Le 14 juillet 2016, alors que les avions du défilé traversaient le ciel de Paris, le Bulletin Officiel des Annonces des Marchés Publics a mis en ligne un appel d’offre émanant de la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises (DGSCGC) et portant sur l’acquisition d’avions répondant à désignation MRBET, « Multirôle, Bombardier d’eau et Transport. »
Aujourd’hui, 25 juillet 2017, à l’occasion d’une visite aux moyens déployés en Corse pour lutter contre les feux, le Ministre de l’Intérieur a donc annoncé l’acquisition de 6 Dash 8Q400MR qui seront livrés à un rythme qui n’a pas été précisé mais qui pourrait être d’un appareil par an pour laisser le temps à la société Conair d’entreprendre les conversions. Il n’a pas été précisé si les cellules avaient été déjà sélectionnées et si il s’agissait d’avions d’occasion, ce qui semble probable, ni, donc, leur origine.
Cette annonce était attendue. Elle était même prévue bien plus tôt. Car en dehors de la construction de la nouvelle base de Nîmes, l’autre dossier urgent sur le bureau du directeur de la Sécurité Civile était bien celui de la succession des Turbo Firecat.
Construits au milieu des années 50 pour l’US Navy ou la marine Canadienne, transformés ensuite par Conair en avions de lutte contre les feux pour entrer en service en 1982 en France, ces appareils ont ensuite été modernisés dans un premier temps avec le remplacement de leurs moteurs à pistons par des turbines PT-6, puis ont subi un important chantier de rénovation, le plan 20-20, destiné à leur assurer une longévité suffisante pour atteindre 2020. Désormais réduits à 9 exemplaires depuis les accidents de 2005 et le retrait du dernier exemplaire à moteurs à pistons l’année suivante, ces avions ont bien mérité leur retraite.
Le remplacement du Tracker en France a été un vrai feuilleton avec en 2013 l’expérimentation de deux AT-802F qui ont été considérés comme trop lents et avec une charge utile trop faible pour pouvoir espérer emporter le marché.
Il a même été proposé la la solution du Tracker par Dyncorp puisqu’un avion de ce type est en train d’être reconstruit à Sacramento d’après le STC dont le Cal Fire est propriétaire et dont les performances sont nettement supérieures à celles des Turbo Firecat de Conair mais remplacer un avion vieux de plus de 60 ans par un appareil du même type, même si un peu plus récent, a été considéré comme difficile à faire admettre en dépit d’un prix attractif estimé à 8 millions de dollars pièce.
Voici les caractéristiques principales voulues pour ce MRBET :
- Avion bi-moteur à turbopropulseurs neuf ou d’occasion.
- Dimensions maximum de l’appareil : envergure 42 mètres, hauteur 12 mètres, longueur 44 mètres.
- Capacité sur zone d’au moins 2,5 heures, pour les missions de GAAr (Guet Aérien Armé).
- Vitesse de croisière supérieure à 220 kt IAS (Indicated Air Speed).
- Capacité IFR (Instrument Flight Rules) approche GNSS (global navigation satellite system) et P-RNAV (Precision Aera Navigation, le P-RNAV étant l’équivalent du RNAV pour l’Europe).
- Capacité de bombardement d’eau ou de retardant (capacité au minimum de 7 tonnes) avec largage total ou partiel.
- Ces appareils assureront, en tant que bombardiers d’eau, principalement des missions de Guet Aérien Armé contre les feux naissants, missions assurés aujourd’hui par le TRACKER qui seront retirés progressivement du service. Ils assureront également de manière significative des missions de : bombardier d’eau transport de fret, transport de passagers,transport mixte de passagers et de fret, transport EVASAN (EVAcuation SANitaire).
Airbus pouvait proposer le Casa 295M, qui remplit l’ensemble de ces paramètres avec l’avantage de disposer d’une rampe de chargement arrière bien pratique pour les opérations sur les aérodromes dépourvus de moyens logistiques comme c’est souvent le cas après une catastrophe naturelle ; néanmoins l’expérimentation en bombardier d’eau effectuée en 2013 semble n’avoir pas été poursuivie au-delà de quelques largages de démonstration.
Le Q400MR, en service en France depuis 2005, faisait donc office de favori tant cet appel d’offres semblait écrit pour lui.
L’annonce du Ministre de l’Intérieur aujourd’hui, alors même que le sud du pays est très durement touché par les feux et que l’aide de bombardiers d’eau supplémentaires a été demandé par la procédure européenne, ne tombe pas par hasard. Le nombre annoncé, 6 exemplaires, est même le chiffre maximum stipulé dans l’appel d’offres alors que le chiffre de 4 avions avait circulé. Le choix de l’option haute est donc assez révélateur alors même que les restrictions budgétaires vont peser sur le budget du nouveau gouvernement.
Les Tracker vont donc enfin pouvoir commencer à quitter le service actif, le premier devant même cesser de voler sans doute à l’issue de la prochaine saison feu. Ce retrait se fera donc progressivement et comme prévu s’achever en 2022.
L’acquisition de 6 nouveau Q400MR est un investissement conséquent, cette annonce est donc un excellente nouvelle et démontre qu’après la construction de la nouvelle base de Nîmes, la lutte contre les feux de forêt ne fait pas office de parent pauvre. Prochain dossier, la succession des CL-415, mais les annonces récentes feront que la décision pourrait être plus simple encore.
Pour récupérer un peu d’argent, pourquoi ne pas « adosser » les Avions « feu » aux Militaires comme cela se fait en Espagne, leurs aéronefs sont pilotés par des personnels prélevés durant la période des feux de forêts sur les effectifs d’autres unités, alors qu’en France si on y regarde bien il y a à peine deux mois intensifs ?? En France si on comprend bien, on paye toute l’année des Pilotes réellement utile deux mois !!
En Espagne, le Grupo 43 est une affectation fixe, à l’instar de n’importe quel autre escadron du transport aérien militaire de ce pays. Ils ont des saisons feu longue, intenses et dures. Certes, on a l’impression que les pilotes ne sont « utiles » que quatre à cinq mois par an, pas deux, mais pour l’être, il faut aussi, un peu, être formé et entraîné. Les missions feu, ça ne s’improvise pas, sinon, ça peut coûter très cher.
Mais, et on va le voir mieux lorsque la dotation de Q400MR sera complète, les secteur Dash et Beech sont actifs toute l’année pour de très nombreux vols de transport de passagers ou de fret, de détachements pour des catastrophes naturelles etc. D’ailleurs, aujourd’hui, la saison feu des Q400MR commence en mai et se termine en décembre, au retour du détachement à la Réunion.
Et puis, je pense sincèrement que la masse salariale de la BASC, c’est pas là où on pourra faire les plus grosses économies, mais on sort du domaine aéronautique.
D’ailleurs, un ordre de grandeur du coût d’exploitation des Dash8 a-t-il été rendu publique? Comment se place-t-il par rapport aux Trackers et Canadairs? L’heure de vol d’un avion de ligne toujours en production est certainement bien moins chère que celles de ses collègues avions-citernes dédiés à la tâche ou quasi-avions de collection. 🙂
Les chiffres que j’ai pu trouver ici et là (regarde dans l’article sur les VLAT) laissent penser que l’heure de vol de CL-415 et l’heure de vol de Q400MR coûteraient à peu près la même chose.
Merci pour le lien. Waouh : 16k€/h pour les CL-415, 5k€/h pour les Trackers. Le rapport prend la peine de préciser que l’emploi des appareils étant très different (longues patrouilles vs actions coup de poing) leq dépenses ne sont pas amorties de la même manière. Les Dash reprenant les missions des Trackers, les coûts d’exploitation devraient evoluer en conséquence. Enfin j’espère !
Sur l’évolution des coûts, je ne me lancerai dans aucune prospective que ce soit…