restauré, désormais visible au Musée de St Victoret.

L’autre cockpit sauvegardé, celui du « Pélican 05 », est aujourd’hui exposé au Musée de l’Hydraviation de Biscarosse.

Les avions 05, 24, 28 et 29 sont attribués à ARCOM, un négociant en matériaux aéronautiques qui revend les pièces encore utilisables à des exploitants de CL-215 comme Buffalo Airways ou Aero Flite. Les avions sont désossés et le 25 octobre 2004 les quatre cellules sont détruites puis les morceaux sont passés au broyeur pour être recyclés.

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En octobre 2004, les CL-215 sont ferraillés en présence de Mickey McBryan de Buffalo Airways, venu récupérer quelques pièces pour les avions de sa compagnie. (Photo B. Servières/Amicale des Pompiers du Ciel)

Le 47 est convoyé par route vers Bordeaux en janvier 2005. Il est exposé depuis dans le hangar de l’association situé sur la Base Aérienne 106 de Mérignac ce qui en réduit l’accessibilité.

Le 23 est acheminé en direction du Bourget à la même époque. Il est immédiatement placé dans les réserves du Musée de l’Air puis entre en atelier en 2007 où il est entièrement décapé et repeint. Il en sort le 29 avril 2009, à temps pour intégrer officiellement les collections du musée le 16 mai suivant, date à laquelle le Musée reçoit également une Alouette III de la Sécurité Civile.

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Le cockpit du « Pélican 23 ». Il n’a pas été vandalisé, il a juste été cannibalisé proprement, mais du coup, il va être difficile de le rendre visitable.

Aujourd’hui, il est enfin possible de tirer les conclusions d’une histoire bien longue, celle des CL-215 français. Sur 15 avions utilisés, 4 ont été accidentés en opération, six sont exposés dans les musées de trois pays (deux en Allemagne, un au Canada, trois en France), deux ont été préservés partiellement et les cockpits sauvés sont également exposés au public. Deux appareils, seulement, ont été intégralement ferraillés et, donc, un seul avion poursuit sa carrière.

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Le « Pélican 23 » désormais exposé au Musée de l’Air du Bourget.

Un mal pour un bien ?

Il y a deux lectures possibles, et néanmoins compatibles entre-elles, de ces évènements.

La première conclusion qui s’impose, c’est que certains de ces avions auraient très bien pu continuer leurs carrières encore longtemps comme le Pélican 27 le démontre depuis, les autres pouvant servir de réserves de pièces détachées. Même si l’intérêt pour le CL-215 a diminué ces dernières années, le prix de ce type d’appareil sur le marché de l’occasion reste élevé, de l’ordre de 2 à 3 millions de Dollars.

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En novembre 2015, au moins quatre CL-215 sont disponibles à la vente. Notons toutefois que les avions retirés du service de la Sécurité Civile avaient de 6400 à 8400 heures de vol. (Controller.com)

Pour la Sécurité Civile, le lent dépérissement d’une flotte d’avions, certes usés mais parfaitement entretenus jusqu’alors, peut être considéré comme une perte sèche. Le statut ubuesque de ces appareils, pointé comme tel par un rapport de la Cours des Comptes dès 1998, a donc entraîné un immense gaspillage de ressources techniques et financières. La destruction d’appareils rares, capables de poursuivre encore un temps leur mission en étant la conséquence la plus directe.

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Et si les évènements avaient été différents, quelles auraient été les carrières de ces avions abandonnés ?

La situation de blocage dont les CL-215 français ont été victimes a paradoxalement permis leur sauvegarde. C’est le second point de vue qu’on peut adopter sur cette affaire.

Contrairement à d’autres affaires difficiles de fins de carrières d’aéronefs, des dispositions ont été prises à temps pour permettre la conservation de ces avions à long terme ce qui n’aurait effectivement pas été possible si ces appareils avaient été revendus. Car si on considère que deux avions, seulement, ont été entièrement ferraillé, le bilan  patrimonial des CL-215 français est tout simplement excellent avec ces 8 avions préservés entièrement ou partiellement et exposés dans différents musées !

Dans quelques années, c’est le Tracker qui devrait enfin prendre sa retraite, espérons que les leçons du passé servent.

 

 Tableau récapitulatif des CL-215 français (cliquez pour agrandir)

CFPA Newsletter October 2015

La saison feu a été très difficile cet été aux USA. A ceci s’ajoute un été assez turbulent pour l’équipe de la Newsletter, ce qui explique que ce troisième numéro de la saison, qui paraît un peu tard, sera aussi le dernier pour cette année.

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Fichier en pdf à télécharger ici

Rendez-vous l’été prochain où nous espérons retrouver un rythme plus habituel !

Et bonne lecture en attendant.

Bombardier annonce la fin de production de son modèle 415.

C’est désormais officiel, la chaîne de production du célèbre amphibie de lutte anti-incendie installée à North Bay dans l’Ontario ferme.

Ce n’est pas une surprise. La nouvelle avait été annoncée au printemps. Il ne restait alors qu’une poignée d’avions à sortir et aucune nouvelle commande n’arrivant, cette décision est tout à fait logique. Le groupe aéronautique Bombardier subissant une zone de turbulences économiques, la décision de se séparer d’un secteur non vital n’en a sans doute été que plus facile. Même si la porte-parole du Groupe annonce que, en cas de nouvelles commandes, lesquelles se font désirer depuis de longs mois, la production de nouveaux bombardiers d’eau pourrait avoir lieu à Montréal, on devine que cette annonce scelle le sort d’un avion emblématique à plus d’un titre.

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20 ans après son entrée en service, le CL-415 vient de terminer sa carrière industrielle. Son histoire opérationnelle est, par contre, loin de l’être.

La fin de la production de cet avion bombardier d’eau appelle plusieurs remarques. Avec les modifications climatiques, il y a tout lieu de craindre que le problème des feux de forêt ne finisse par toucher de nouveaux secteurs géographiques et de nouveaux pays, ce qui pourrait avoir pour conséquence la nécessité d’un développement des flottes spécialisées. Or, le « Canadair »comme il est depuis longtemps improprement appelé, était pratiquement sans concurrence et n’avait plus besoin de faire la démonstration de son efficacité depuis longtemps.

L’arrêt de sa fabrication laisse donc un grand vide puisqu’on sait que le Beriev 200, encore plus ambitieux, n’a toujours pas réussi à s’imposer sur ce marché, que le ShinMeiwa japonais est un peu hors concours avec son prix unitaire exorbitant et tout laisse penser que le nouvel hydravion chinois ne sera pas bon marché non plus. Reste donc le FireBoss, bien moins performant mais beaucoup moins cher, qui pourrait se retrouver principal bénéficiaire de cette situation.

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Utilisé par de très nombreux pays et opérateurs, mais souvent en petite quantité (six, par exemple, pour l’aviation militaire croate), les Canadair ont été produits pendant 48 ans, à raison de quatre avions et demi par an en moyenne, ce qui est vraiment un rythme très lent.

Il y a peu de chance que le groupe canadien ait en tête de lancer un successeur à cet avion. Dans ce cas, est-ce que les droits de production du CL-415 pourraient être cédés à une entreprise qui serait en mesure de continuer la commercialisation de cet appareil, comme Viking l’a fait avec succès pour le Twin Otter, un autre produit que Bombardier n’a pas souhaiter conserver à son catalogue ?

Ce pourrait être une solution mais elle demeure risquée car il s’agit d’un avion hyper spécialisé et extrêmement couteux. Quelle entreprise aurait une assise économique assez puissante pour se lancer dans une telle aventure ? Sachant que dans de nombreux pays clients historiques de Bombardier, la période est à la rigueur et aux restrictions budgétaires.

Cette décision pose de nombreuses questions, surtout à l’heure où, en France par exemple, on s’interroge sur la succession des appareils en service, opérationnels depuis 20 ans et qui devront être remplacés dans les 15 ans à venir.

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Quel sera le successeur des CL-415 français ? La question est désormais posée.

Après 125 CL-215 et une centaine de CL-415 construits, c’est une longue histoire industrielle qui se termine, puisque le premier avion de la famille a fait son premier vol le 23 octobre 1967, il y a donc presque 48 ans jour pour jour.

L’histoire des couverture-4bombardiers d’eau Canadair a fait l’objet d’une étude complète dans le livre Canadair CL-215 & CL-415 « Scooper » publié chez Minimonde 76, toujours disponible.

 

 

 

 

 

Mise à jour du 28/07/2017 :

– La question de la succession des CL-415

– Viking relance le CL-415

Les « auxiliaires » 1ère partie : Les largueurs de paras.

Les bombardiers d’eau, avions ou hélicoptères, ne sont pas les seuls aéronefs impliqués dans la lutte contre les feux de forêts. A l’instar du domaine militaire où les appareils de combat ne peuvent opérer  sans moyens logistiques, de renseignements ou de coordinations, les bombardiers d’eau opèrent rarement seuls. Des flottes d’appareils « auxiliaires » les accompagnent souvent directement, leur garantissant un certaine sécurité et une efficacité accrue. D’autres participent à la prévention des feux, à l’analyse des sinistres passés, ou bien acheminent d’autres moyens de lutte. Faisant rarement les gros titres, ces différentes missions et les aéronefs qui les accomplissent méritent pourtant qu’on s’y attarde.

Les largueurs de pompiers parachutistes

En Russie

avialesookhranaC’est en Russie que cette façon de combattre les feux est née. L’Armée Rouge mets en place ses premières unités parachutiste dès les années 30. En parallèle, des commandos anti-incendies sont créés et des expérimentations d’opérations aéroportées ont lieu. La rapidité de mise en place des équipes, en dépit de la faiblesse des moyens techniques utilisés ensuite pour lutter contre la propagation des feux, par la création de coupe-feu ou l’utilisation de contre-feux, permet d’obtenir une certaine efficacité. Un temps mis en pause pendant la Grande Guerre Patriotique de 1941 à 1945, le concept s’est développé ensuite pour grimper jusqu’à 8000 personnels.

Aujourd’hui, il y aurait de 3000 à 4000 pompiers qualifiés pour être engagés en pleine nature après un parachutage. Ils dépendent d’Avialesookhrana (Авиалесоохрана), l’agence gouvernementale russe en charge des moyens aériens des services forestiers. Avec un équipement léger et sans grands moyens technologiques, leurs interventions au cœur des grands massifs forestiers restent cependant un des pans de la doctrine d’intervention de l’Oural à la Sibérie. Leur histoire est cependant marquée par des drames. En 2012, par exemple, 9 d’entre-eux ont perdu la vie en opérations, preuve que cette mission n’est pas sans risque.

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Une équipe de pompiers parachutistes Russes à l’entraînement. (photo : Авиалесоохрана)

Avialesookhrana utilise principalement l’increvable biplan monomoteur Antonov AN-2 pour acheminer ses troupes. L’organisme dispose pour cela d’une soixantaine d’appareils dont certains sont toutefois utilisés comme bombardiers d’eau. Les autres sont donc disponibles pour acheminer des équipes à pied d’œuvre où que ce soit dans ce si vaste pays. Les commandos pompiers russes peuvent utiliser aussi des avions de transport militaires, Antonov 26 ou 32 en fonction de la situation ou bien des hélicoptères Mil Mi 8 et dérivés.

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Un des nombreux Antonov AN-2 de la flotte d’Avialesookhrana, utilisés notamment pour acheminer les commandos forestiers. (Photo : Igor Dvurekov)

Aux USA, les Smoke Jumpers

Dès les années 30 des forestiers ont été largués en parachutes dans les zones en amont des sinistres en cours afin qu’il puissent tailler des coupes-feu ou lancer des contre-feux pour stopper la propagation des flammes dans les zones les plus isolées et les moins accessibles.

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Après avoir largué une équipe de Smoke Jumpers dans « la verte », ce Twin Otter leur largue de l’équipement. A eux, désormais, de lutter presque à mains nues, contre le feu visible à l’arrière plan. (Photo : NIFC)

Cette mission s’est organisée et a pris de l’ampleur pendant la seconde guerre mondiale. La mission de forestier-parachutiste étant devenue une des affectations possibles pour les quelques conscrits objecteurs de conscience qui refusaient de porter les armes et donc de partir au front dans le Pacifique ou en Europe, un peu plus de 200 d’entre-eux se sont donc rendus utiles dans l’ouest des USA pour combattre plus pacifiquement un ennemi tout aussi implacable.

Initial attack for Boise BLM Smokejumpers.

La tenue de saut des Smoke Jumpers est pensée pour les protéger en cas d’arrivée dans les arbres. Une fois à pied d’œuvre, l’outil principal reste la tronçonneuse. (Photo : NIFC)

Aujourd’hui encore, c’est un travail qui demeure extrêmement exigeant. La mission fait appel à des efforts physiques exceptionnels, car les parachutistes opèrent souvent en altitude, dans le relief et les forêts les plus denses, en totale autonomie pendant plusieurs jours. C’est aussi une mission risquée. Depuis la seconde guerre mondiale, une trentaine de Smoke Jumpers ont payé de leur vie leur engagement.

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Une équipe de Smokejumpers du Forest Service s’apprête à partir pour une mission d’entraînement depuis Missoula, dans le Montana, avec un Short 330. (Photo : NIFC)

Aujourd’hui, environ 270 Smoke Jumpers sont actifs entre juin et octobre dans l’ouest des USA et en Alaska. Ils opèrent pour le Forest Service ou pour le Bureau of Land Management (BLM) en fonction des secteurs.

Parmi les premiers appareils utilisés pour acheminer des pompiers par la voie des airs, figurent des trimoteurs Ford. Deux d’entre-eux, le 4-AT-55 N9612 et le 4-AT-69 N8407 ont aussi été utilisés comme bombardiers d’eau au milieu des années 50. Ces appareils ont continué à parachuter des Smoke Jumpers jusqu’en 1972. Aujourd’hui, ils sont encore en état de vol, les deux seuls de leur espèce a avoir été conservés ainsi, et ils le doivent à cette immense carrière aux côtés des pompiers.

Trimoteur (C. Defever)

Appartenant désormais à l’EAA, le Ford Trimotor N8407 est désormais une des très grandes vedettes d’Oshkosh. Il fut un des premiers bombardiers d’eau de l’histoire et a été un avion très apprécié par les Smoke Jumpers. (Photo : C. Defever)

Pour acheminer ces parachutistes de l’extrême et leur matériel, la flotte des avions utilisés a été très variée et nombreuse. Parmi les appareils les plus marquants on trouve les Beech 18 ou les Lockheed Lodestar mais bien d’autres appareils ont été utilisés.

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Expérimentation en 1939 sur la forêt de Chelan dans l’État de Washington avec un Stinson Reliant. (Photo : USDA Forest Service)

Aujourd’hui, cette mission est dévolue à une flotte d’une vingtaine d’appareils, indicatif radio « Jump », constituée de 6 DHC Twin Otter, 3 Dornier Do 228, 3 Casa 212, 4 Sherpa ex-C-23 de l’armée américaine, et un DC-3T/BT-67A.

Ce dernier est le N115Z, un appareil construit en tant que Dakota IV pour la RAF en 1945 puis il est utilisé par l’USAF jusqu’en 1964 où il intègre la flotte de l’US Forest Service. Il est converti par Basler en BT-67A en 1991. Il est prévu qu’il prenne sa retraite cette année bien que de nombreuses voix se soient élevées pour contester cette décision car l’appareil continue de rendre des services inestimables.

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Avion emblématique, ce C-47 de l’USFS a été utilisé de 1970 à 2012. Son « sister-ship » N115Z « Jump 15 » doit être retiré du service sous peu. (photo : USFS)

Le Forest Service a utilisé un autre C-47, le N142Z, un C-47A-90DL (43-16028 pour les USAAF) construit en 1943 qui a participé aux opérations en 1944 en Belgique. Acheté par l’US Forest Service en 1970, il a été turbinisé par Basler en 1991. Retiré du service en 2012, il a été revendu ensuite à une compagnie aérienne canadienne.

Ailleurs

Les troupes aéroportées trouvent leur intérêt dans les très grands espaces inhabités, là où seuls les avions ont la distance franchissable et la vitesse nécessaire pour acheminer les équipes dans des zones où il n’est pas possible de se poser, même sur des pistes improvisées. Le saut en parachute est donc là le seul moyen d’accès.

En France, l’accessibilité des forêts est telle que le recours aux opérations aéroportées n’est pas systématique. Cependant, des équipes peuvent être acheminées au plus près des sinistres mais étant donné les distances impliquées, l’usage de la dépose en hélicoptère est la règle. Certains départements ont poussé l’expérience jusqu’à avoir des unités constituées comme le Var entre 1965 et 1970 où des commandos aéroportés utilisaient les hélicoptères de la Marine Nationale et parfois même ceux de l’armée de l’Air.

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Insigne des commandos-aéroportés du Var (1965-1970)

Aujourd’hui, des équipes héliportées existent au sein de la Sécurité Civile et chez les sapeurs-pompiers de certains départements comme l’Hérault.

L’utilisation d’hélicoptères pour acheminer des équipes de lutte contre les feux de forêt est finalement assez fréquent dans de nombreux pays, en Europe, en Asie comme dans les autres pays du continent américain grâce aux différentes techniques de dépose et d’exfiltration permises par la souplesse d’emploi des voilures tournantes.

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Démonstration de la dépose d’une équipe de pompiers spécialisés Croates à partir d’un hélicoptère de l’aviation militaire. La technique de descente à l’aide d’une corde lisse est typique des opérations commandos.

Moyens de la dernière chance ou goutte d’eau dans l’océan, les Smoke Jumpers et les commandos forestiers russes ont pourtant démontrés que bien positionnés, ils pouvaient limiter sérieusement les dégâts. Sur le plan purement aéronautique, c’est l’extrême variété des appareils utilisés qui marque, avec la présence de quelques bêtes de somme incontournables et légendaires. L’attachement des Smoke Jumpers à leurs DC-3 et l’omniprésence des très rustiques Antonov 2 en est une preuve absolue. Mais les qualités du vecteur n’influent que peu sur l’efficacité de la lutte contre les flammes, les hommes sont là au cœur du concept opérationnel.

A l’instar du retardant ou de l’eau qui constituent l’arme du bombardier d’eau, le pompier commando-parachutiste russe ou américain est l’arme de ces avions de transport au cœur du combat contre les feux en milieu naturel. A ce titre, ils méritaient d’être cités ici.

(à suivre)

« Thor » ne va bientôt plus être seul Down Under (MàJ 24 octobre)

Comme annoncé, l’Australie va recevoir d’ici peu un renfort de taille pour affronter les feux de l’été à venir. Après l’arrivée du Tanker 132 de Coulson Flying Tankers, c’est le DC-10 Tanker 910 N612AX qui est attendu après un convoyage au-dessus du Pacifique, ce qui, pour un ancien long courrier, ne devrait être qu’une simple formalité.

L’appareil a décollé d’Albuquerque il y a quelques minutes.

Tanker 910 en direction de l'Australie

Le N612AX est le nouveau Tanker 910 et a été baptisé « Southern Belle ». L’an dernier, 10 Tanker a procédé au retrait de service de son premier appareil, un DC-10-10 arrivé au bout de son potentiel. Pour des raisons purement marketing, le DC-10-30 qui a pris sa succession a repris également son numéro de Tanker. Mais ce n’est pas une usurpation puisque la soute de 45 000 litres du premier Tanker 910 a été installée sur le second. Une forme de passation de pouvoir.

D’ici quelques jours, la Province de Nouvelle Galles du Sud pourra donc disposer de deux avions lourds aux capacités importantes, une expérience qui pourra sans doute finir de convaincre les autorités australienne de l’importance de ce type de moyens d’intervention.

Début décembre, désormais libre de son contrat avec l’US Forest Service, le C-130 Tanker 131 de Coulson, muni d’une nouvelle soute RADS-XXL de 4400 US gal, viendra les rejoindre. Rarement, les forêts australiennes, et la population de l’île-continent, auront bénéficié d’une telle protection !

« Hercules 82 », 6 septembre 2000

15 ans aujourd’hui.

Ce matin-là, pour ce qui devait être un de ses derniers vols de la saison, le C-130A N116TG de la compagnie américaine T&G et loué par la Sécurité Civile française pour ses capacités de lutte anti-incendies avait décollé de Marseille très tôt pour attaquer un feu dans l’Ardèche.

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Le N116TG à Marseille. (Photo : C. Soriano)

 Après avoir complété sa cargaison de retardant à Aubenas, l’appareil s’est présenté une seconde fois sur l’emplacement du sinistre et s’est écrasé dans le relief. Par miracle, deux des quatre membres d’équipages, le commandant de bord Ted Hobart et le mécanicien Ted Meyer, bien que très grièvement blessés, survécurent. Le co-pilote français, Paul Trinqué, et  le Flight Engineer Joe Williams n’eurent pas cette chance.

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Paul « Pollux » Trinqué. (Photo : collection J. Laval)

Joe Williams

Joe Williams (Photo : Collection J. Laval)

Ce drame mit un point final à l’histoire des C-130 de la Sécurité Civile.

Le rapport d’accident, un des plus indigents qu’il m’a été donné de lire, a été rendu public et diffusé sur le site du BEA au début des années 2010, plus de 10 ans après le drame.

Dans l’entrée de la base de la Sécurité Civile à Marignane, la plaque commémorant les aviateurs tombés dans l’exercice de leur difficile devoir ne permet pas de savoir qu’il s’est passé un drame à Burzet, le 6 septembre 2000. Un oubli cruel. Les noms des deux victimes apparaissent heureusement sur le long mémorial à l’entrée de l’École d’Application de Sécurité Civile à Valabre, entre Marseille et Aix en Provence.

Valabres

Sur place, à Burzet, une plaque commémorative a été également apposée sur un mur de la caserne des pompiers. En remerciement pour le miracle qui a épargné deux aviateurs américains et en souvenir des deux victimes, une maquette du C-130 N116TG a été offerte par le meilleur ami de Paul Trinqué, lui aussi pilote de C-130A Tanker à l’époque, à la paroisse de Notre Dame de la Garde à Marseille où elle doit être normalement visible.

15 ans après le drame, n’oublions pas.

CFPA Newsletter July 2015

Deuxième newsletter du California Fire Pilots Association pour cette saison, disponible sur le site du CFPA.NL July 800 pix

Quelques news internationales, la suite et la fin de l’histoire des P-3 Orion Airtankers, et les « gardiens » des forêts autour de la base de Columbia.

Fichier en pdf à télécharger ici (environ 9 Mo)

Bonne lecture et à dans un mois pour le troisième numéro.

« Thor » is Down Under

Le deuxième Hercules de Coulson Flying Tankers, en fait un L382G ou L-100-30, la version civile du C-130H-30, est arrivé la semaine dernière en Australie pour un contrat saisonnier avec la province de la Nouvelle Galles du Sud et basé à RAAF Richmond. Il est aujourd’hui le premier, et donc le seul, avion de cette version a avoir été converti en appareil de lutte anti-incendie. Le choix d’une version civilisée du C-130 s’explique par la nécessité, désormais, de disposer d’avions certifiés pour certains contrats.

'Thor', a C-130 Hercules contracted to the NSW Government to assist in fighting bushfires, on the hard stand at RAAF Base Richmond. *** Local Caption *** RAAF Base Richmond will be used to provide airfield support services to Large Air Tanker and Very Large Air Tanker aircraft contracted to the New South Wales (NSW) Government from 01 September 2015 to 20 January 2015, assisting with NSW Rural Fire Service (RFS) efforts to combat bushfires. Defence is providing a number of services including aircraft parking and security, access to fuel and refuelling facilities, equipment storage, use of resources including water, aircrew office space, and meals and accommodation for up to 20 people, as required. Facilitating the aircraft at RAAF Base Richmond is intended to maximise aircraft utility and provide access to all areas of NSW in the event of a bushfire emergency. State and Territory Governments have primary responsibility for the protection of life, property and the environment, and for coordinating and planning an emergency response or recovery within their jurisdictions. Ground-based and aerial bush fire fighting is a highly specialised field that requires equipment and training that, in general, Defence does not possess. RAAF Base Richmond will be used to provide airfield support services to Large Air Tanker and Very Large Air Tanker aircraft contracted to the New South Wales (NSW) Government from 01 September 2015 to 20 January 2016, assisting with NSW Rural Fire Service (RFS) efforts to combat bushfires. Defence is providing a number of services including aircraft parking and security, access to fuel and refuelling facilities, equipment storage, use of resources including water, aircrew office space, and meals and accommodation for up to 20 people, as required. Facilitating the aircraft at RAAF Base Richmond is intended to maximise aircraft utility and provide access to all areas of NSW in the event of a bushfire emergency.

Le nouveau Tanker lourd de Coulson, le L382G N405 LC « Thor » à son arrivée en Australie. (RAAF)

Le N405LC « Tanker 132 », MSN 5025, et portant le nom de baptême « Thor » embarque une soute à débit constant RADS-XXL lui permettant de larguer 4400 gallons US de retardant soit un tout petit peu plus de de 16 000 litres.

'Thor', a C-130 Hercules contracted to the NSW Government to assist in fighting bushfires dispenses water during a demonstration over the Rickaby's drop zone near RAAF Base Richmond. *** Local Caption *** RAAF Base Richmond will be used to provide airfield support services to Large Air Tanker and Very Large Air Tanker aircraft contracted to the New South Wales (NSW) Government from 01 September 2015 to 20 January 2015, assisting with NSW Rural Fire Service (RFS) efforts to combat bushfires. Defence is providing a number of services including aircraft parking and security, access to fuel and refuelling facilities, equipment storage, use of resources including water, aircrew office space, and meals and accommodation for up to 20 people, as required. Facilitating the aircraft at RAAF Base Richmond is intended to maximise aircraft utility and provide access to all areas of NSW in the event of a bushfire emergency. State and Territory Governments have primary responsibility for the protection of life, property and the environment, and for coordinating and planning an emergency response or recovery within their jurisdictions. Ground-based and aerial bush fire fighting is a highly specialised field that requires equipment and training that, in general, Defence does not possess. RAAF Base Richmond will be used to provide airfield support services to Large Air Tanker and Very Large Air Tanker aircraft contracted to the New South Wales (NSW) Government from 01 September 2015 to 20 January 2016, assisting with NSW Rural Fire Service (RFS) efforts to combat bushfires. Defence is providing a number of services including aircraft parking and security, access to fuel and refuelling facilities, equipment storage, use of resources including water, aircrew office space, and meals and accommodation for up to 20 people, as required. Facilitating the aircraft at RAAF Base Richmond is intended to maximise aircraft utility and provide access to all areas of NSW in the event of a bushfire emergency.

Dès son arrivée en Australie « Thor » a procédé à quelques largages d’entraînement avant d’entrer réellement en service rapidement. (RAAF)

Il s’agit du premier contrat et de l’entrée en service du deuxième Tanker NextGen de Coulson Flying Tankers puisque cet appareil a été acheté l’an passé auprès de Lynden Air Cargo et modifié dans la foulée. Cet été, l’appareil a été préparé pour son entrée en service qui se fera donc rapidement dans l’hémisphère sud.

L’autre Hercules de Coulson, l’ex-EC-130Q désormais connu sous le callsign Tanker 131 N130FF, qui avait effectivement passé l’hiver dernier en Australie, pour le compte de la Province de Victoria, en compagnie du RJ-85 Tanker 162 d’Aero Flite, a été engagé cet été en Oregon et dans l’État de Washington où de très important incendies ont nécessité l’engagement de moyens importants.

PC (PHOS-CHEK) Australasia personnel prepare to load the PHOS-CHEK fire retardant into the C-130Q Hercules - Air Tanker on the RAAF Base Edinburgh flight line. *** Local Caption *** The ADF has provided logistic support to SA Country Fire Service-contracted firefighting aircraft at RAAF Base Edinburgh following the outbreak of devastating bushfires. The firefighting aircraft included a C-130Q Hercules - Air Tanker, an Avro RJ-85 - Air Tanker and a Gulfstream Aero Commander AC690 - Air Attack aircraft. The task, which commenced on from Sunday, January 4th 2015, followed a formal request facilitated by Emergency Management Australia (EMA), which manages and coordinates national support provided to the States and Territories.

Au cours de l’hiver 2014-2015, le Tanker 131 et le Tanker 162 (au deuxième plan) ont opéré ensemble sur le territoire australien. Une opération réussie qui se poursuit aujourd’hui avec le tout nouveau Tanker 132 encore plus puissant. (RAAF)

Pendant de très nombreuses années, les moyens aériens de l’île-continent, on reposé essentiellement sur une flotte disparate de monomoteurs agricoles et de quelques hélicoptères lourds – Coulson Aviation Australia opérant notamment des S-61N dans ce cadre. Une grande variété d’appareils, de très nombreux opérateurs, ont été évalués mais n’ont jamais donné satisfaction aux dirigeants australiens, du CL-415 au DC-10. Cette situation déboucha sur le « Black Saturday » du 7 février 2009 où de très nombreux feux de brousse éclatèrent dans la Province de Victoria et ne purent être combattus avec efficacité. 173 personnes perdirent la vie, dont une centaine pour le seul feu de Klinglake au nord de Melbourne. On peut supposer qu’une flotte cohérente de tankers lourds aurait permis de réduire un peu ce bilan effroyable.

'Thor', a C-130 Hercules contracted to the NSW Government to assist in fighting bushfires, on the hard stand at RAAF Base Richmond. *** Local Caption *** RAAF Base Richmond will be used to provide airfield support services to Large Air Tanker and Very Large Air Tanker aircraft contracted to the New South Wales (NSW) Government from 01 September 2015 to 20 January 2015, assisting with NSW Rural Fire Service (RFS) efforts to combat bushfires. Defence is providing a number of services including aircraft parking and security, access to fuel and refuelling facilities, equipment storage, use of resources including water, aircrew office space, and meals and accommodation for up to 20 people, as required. Facilitating the aircraft at RAAF Base Richmond is intended to maximise aircraft utility and provide access to all areas of NSW in the event of a bushfire emergency. State and Territory Governments have primary responsibility for the protection of life, property and the environment, and for coordinating and planning an emergency response or recovery within their jurisdictions. Ground-based and aerial bush fire fighting is a highly specialised field that requires equipment and training that, in general, Defence does not possess. RAAF Base Richmond will be used to provide airfield support services to Large Air Tanker and Very Large Air Tanker aircraft contracted to the New South Wales (NSW) Government from 01 September 2015 to 20 January 2016, assisting with NSW Rural Fire Service (RFS) efforts to combat bushfires. Defence is providing a number of services including aircraft parking and security, access to fuel and refuelling facilities, equipment storage, use of resources including water, aircrew office space, and meals and accommodation for up to 20 people, as required. Facilitating the aircraft at RAAF Base Richmond is intended to maximise aircraft utility and provide access to all areas of NSW in the event of a bushfire emergency.

Après avoir longtemps douté de l’efficacité des avions lourds, l’Australie commence à faire évoluer sa doctrine. Le drame du « Samedi Noir » de février 2009 n’y est clairement pas pour rien. (RAAF)

Jusque-là, et certains rapports parlementaires australiens s’en faisaient ouvertement l’écho, pour de nombreux décideurs, l’efficacité des avions bombardiers lourds « reposait sur des idées reçues et relevait du mythe ». Les évènements de l’hiver 2009 ont entraîné une prise de conscience qui se traduit aujourd’hui par la location, encore timide, d’avions aux capacités importantes comme le C-130.

Le choix, et la confirmation, du C-130 en Australie est aussi un point qui mérite d’être noté car l’histoire des Hercules spécialisés dans la lutte anti-incendies est déjà longue, passablement compliquée et marquée par une éclipse de près d’une décennie. C’est Coulson qui a relancé le processus avec la mise en service, l’an dernier, du Tanker 131, choix confirmé depuis par l’US Forest Service qui se dote actuellement de C-130 hérités de l’US Coast Guard.

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L’histoire complète des C-130 de lutte anti-incendies a fait l’objet d’un important article dans Le Fana de l’Aviation n°513 d’Août 2012.

Update : Le Tanker 132 devrait être rejoint par un DC-10 au mois d’octobre. A suivre !

Les systèmes d’armes des bombardiers d’eau

Puisqu’on parle souvent de la « guerre » des feux en parlant du combat mené par pompiers contre les incendies en milieu naturel – puisque les forêts ne sont pas les seules touchées et qu’on trouve tout aussi bien des feux de brousse que de prairies – et que l’aviation procure l’appui aérien indispensable et souvent décisif aux actions menées par les « fantassins-pompiers », peut-être n’est-il pas inutile d’évoquer les différents « systèmes d’armes » qu’on retrouve sous les appareils en charge de ces missions.

Outre le produit utilisé, eau pure, eau additionné de produit mouillant ou moussant, retardant ou gel et la quantité embarquée qui constituent l’arme et qui jouent de façon importante sur l’efficacité de l’opération, la façon dont cette charge est amenée jusqu’au sol peut influer jusqu’aux tactiques utilisables.

Les  S2T Tracker du Cal Fire disposent d’une soute interne de 4400 litres et d’un système de largage « constant-flow ». Ils sont donc parfaitement taillés pour leur mission d’attaque initiale. (photo : Wes Schultz/Cal Fire)

Celles-ci reposent d’ailleurs sur trois méthodes principales : l’attaque directe sur les flammes pour les souffler et les éteindre, l’attaque semi-directe avec une partie de la charge sur le front de flamme et l’autre en amont du feu, et le largage indirect qui correspond à la pose de barrières de retardant en avant ou sur les flancs du feu à combattre. Un bon système de largage doit donc répondre au mieux à au moins un de ces principes, sinon les trois.

Soute dite « conventionnelle » à gravité et largage par portes.

C’est le principe de fonctionnement le plus évident. La soute est compartimentée et le contenu de chaque compartiment est largué par l’ouverture d’une porte. L’appareil porteur, autrement dit le vecteur, peut donc effectuer autant de largages partiels qu’il y a de couples compartiments/portes et peut également procéder à un largage important en ouvrant tout simultanément.

Sur un système à quatre portes, on peut donc avoir des largages 1;2;3;4, ou bien 1+2+3+4, 1+2;3+4 ou 1+3;2+4 si le système le permet. Dans le premier cas, le largage est massif, dans le second, l’empreinte au sol est plus longue, ce qui offre une certaine polyvalence au système, les autres combinaisons représentent des possibilités intermédiaires souvent utiles. Imaginez aussi les possibilités offertes par les 22 portes du Martin Hawaï Mars !

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Ce CL-415 de la Sécurité Civile française utilise les deux portes tribord pour ce largage demie-charge. Jusqu’à 3000 litres peuvent être ainsi déversés.

En général la fiabilité est très correcte et l’efficacité avérée pour les largages directs et semi-directs. L’utilisation d’une soute conventionnelle pour les largages indirects est tout à fait possible avec une efficacité convenable.

Ce système est celui qui a été adopté par les amphibies à coque (Canadair CL-215, CL-415, Beriev 200 et donc, le Martin Mars). On le retrouve aussi sur un certain nombre de Tankers, comme les P2V Neptune, Conair Tracker et Douglas DC-7 aujourd’hui en service. De nombreux kits pour Hélicoptères Bombardiers d’Eau (HBE) fonctionnent également sur ce principe.

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Détail des quatre portes de la soute d’un S2FT Tracker Firecat modifié par Conair pour la Sécurité Civile française.

Largage par gravité, système à portes « constant flow » à débit constant.

Mises au point par la compagnie américaine Aero Union à la fin des années 80 pour équiper ses SP-2H Firestar, les soutes à débit constant ont été commercialisées sous la désignation RADS pour Retardant Aerial Delivery System (système de largage aérien de retardant) pour les C-130A des compagnies TBM, Butler et T&G. Ce principe a ensuite fait école et a été produit par plusieurs autres opérateurs.

Son fonctionnement est proche de celui de la soute à gravité classique à la différence que si la soute est également compartimentée ce n’est plus que pour éviter les mouvements de la charge et son influence sur le centrage de l’avion. Le « constant flow » ne comporte alors que deux portes qui régulent le flux du largage. Pour le pilote, le mode opératoire est, du coup, légèrement différent.

Plutôt que de régler le nombre de compartiments à vider lors de la passe, le pilote d’un « constant flow » utilise deux boutons pour prérégler la quantité globale de liquide à larguer et la concentration de produit qu’il veut obtenir au sol ce qui, passé au crible du calculateur embarqué, donne un temps et une ampleur d’ouverture des portes.

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Détail des portes de la soute « constant flow » d’un Q400MR Fireguard de la Sécurité Civile française.

Le « constant flow » est, selon les spécialistes, le système le plus fiable et le plus efficace aujourd’hui en service. Il est simple et surtout extrêmement polyvalent. Il permet des frappes massives efficaces en attaque directe ou indirecte en choisissant la quantité voulue et une densité maximale. Il autorise aussi la pose de barrières de retardant adaptées à la situation en choisissant une densité de largage (coverage level) basse pour les feux de plaines ou de prairie, moyenne pour les arbustes et les maquis ou plus haute lorsqu’il s’agit de traiter une forêt, une pinède ou tout autre végétation fournie.

Largages

L’observation d’un largage permet de déceler le système utilisé : à gauche, un système conventionnel à portes, le liquide largué prenant une forme de nuage, à droite un « constant flow » avec un largage régulé très rectiligne au départ.

De nombreux appareils sont aujourd’hui dotés d’un « constant flow », selon différentes configurations, fixes, mobiles, en pod, totalement ou partiellement intégré au fuselage. En fonction de ce choix, il est tout à fait possible de conserver les capacités multirôles des appareils concernés comme c’est le cas pour les C-130 de Coulson Flying Tankers, les Dash 8 Q400MR de la Sécurité Civile ou les hélicoptères lourds AirCrane puisque leurs systèmes anti-incendies sont amovibles. Les DC-10 de la société 10 Tanker, les MD-87 d’Erickson Air Tankers, les Lockheed Electra d’Air Spray, les Convair 580 et RJ85 de Conair ainsi que les Tracker S-2T du Cal Fire sont également équipés de ce système. Les Air Tractor, AT-802F et Fire Boss disposent, quant à eux, d’un système équivalent  baptisé FRDS (Fire Retardant Dispersal System).  C’est aussi un système à débit constant qui est prévu pour l’éventuelle version bombardier d’eau du ShinMeiwa japonais.

Le Tanker 131 de Coulson, qui a signé le grand retour du Hercules dans ce domaine,  dispose d’une soute « constant flow » RADS-XL de 15 000 litres. (Photo : Coulson Flying Tankers)

Le largage sous pression.

Mis au point par FMC Corporation dans les années 70 pour les plateformes MAFFS (Modular Airborne Fire Fighting System ; Système modulaire aéroporté de lutte contre les feux) construites ensuite par Aero Union, il est dérivé d’un système imaginé pour l’application de défoliant par avions dans le cadre des missions de déforestation de la guerre du Vietnam, l’opération Ranch Hand. Le fonctionnement du MAFFS consiste à mettre sous pression le liquide à bord de l’avion, pour le déverser ensuite plus rapidement et augmenter ainsi la densité du produit au sol. Ce mode opératoire était en fait dicté par le cahier des charges initial qui stipulait que l’avion porteur ne devait pas être modifié pour pouvoir emporter le système de réservoirs. Le largage ne pouvait donc s’effectuer que par la rampe arrière ouverte ou par les portes latérales ouvrables en vol, ce qui était le cas avec le prototype. La mise sous pression devait permettre d’avoir un débit supérieur à celui d’un simple déversement et une meilleure densité du produit au sol.

Plateforme MAFFS à poste et ses deux buses en position de largage, ce C-130 de l’USAF est prêt à décoller pour une nouvelle mission de lutte contre les incendies. (Photo : USAF)

Sur le MAFFS 1, la compression se fait au sol en même temps que le remplissage du retardant tandis que sur le MAFFS 2, apparu à la fin des années 2000, la mise sous pression de la charge peut se faire en vol.

La buse latérale du MAFFS 2 est particulièrement visible sur cette photo d’un C-130H de l’AFRes au cours d’une mission d’entraînement dans l’Arizona dans le cadre de la certification du système en 2009. (Photo : Tech. Sgt. Alex Koenig/USAF)

Le largage pressurisé est donc utilisé sur les plateformes mobiles MAFFS 1 (deux buses) et 2 (une buse latérale) embarquées notamment sur C-130 mais on le retrouve aussi en installation fixe sur le Boeing 747 Supertanker d’Evergreen (4 buses en arrière de l’aile) .

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Les quatre buses de largage du  SuperTanker d’Evergreen.

Ce principe se heurte à plusieurs obstacles majeurs : le temps nécessaire pour appliquer la montée en pression de l’ensemble du système et le faible diamètre des buses qui rend ce genre de largage assez étroit, ce qui en réduit l’efficacité en attaque indirecte. S’ajoute à ceci la difficulté du largage d’urgence sur la plupart des systèmes. D’autre part, en raison des principes d’écoulement, la taux de couverture du produit au sol demeure clairement en deçà des largages par gravité, et l’absence d’effet de souffle rend son utilisation pour les largages directs et semi-directs assez discutable d’où un usage au retardant largement privilégié.

Sur un principe analogue, l’hélicoptère lourd Erickson AirCrane peut-être parfois équipé d’une lance à eau directement reliée à sa soute RADS de 9000 litres lui ouvrant la possibilité d’une action de grande précision.

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La lance à eau constitue un autre façon d’utiliser les 9000 litres de la soute RADS de l’AirCrane (Erickson AirCrane)

Utilisable en feux de forêts mais aussi pour des feux urbains ou industriels, ce système n’est cependant que rarement vu monté sur ces engins. Kaman a aussi annoncé que son hélicoptère grue KMax, également engagé contre les feux avec un Bambi-Bucket (voir plus bas) ou un kit de largage spécifique, pourrait être équipé d’un système similaire.

Dans un esprit proche de celui des MAFFS on trouve le largage par gravité par déversement qui a les inconvénients du largage pressurisé mais avec une plus grande simplicité d’emploi. Peu répandu, le principe se retrouve encore aujourd’hui sur les rampes VAP-2 utilisées à bord des Iliouchine IL-76 d’Emercom (45 tonnes d’emport). Il a été aussi utilisé sur les Transall, grâce à une plateforme conçue par MBB, en Allemagne mais surtout en Indonésie.

Illiouchine IL-76 d’Emercom doté d’une rampe VAP-2 au cours de l’exercice Bogorodsk 2002 à Noginsk en Russie. (photo : OTAN)

Les réservoirs sous élingue sont peut-être les systèmes les plus courants, en particulier ceux commercialisés sous la marque « Bambi Bucket », mais il sont spécifiques aux hélicoptères. Le principe est analogue à celui d’une soute conventionnelle à gravité à porte. On trouve différents modèles allant de 300 jusqu’à 20 000 litres, ces derniers étant spécifiques à l’hélicoptère lourd russe Mil Mi 26. Simple et pratique à utiliser, le « Bambi » offre cependant une prise au vent importante qui peut s’avérer pénalisante. Il possède une certaine polyvalence, mais variable en fonction de ce que peut soulever le vecteur. Ces qualités ajoutées à son coût raisonnable et à une grande simplicité de mise en œuvre  en expliquent l’extrême popularité dans le monde entier.

Le Bambi-Bucket et les autres systèmes sous élingue permettent aux hélicoptères d’ajouter facilement la mission de lutte anti-incendie à l’ensemble de leurs autres fonctions.

D’autres systèmes ont été imaginés. Parmi les plus anciens se trouve le réservoir rotatif. De forme tubulaire il est généralement situé sur le dessus du flotteur de l’hydravion.

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Le CF-OBS, premier Beaver de série, a servi jusqu’en 1967 avec ses réservoirs rotatifs. Il est aujourd’hui préservé en parfait état au Canadian Bushplane Heritage Center à Sault Ste Marie dans l’Ontario. (Photo : CBHC)

Sa partie centrale pivote pour libérer son ouverture qui permet ainsi le déversement par les côté de la charge écopée. De contenance relativement faible, ce système archaïque n’est plus en service actuellement, mais il a fait les beau jours des DHC-2 Beaver et DHC-3 Otter pendant des années au Canada.

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Un des deux réservoirs rotatifs du CF-OBS au Musée de Sault Ste Marie. Le système d’alimentation est aussi d’une simplicité extrême. (Photo Damien Defever)

D’autres procédés abracadrabrantesques ont été parfois imaginés comme cet arrosoir géant qui a fait l’objet d’un dépôt de brevet aux USA dans les années 20. On s’étonne qu’il n’ait jamais été produit en série.

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Ou pas !

S’inspirant des pionniers des années 20 qui larguèrent des sacs plein d’eau sur des feux, sans grande réussite, des industriels ont récemment relancé le largage conditionné.

Le PCADS pour Precision Container Aerial Delivery System, commercialisé également sous la désignation de Caylym Guardian, est composé de boites en carton pouvant emporter chacune jusqu’à 1000 litres d’eau ou de retardant. Elles peuvent être larguées ensuite depuis la soute d’un avion cargo militaire standard disposant d’une rampe ouvrable en vol comme les C-130, C-27, Antonov, C-17 ou Airbus A400M par exemple.

Ce système a plusieurs inconvénients majeurs : il permet difficilement d’établir une barrière de retardant homogène. On peut aussi lui reprocher d’apporter du combustible au sinistre, encore que quelques kg de carton restent une quantité négligeable en cas de feu important mais surtout, en cas d’échec de l’ouverture du système, de constituer un danger majeur pour les biens et personnes se trouvant sous sa trajectoire. La précision vantée du système devrait théoriquement lui offrir une certaine efficacité en largage direct, mais le peu d’expérience accumulée sur le terrain ne permet pas encore d’émettre un avis définitif sur le sujet.

Il doit compenser ces désavantages en permettant des largages à plus grande hauteur qu’avec des aéronefs spécialisés, et en étant un outil abordable pour des nations où le risque de feu est faible. Il ne nécessite effectivement aucune modification des avions cargo et, surtout, le coût relativement modique des cartons permet de les garder stockés et pliés dans un coin jusqu’à ce que le besoin de s’en servir survienne. Il sont ainsi clairement destinés à un usage très ponctuel. Le système Caylym Guardian est en service, et a été déjà utilisé, depuis les C-27J de l’aviation militaire roumaine.

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Largage d’essais du système PCADS par un C-130A. (Photo : Flexattack)

Dans ce même esprit, le Hydrop développé par la société Elbit Systems est une variation du principe du largage conditionné. Il est, cette fois, constitué de sachets en matière biodégradable de 200 ml, une taille calculée pour être un compromis entre sa masse, son aspect pratique et son éventuelle dangerosité pour les biens et personnels au sol. Il peut être embarqué dans n’importe quel système de largage et utilisé aussi bien par les avions que les hélicos. Il nécessite cependant une machine spécifique pour le conditionnement des sachets avec de l’eau, du gel ou du retardant ce qui  ce qui ajoute une contrainte et un coût non négligeable à son utilisation.

Son avantage principal est de pouvoir être largué plus haut tout en garantissant une bonne répartition du produit au sol. L’industriel explique donc que son produit est parfaitement adapté pour des largages nocturnes, ouvrant ainsi des perspectives opérationnelles intéressantes. Cependant, si des démonstrations ont été effectuées en 2014, notamment depuis un S-61 de la compagnie Croman doté d’une soute spécifique, elles ne semblent pas avoir été suivies d’applications opérationnelles pour le moment.

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Largage d’une charge Hydrop d’Elbit Systems depuis un S-61 de Croman à Sacramento en mars 2014.

Si, souvent, les appréciations envers les appareils de lutte contre les feux de forêts se limitent à un débat entre la vitesse, la maniabilité supposée des aéronefs concernés et surtout la quantité embarquée, la nature de la charge et le système utilisé pour la délivrer sont également des points essentiels bien souvent oubliés. Pourtant, la fiabilité et la polyvalence de certains systèmes constituent des arguments forts, touchant tout à la fois les domaines opérationnels et commerciaux et qui expliquent aussi la popularité indéniable de certains appareils.

En fait, pour reprendre une analogie militaire, les qualités du vecteur comptent autant que les qualités de l’arme et du système qui a permis de la délivrer, et quand les atouts des uns et des autres s’additionnent, ce sont les flammes qui en font les frais.

(Article mis à jour le 16 septembre 2015.)

English version here

Boeing 747 et DC-10 bombardiers « d’eau », au delà des clichés et des idées reçues.

L’annonce officielle de la possible renaissance du Boeing 747 SuperTanker aux USA la semaine dernière a, une nouvelle fois, déchaîné les passions sur les réseaux sociaux. Comme souvent, des commentateurs plus brillants les uns que les autres, sont venus expliquer doctement que ces avions  énormes, lourds, aux capacités superlatives, sont « clairement incapables d’accomplir les missions qui leurs sont confiées en toute sécurité. » Outre le caractère souvent outrancier de certaines de ces interventions, ces idées reçues et ces clichés sont clairement la conséquence du manque d’explications qui accompagnent les communiqués de presse et les vidéos les plus spectaculaires. Peut-être est-il temps d’analyser ces appareils extraordinaires, leur rôle exact, leurs capacités et leurs coûts ?

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Le Boeing 747-100 Supertanker d’Evergreen Tanker 979 lors de sa démonstration à Châteauroux le 16 juillet 2009.

Pour catégoriser les appareils de lutte anti-incendies capables d’emporter plus de 12 000 litres de retardant ou de produit extincteur, l’US Forest Service a adopté la dénomination VLAT, pour Very Large Air Tanker. Dans cette nouvelle catégorie, on retrouve essentiellement les trois DC-10 de la société 10 Tanker capable d’emporter 45 000 litres (charge ramenée depuis à 35 000 litres) et bien sûr le Boeing 747 et ses 75 000 litres si il est à nouveau admis en service actif.

Précisons que le DC-10, principal VLAT actuellement en service, opère sur feux aux USA depuis désormais 10 ans. Après avoir connu des contrats temporaires avec quelques États comme la Californie, puis des contrats fédéraux mais en renfort à la demande (Call When Needed), 10 Tanker a touché le Graal lorsqu’un contrat d’emploi exclusif pour 5 saisons a été signé il y a deux ans avec l’US Forest Service, concrétisant ainsi clairement que l’avion a désormais fait ses preuves au feu. Parmi les atouts du DC-10 figure son système de largage à débit constant, éprouvé, fiable, polyvalent et efficace.

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Démonstration du DC-10 Tanker 910 le 13 juin 2005 lors du Salon du Bourget.

La notion essentielle et principale qu’il faut bien prendre en  compte dès le départ, c’est qu’un VLAT n’a pas vocation à remplacer une noria d’amphibies ou d’hélicoptères bombardiers d’eau. C’est un outil à vocation stratégique qui est engagé sur des feux où sa capacité d’emport peut faire la différence. Pour cela, il emporte du retardant, un assemblage chimique, bien plus efficace que l’eau seule, qui étouffe les flammes lorsqu’il est largué directement et qui permet de retarder l’inflammation de la végétation en amont du front, et, point important, qui garde ses propriétés chimiques de protection pendant une durée assez longue.

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Le retardant, ça marche ! Sur ce feu de juillet 2015, les traces des largages des avions du Cal Fire sont clairement visibles et correspondent exactement aux limites de ce petit « incident » de 200 ha. (Photo Cal Fire)

Les avions chargés en retardant peuvent ainsi dresser de véritables barrières chimiques sur le chemin du feu et protéger des secteurs ou bloquer définitivement le sinistre. Le retardant est chargé au sol depuis une installation spécialisées, fixe ou mobile, sur un aérodrome. Il est évident que, par rapport à une noria d’amphibies bombardiers d’eau, la productivité des tankers est largement inférieure, mais d’une part, ils sont utilisables dans des zones où les plans d’eau écopables peuvent ne pas être nombreux ni accessibles – il y a des zones touchées par les feux dans des secteurs où il est plus facile de trouver une piste d’aviation qu’un lac – et, d’autre part, le retardant et ses propriétés ont une efficacité à plus long terme que l’eau, son emploi en est donc différent et surtout complémentaire. La comparaison de l’usage qui est fait de ces avions avec, en particulier, celui des amphibies est une erreur fondamentale et pourtant quasi systématique.

Lorsqu’un opérateur décide de se doter d’avions à grand volume de ce genre, il lui faut aussi établir un système de remplissage adapté. Pour les opérations au nord de la Californie, les VLAT utilisent principalement Sacramento McClellan. Cette base dispose d’installations de remplissages qui peuvent être utilisées autant par les VLAT que par les autres appareils en service.

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Le DC-10 Tanker 910 sur la zone de remplissage de l’aérodrome de McClellan à Sacramento, le 24 août 2012. Les installations ont depuis été améliorées. (Google Earth)

Trois points de remplissage standards sont utilisables et peuvent être monopolisés pour remplir un VLAT. Alors, un DC-10 ne nécessite seulement que 20 minutes pour être rempli. Ce système ne dérange pas trop le reste des opérations car si le « pélicandrome » de McClellan est occupé par un VLAT, les autres appareils ont à leur disposition les installations des aérodromes de Santa Rosa, Redding ou Chico à quelques minutes de vol, en fonction de l’emplacement du feu à traiter et du nombre d’avions à remplir. Même chose au sud  où les VLAT peuvent même être accueillis sur plusieurs aérodrome comme Victorville, San Bernardino ou Merced. Avec un remplissage en 20 minutes, un DC-10 peut donc espérer faire au mieux deux largages à l’heure et déverser jusqu’à 90 tonnes de retardant en un ou plusieurs largages…

A titre d’exemple, le 18 juillet 2017, le DC-10 Tanker 911 alors en opérations contre le Detwiler Fire en Californie a effectué 6 heures de vol et procédé à 9 largages et déversé 408 824 litres de retardant établissant le record pour la compagnie.

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La soute « constant flow » à retardant du Tanker 910 est divisée en trois parties remplissables simultanément.

Le Boeing 747 est un peu plus long à charger depuis les installations habituelles. Néanmoins, lors des opérations au Chili, au début de l’année 2017 les opérateurs ont tenté, le 28 janvier, le remplissage en utilisant un camion de pompier d’aérodrome Panther Ca5 en mode pompe. Avec une moyenne de 5800 litres à la minute, le Supertanker a été rempli en 13 minutes seulement ! Précisons seulement que ce remplissage a été fait à l’eau et non pas au retardant.

Mais la plus grande inquiétude exprimées par les différents intervenants concernait clairement le comportement de ces appareils à proximité du sol.

D’une manière générale, en ce qui concerne les bombardiers d’eau, la nécessité de maniabilité est inversement proportionnelle à la charge utile embarquée. Plus un avion emporte de produit extincteur, plus il peut se permettre de ne pas coller au sol pour conserver une efficacité raisonnable. Les qualités de son système de largage entrent aussi largement en ligne de compte. Le retardant s’accorde très bien d’être largué plus haut que l’eau pour une raison simple : le produit se disperse un peu plus et s’étale, couvrant ainsi une surface plus grande. Si le débit du système de largage est bien adapté, la densité du produit au sol peut lui permettre d’obtenir une plus grande efficacité et ainsi éviter la progression du sinistre. C’est ce qui explique que les appareils de lutte anti-incendie utilisés sur l’ensemble du continent américain donnent l’impression de larguer plus haut que leurs homologues européens. Il ne s’agit surtout pas de couardise ou d’incompétence mais bien au contraire de l’usage raisonné d’un matériel en tenant compte de ses spécificités. Par exemple, le système du Supertanker d’Evergreen a été créé dans l’espoir d’obtenir un largage efficace depuis 800 pieds alors que la hauteur habituelle tourne autour de 100.

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Suivi en temps réel, sur Flightradar24, de l’intervention du Tanker 911, en juillet 2015, contre un feu situé à mi-chemin entre Santa-Rosa et Sacramento. Les autres appareils apparaissant sur cette capture d’image sont impliqués également dans cette opération, le BAe 146 de Neptune Aviation, deux OV-10 du Cal Fire, un CH-47 civil et un hélico de news TV local. Les Tracker T85 et T88 sont aussi intervenus.

En ce qui concerne les VLAT, il s’agit d’un simple calcul : avec 45 tonnes de charge utile, en prenant en compte la déperdition inévitable liée à l’altitude en tête et en queue de largage, la quantité efficacement déversée se comptera de toute façon en dizaines de milliers de litres. Les appareils de plus petite contenance et travaillant à l’eau ne peuvent pas se permettre la moindre déperdition, d’où la nécessité de travailler bien plus près du sol et de ses dangers.

Bien sûr, comme toujours, en France, on estime que les reliefs de la Corse, de la Provence, ou même des Alpilles seraient un piège mortel pour ce genre d’appareil. Il ne faudrait pas non plus oublier que les reliefs du Colorado ou de Californie n’ont rien à envier à nos massifs en terme d’altitude, de pente, de surface et de vallées encaissées. Les altitudes de largage, les trajectoires d’approche seront forcément différentes, les zones à traiter aussi. Si le largage direct n’est pas possible, le retardant permet des largages indirects tout aussi efficaces. Et si les « lourds » sont en action, c’est bien que la situation est lourdement dégradée et qu’on n’est plus à un ou deux hectares près.

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Carte topographique de la Californie. Les feux ne se concentrent pas seulement dans la grande vallée centrale mais aussi dans les reliefs ce qui pose des problèmes pour tous les aéronefs.

D’autre part, les Tanker US, et les VLAT ne dérogent surtout pas à la règle, sont systématiquement engagés à la suite d’un Lead Plane, un avion plus léger et plus maniable qui demeure au-dessus du feu pour en suivre le développement et qui guide chaque Tanker au fur et à mesure de leurs arrivées. Ce mode d’action permet de maintenir une surveillance constance du feu et de ne pas perdre de temps à faire un passage d’observation avant le largage. C’est aussi un facteur contributif à la sécurité des vols.

Malgré leur taille imposante, les VLAT ne sont pas limités à certains secteurs et sont engagés là où le besoin s’en fait sentir, quelque soit le relief ou les conditions météo. Le travail du Lead Plane, en conjonction avec l’équipage du VLAT, va être de définir la trajectoire optimale pour l’intervention en fonction, principalement, de l’évolution du feu. C’est ainsi que les DC-10 ont pu être engagés dans les secteurs montagneux de Californie, de l’État de Washington et de bien d’autres endroits encore. Le relief n’est donc pas plus une contrainte pour l’emploi de ces avions qu’il ne l’est pour les autres aéronefs ; les équipages concernés ayant désormais une décennie d’expérience, ils savent s’adapter et comment procéder.

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Les VLAT, comme tous les tankers US, sont systématiquement engagés en compagnie d’un Lead Plane.  Ici, au cours d’un vol d’entraînement, un Beech King Air donne le signal du largage avec un fumigène à un DC-10. (10 Tanker)

Il demeure aussi la question du coût de ces avions, depuis leur achat, leur transformation et de leur coût d’utilisation, donc leur impact économique.

Aujourd’hui remplacé sur les lignes régulières et même sur les lignes cargo par des biréacteurs plus récents, le DC-10 est clairement en fin de carrière. Le cas du 747 est légèrement différent mais beaucoup de 747-400 ont déjà été retirés du service. C’est d’ailleurs le cas pour les Jumbo d’Air France ou ceux de Cathay Pacific.

C’est toujours à ce stade qu’un avion peut débuter une carrière de pompier du ciel ; du TBM Avenger au BAe 146, ceci se vérifie régulièrement depuis 50 ans, Boeing et Douglas n’ont pas dérogé à la règle. Leur prix sur le marché de l’occasion est donc en relation avec ce statut. Un Boeing 747-400F de 2003 avec environ 50 000 heures de vol au compteur est actuellement en vente à 22 millions de dollars. Un appareils plus ancien et plus utilisé pourra être négocié à un prix largement inférieur. Certaines sources évoquent des prix inférieurs à 10 millions USD pour les futurs VLAT de Tanker 10 et de GSS.

Plus que le coût d’acquisition, c’est la révision de l’avion, la grande visite indispensable et la transformation en Tanker qui vont être déterminants. Un coût d’une dizaine de millions de dollars est une estimation probable. Ainsi, il est facile de comprendre qu’un VLAT pourra être acquis et transformé pour un coût inférieur à celui d’un Bombardier 415 neuf (estimé à une trentaine de millions de dollars) ou celui des Q400MR acquis par la Sécurité Civile française au milieu des années 2000 pour environ 30 millions d’Euros l’unité.

Reste le coût d’exploitation. Là, c’est encore plus facile, les contrats de l’US Forest Service sont publics. Pour la saison 2015 (c’est à dire 150 jours et 250 heures de vol), le DC-10 Tanker 912 était payé 27 831 $ par jour plus 13 005 $ par heure de vol. A l’opérateur de financer ainsi l’entretien de sa machine et d’assurer le salaire de son équipage, le carburant et le retardant étant fournis par l’organisme fédéral.Ces tarifs sont réévalués et amendés avant chaque saison si bien qu’en 2016 les DC-10 sont loués 11 600 $ par jour. Le tarif de l’heure de vol, en sus, est passé à 28 378 $ pour l’avion dont le contrat a été négocié en 2013 et 35 000 $ pour celui qui a été loué à partir de 2015. L’heure de vol passait à 54 000 $ pour l’activation du troisième en renfort Call When Needed.

Juste avant que son exploitant ne disparaisse fin 2013, le SuperTanker d’Evergreen s’était vu notifié la promesse d’un contrat en Call When Needed de trois ans au tarif de 75 000 $ par jour d’activité plus 12 000 $ par heure de vol effectuée. Le système de financement de l’USFS étant assez opaque, ces tarifs ne présagent en rien ceux qui seront éventuellement proposés au nouveau Boeing 747-400 de Global SuperTanker Services.

La comparaison avec les coûts d’exploitation des avions français est plus complexe car les modes de calculs sont différents, mais un rapport d’audit officiel de 2006 donnait un coût à l’heure de vol de 15 000 €/heure de vol pour un CL-415 de la sécurité civile française. Une fois ôté l’amortissement, on peut estimer le coût brut à environ 10 000 €/heure pour ces avions. On peut clairement envisager que le coût à l’heure de vol d’un Q400MR soit assez proche de ce chiffre.

Prix heure de vol Canadair

Tableau du coût de la flotte Canadair française en 2006.

Le coût d’exploitation d’un VLAT, en particulier celui du DC-10, est donc beaucoup moins éloigné des coûts des avions plus conventionnels qu’on ne pourrait le croire au premier abord. Ces avions, bien qu’onéreux, ne sont donc pas aussi inabordables qu’on pourrait le penser. Cependant, les chiffres de l’USFS sont ceux d’un contrat de location à long terme. Pour un contrat de location ponctuel, il faut s’attendre à voir une facture nettement plus salée.

Est-ce que ces avions vont tenir le coup ? Sans doute. Un DC-10 a dans son patrimoine technique des éléments du génome Douglas, un gage de garantie de sérieux dans sa conception, même si sa jeunesse a été marquée par plusieurs drames qui ont clairement eu leur rôle dans le semi-échec commercial de cette brillante machine. Le Boeing 747, de son côté, a aussi une réputation de solidité et de fiabilité bien établie. Si sa production se poursuit encore plus de 45 ans après son premier vol, et même si les avions qui décollent d’Everett n’ont plus grand-chose à voir avec les rustiques 747-100 et 200 des années 70, cette seule longévité ne doit rien au hasard.

D’autre part, ces appareils ont été conçus pour voler intensivement.Il n’est pas rare de trouver des appareils des années 70 toujours en service avec autour de 100 000 heures de vol au compteur. Après ces années d’utilisation frénétique en ligne, une reconversion en pompier du ciel, à ce titre, c’est une retraite dorée. Comme on l’a vu plus haut, un contrat Forest Service, ne représente qu’une base de 250 heures de vol par an. Ce chiffre peut être amené à être dépassé en cas de saison intense, comme c’est effectivement le cas en cet été 2015, mais rare sont les Tankers à dépasser 500 heures par an aux USA. Il en est de même en France.

Ainsi, un DC-10 ou un 747 avec 20 000 heures de potentiel restant pourra rester quelques longues années en service. Ses visites périodiques seront plus rapprochées puisque ces heures de vol seront sans doute un peu plus fatigantes pour la cellules, mais rien qui ne soit au-delà de ses capacités, surtout si les compagnies exploitantes ont les moyens d’entretenir ces machines en suivant le manuel à la lettre.

Alors, pourquoi ne voit-on pas ces machines en France ? Pour une seule raison très simple. Si on regarde la base de donnée Promethee, depuis 1974, seuls une trentaine de feux ont dépassé 3000 ha dans le secteur méditerranéen français, aucun entre 2003 et 2015.

Feux 3000 ha depuis 1974 promethee

Les 31 plus gros feux dans le secteur Méditerranéen français depuis 1974. Source Prométhée.

Au moment où les pompiers français se battaient avec le plus gros feu de la saison à St Jean d’Illac, fin juillet, qui a brûlé 4 jours et dévoré environ 600 hectares les pompiers californiens avaient au choix le Lowell Incident (930 ha), le Wrag Incident (3400 ha) et le Willow Incident (2300 ha) comme le montre la carte publié ce jour-là par l’US Department of Agriculture dont dépend le Forest Service. A l’heure où ces lignes sont écrites (août 2015), rien qu’en Californie, 10 feux ont déjà dépassé 9000 ha, dont 9 sont encore actifs. Le Happy Camp Incident en est à 54 000 ha et le River complex a dépassé 20 000 ha. Seul le Rocky Fire est désormais éteint après 28 000 ha. Nous ne sommes plus du tout dans le même ordre d’idées, ni à la même échelle. Sur des sinistres de cette ampleur, un appareil capable de poser une barrière de retardant dense et large, longue de plusieurs dizaines de mètres peut être considéré comme indispensable, en complément, bien sûr, d’une flotte d’unités plus petites et plus nombreuses, donc moins sensibles aux éventuels problèmes de disponibilité, pour affiner le travail, comme Les Tracker et les HBE du Cal Fire, les appareils fédéraux et les renforts militaires. Tout ceci constitue une « boîte à outils » dont les planificateurs opérationnels peuvent disposer et dont les VLAT sont juste les plus gros éléments.

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Pouvoir tracer une ligne au retardant de plusieurs centaines de mètres d’un seul coup, ça peut avoir son intérêt. (Photo J. Laval)

La seule raison objective qui explique qu’il n’y a pas de VLAT en France et que la Sécurité Civile se désintéresse totalement du sujet, ce n’est ni le prix de ces appareils, ni leurs supposées lacunes opérationnelles, c’est juste qu’il y a pas de feux assez importants dans notre pays pour justifier leur utilisation. C’est un argument totalement imparable et c’est le seul. Et il est parfaitement justifié. Les surfaces brûlées annuellement démontrent années après années que l’association Tracker-Canadair-Dash fonctionne à merveille dans notre pays.

Faut-il pour autant s’interdire d’y faire appel en cas de situation dramatique puisque ces avions sont accessibles pour des contrats de location de courte durée ? Difficile à dire car quelle situation pourrait justifier l’emploi d’un tel engin ? Une saison comme celle de 2003 peut-être ? Il serait tout autant dommage de ne pas faire appel à ces avions en cas de besoin sur les seules bases des verdicts abrupts et définitifs comme « trop gros, trop cher, marchera pas ! » que d’y faire appel dans des situations où l’emploi de ces moyens très lourds ne se justifie pas.

Loin des idées reçues et des clichés véhiculés trop rapidement, les VLAT sont aujourd’hui des outils très appréciés lorsque les surfaces engagées deviennent importantes. Certes, ils ne seront jamais très nombreux, ils n’ont pas vocation à l’être, mais ils frappent les feux comme ils marquent les esprits. Il est donc important  de ne pas sombrer dans la caricature et dans les certitudes mal fondées.

 

 

Article mis à jour le 20 juillet 2017