« En v’là du chrome, en v’là, et c’est du beau croyez moi… » On était pas loin de chanter ça en redescendant du plateau de l’Ardenet, le visage empourpré d’avoir bien pris le soleil et les yeux encore marqués par la lumière très forte, et surtout magnifiquement reflétée par certains avions du plateau – mais nous y reviendrons – lors de ce premier jour du Temps des Hélices 2018.
Petit point météo pour débuter et pour ceux qui n’étaient pas là : les nuages, si présents l’an passé, ne sont pas venus du tout ! Et pour autant, la température extérieure n’avait rien de caniculaire, ce qui a fait de cette édition l’une des plus agréable à suivre, tout juste rafraîchie par un vent léger qui n’a pas empêché les plus vieilles machines de prendre leur envol. A ce titre, la situation était parfaite !
Avec les grèves de la SNCF et l’incertitude autour du trafic ferroviaire, sachant qu’au départ de Paris le rythme des trains à destination de la gare de la Ferté n’est déjà que d’un par heure, nous avons fait le choix de venir en automobile et sans partir aux aurores, avec une arrivée vers 9h sur le site, la situation routière n’avait rien de difficile. C’est la clé pour profiter au mieux du meeting de la Ferté-Alais, arriver tôt, partir tard…
Quelques jours avant l’évènement, l’annonce de l’annulation du passage de l’Airbus A340 de la nouvelle compagnie JOON a été un peu décevante mais le reste du programme établi avait de quoi motiver les passionnés.
La matinée a été consacrée aux baptêmes de l’air en T-6, en Junkers ou en T-28 pendant que les « vrais » allaient fouiller les étals des librairies présentes à la recherche d’une très bonne affaire ! (et il y en avait effectivement quelques unes !)
Pour l’ouverture du show, comme pour une inauguration officielle, il faut couper le ruban rouge. Ce ruban rouge était interminable, accroché à la queue d’un Stearman tout aussi rubicond piloté par Hugues Duval. Difficile à photographier, mais voilà un nouveau tableau qui devrait durer et s’imposer dans les éditions à venir.
Autre nouveauté, ce jet minuscule, un BD-5 destiné à recevoir un moteur à hélice mais modifié pour recevoir un réacteur Microturbo, se différenciant ainsi du BD-5J dont il est, quelque part, une émanation, a fait une courte démonstration.
Ce CJ-01 Minijet, à l’autonomie limitée, gratifia la foule de quelques passages que sa petite taille a rendu difficile à immortaliser.
Le tableau du temps des As a été enrichi cette année par la présence de plusieurs répliques venues de Grande Bretagne, relevant du Great War Team et dont une appartient à Bruce Dickinson, chanteur du groupe de heavy metal Iron Maiden et dont l’amour immodéré de l’aviation et du pilotage est désormais bien connu. Bruce n’était pas, semble-t-il, présent en personne à la Ferté, c’est dommage on lui aurait bien demandé une p’tite chanson, la sonorisation du site semblant bien avoir été réglée comme pour un live d’Aces High !
Ces répliques comptaient plusieurs Fokker Triplan et un Hannover CL1. Si en vol le spectacle était parfait, au sol, la taille réduite de ces répliques volantes était clairement évidente.
A côté de ces avions ont évolué le SPAD, le Bristol Fighter des « Casques de Cuir », un Sopwith Triplane et le Fokker Triplan, celui-là à la taille réelle pour le tableau habituel du temps des as, indispensable, surtout en cette année de commémoration du centenaire de l’Armistice.
Profitant que le SPAD soit en vol, il a été rejoint par le Rafale du Solo Display de l’armée de l’Air décoré, cette année, de noir avec des parements rouges. La différence de vitesse entre l’un et l’autre n’a pas permis de faire un vrai passage en formation des deux avions.
Ensuite « Babouc », le nouveau pilote du RSD a enchaîné avec sa démo. Celle-ci est propre mais sans grand changement comparée à celle de ses prédécesseurs, donc sans vraiment de surprise.
Après le saut des parachutistes du RAID, décollèrent alors les premiers warbirds. Si le P-51D est un habitué du site, sa démonstration en vol ne permet que d’immortaliser son ventre, alors que le Sea Fury T.20 biplace s’est simplement contenté de passages pleins badin, rapides, offrant ainsi au public la pure beauté « relative » de son engin et son bruit faramineux ! Un régal !
A noter que depuis cet hiver, ce T.20 de la Fighter Collection a abandonné son original mais capricieux moteur Centaurus pour un très classique R.2800. Ce qui est perdu en authenticité est gagné en fiabilité, comme sur pratiquement tous les Sea Fury en état de vol dans le monde, dont celui de Christophe Jacquard, également présent sur le meeting et qui a encore ébahi tout le monde avec ses superbes fumigènes persistants.
Tracté par son puissant moteur Griffon, le Spitfire Mk XIV G-SPIT a ensuit pris l’air accompagné par un Buchon, un Messerschmitt 109 construit en Espagne et doté d’un moteur Merlin, biplace. On raconte que cet avion, qui fit de la figuration dans le célèbre film « La Bataille d’Angleterre », permit alors à Adolf Galland, 104 victoires aériennes, de faire voler en place arrière un autre conseiller technique du film, Robert Standford Tuck, as de la RAF aux 29 victoires, ennemi d’hier devenu ami. Rien que pour cette anecdote savoureuse, cet avion, sinon abominablement laid, méritait d’être présent au Temps des Hélices et d’y être revu de temps en temps !
Ce fut ensuite le temps du Tora Tora Tora, mené cette fois avec douze T-6 et dérivés et toujours aussi spectaculaire, tandis que plus bas, le N3N, un Stearman et le P-40 incarnaient l’aviation américaine surprise par la soudaine attaque japonaise.
Mais le Warbird qui retint tout l’attention du public, c’est lui. C’est vrai que dans le monde des avions de collection musclés, certains ont leur propre légende. Il y a le Spitfire, le Mustang mais il y a aussi le Corsair. Ce F4U-5NL est présent à la Ferté depuis une bonne trentaine d’années mais n’avait plus volé depuis 16 ans. Après une grande visite et une restauration en profondeur, il a revolé pour la première fois la semaine précédant le meeting et c’est avec beaucoup de prudence et une grosse dose d’enthousiasme qu’il a évolué devant nous pour la première fois en meeting.
Le Corsair est un mythe à lui seul, porté par son look, son histoire et la télévision… Son retour sur scène après une si longue attente a été unanimement salué ! Et, soyons honnêtes… quel plaisir !!
Et profitant que le Corsair soit en l’air, et bien que l’avion n’est ni un F4U-7 ni un AU-1, les deux versions utilisées par l’Aéronautique Navale française jusque dans les années 60, la Marine s’est alignée et a défilé autour de lui. Quatre Rafale M, un Falcon 10, rarement observé en Meeting, un Paris, deux Alcyon ont alors tenu la formation serrée. Un Breguet Atlantique avait ouvert le bal !
Les Rafale ont ensuite exécuté une splendide démonstration tactique, très impressionnante mais difficile à photographier. Le commandant de la Flottille 12F se trouvait aux commandes du Rafale 05 dont la dérive est décorée en commémoration du 70e anniversaire de son unité. Dommage qu’il ne fut employé que pour les passages rapides ; immortaliser cette jolie décoration ne fut donc pas très facile !
Un bémol doit être apporté concernant le commentaire assuré par la Marine, lequel fut particulièrement condescendant envers l’aviation légère de loisir et les aéroclubs au point d’en agacer sérieusement certains pilotes qui savent à quel point ces filières civiles ont alimentés les forces de candidats crédibles et motivés. Il s’agit là d’une vrai faute de communication.
Un autre grand, très grand moment, est survenu peu après. Le Transall du Poitou, escadron dédié aux opérations spéciale, a enfin pu procéder à un poser d’assaut sur la piste de Cerny, après deux annulations, en 2016 et 2017 pour cause de piste détrempée. Si l’atterrissage ne se fit pas avec une forte pente comme c’est l’usage sur les zones sensibles, « Pollux » montra ensuite qu’il était capable de n’utiliser que la moitié de la piste pour s’arrêter, sa largeur pour faire demi-tour, et à peu près la même moitié de piste pour s’envoler, tout ça en une poignée de minute. Bluffant !
Faire une bonne démonstration, c’est aussi, parfois, faire avec l’avion ce qu’il fait dans ses missions habituelles. Simple… et terriblement efficace !
On adorerait voir la même chose avec un C-130 ou, mieux, avec un A400M !
On sait le Transall en fin de parcours, mais à voir les réactions dans le public ou sur les réseaux sociaux, le jour où le dernier Transall fera son dernier tour de piste, les larmes seront nombreuses chez ceux qui ont usé leurs combinaisons de vol dans son cockpit, ou même sa soute, tant cet appareil s’est montré un outil incroyable pour des missions aussi variées que souvent vitales ! La présence d’un Transall au « Temps des Hélices », dédié aux avions de légende, n’est que pure logique !
Nous n’en avions pas fini avec le côté militaire de la chose puisque le Bronco de Montélimar, le Cessna Skymaster aux couleurs de la force aérienne du Sud Vietnam, un T-28 et deux Skyraider nous ont évoqué le conflit qui s’est déroulé dans le sud-est asiatique il y a 50 ans.
Une Gazelle de l’ALAT a effectué ensuite une jolie démonstration de sa manœuvrabilité et de l’efficacité de son camouflage pendant que Bernard Chabbert nous contais la vie de Mme Le Général Valérie André, pionnière de l’hélicoptère militaire et première femme général dans l’armée de l’air. Dommage d’avoir oublié d’expliquer que la Gazelle célèbre cette année les 50 ans de l’envol de son prototype et que sa présence était clairement liée à cet anniversaire !
Si la démo du RSD nous a un peu laissé sur notre faim (mais il semblerait que le pilote ne soit pas allé au bout de sa routine pour se garder des réserves de carburant suffisantes pour rentrer à Orléans, ayant subi un temps d’attente avant sa démo plus long que prévu), l’autre chasseur moderne à venir égayer le ciel nous avait fait faux bond l’an passé. Mais en 2018, le F/A-18 Hornet suisse était là et bien là.
Il est arrivé en patrouille très serrée avec le D-3801, version helvétique du Morane-Saulnier 406 puis a enchaîné avec une démonstration splendide et impressionnante avec des manœuvres clairement inhabituelles. Je n’avais plus vu le solo Suisse depuis l’Axalp 2012, ce fut une très belle redécouverte !
Le Morane Saulnier a aussi fait un show très propre où ses nouvelles couleurs, il a longtemps volé aux couleurs d’un chasseur français, ont été brillamment mise en valeur.
Pas de Ferté sans Wingwalker ! Cette année, c’est un couple d’italiens venus avec leur Stearman qui a régalé les nombreux spectateurs avec un spectacle bien rodé et où l’acrobate du ciel, madame, ne fait pas que se poster sur l’aile supérieure, mais va aussi s’accrocher aux haubans entre les ailes. Une belle démonstration soulignée par des fumigènes persistants.
Ce qui fait la force de la Ferté-Alais, c’est de présenter un échantillonnage hétéroclite d’avions d’une extrême variété, aussi bien pour les pionniers de l’aviation, des aviations militaires de toutes les époques, mais aussi de l’aviation légère. En ce qui concerne les années 30, nous avons été gâtés, comme souvent.
En premier lieu, c’est un Bellanca Cruiser, un avion particulièrement rare en Europe, qui a retenu notre attention. Avec son empennage qui n’est pas sans rappeler celui du très élégant Lockheed Constellation, cet avion de grand tourisme possède une allure unique.
Nouvellement arrivé en France, ce Stinson Reliant porte à deux le nombre d’exemplaire du type volant dans notre pays, les deux étant présentés en vol lors du meeting. Personne ne s’en plaindra, vraiment !
Et puis, il y avait ce premier DC-3, celui du PDG de la compagnie aérienne Chalair, peint en alu mat et porteur des couleurs de la compagnie, laquelle exploite des Beechcraft 1900D, des avions beaucoup moins élégants que ce bon vieux Douglas.
Vint ensuite le temps du « chrome ». Il était un temps où les avions étaient métal nu et polis à l’extrême. Exigeante en huile de coude pour rester agréable à l’oeil, cette tradition a été bien évidement remplacée par des schémas de peinture plus rationnels surtout dans le cadre d’une exploitation commerciale. A la Ferté, pourtant, il nous a été donné l’opportunité de voir à nouveau une belle collection d’avion « nickel chrome » à s’en faire péter la rétine !
Le Lockheed Electral F-AZLL, à l’histoire riche et chargée, ne pouvait ne pas être de la fête.
Le DC-3 helvétique portait également un revêtement aussi net qu’un miroir !
Trois Beech 18, également venus de Suisse (décidément ce meeting avait vraiment l’accent des bords du Lac Léman) l’accompagnaient. En fin de démonstration, l’un d’eux faillit se poser train rentré mais l’équipage fit une splendide remise de gaz et s’éloigna le temps de faire les vérifications d’usage puis revint se poser comme si de rien n’était. Tous trois étaient également chromés.
Nouvellement arrivé dans notre pays, le Spartan Executive, un avion rare et méconnu (sauf par les amateurs de Flight Simulator qui profitent depuis des années du freeware modélisé par Milton Schupe) faisait ici une de ses toutes premières apparitions publiques.
Plein les yeux, on en a pris plein les yeux !
Le programme du samedi fut conclut d’une très jolie manière par la patrouille Breitling, enfin de retour de ses longs périples en Asie et en Amérique. Un conseil aux photographes, suivez bien son éclatement final, il y a désormais une jolie surprise !
Il y avait tant d’autres avions à admirer ce weekend de Pentecôte, plus d’une centaine au total, qu’on peut oublier facilement la légère augmentation du prix du billet d’entrée, passé de 25 à 28 €, essentiellement en raison de l’explosion des coûts sécuritaires, dont le budget est désormais bien supérieur à celui du plateau. Quel drôle de monde pas drôle nous connaissons désormais !
Le programme du dimanche a comporté quelques légères différences avec celui du samedi que nous venons de relater succinctement, mais nous ne l’avons pas vu, l’appel de deux heures de vol en Cessna 152 fut le plus fort !
Mais vivement l’année prochaine toujours !
j’ y était , ce fut un meeting fabuleux , tout comme vos photos qui sont magnifiques
merci !!!