Présent sur le tarmac de Marseille depuis son arrivée le 26 juin dernier, le RJ-85AT Tanker 466 n’a pas eu l’occasion d’intervenir sur les incendies de cet été. Pourtant, à plusieurs reprises, les équipes de Conair ont sollicité les autorités européennes et celles de certains pays sensibles au problème des feux de forêt, en particulier le Portugal, mais en vain.
Alors même que l’Espagne, l’Italie et la France ont également connu des épisodes d’activité sévères, entraînant l’activation des procédures d’entraide européenne, alors même que les moyens des pays concernés étaient eux-même lourdement sollicités, on peut imaginer qu’un avion de la capacité du RJ-85AT aurait pu apporter une aide ponctuelle appréciable ici ou là.
Ce retour au Canada au milieu du mois d’août signe sans doute l’échec d’une initiative louable. On peut se poser surtout la question de la discrétion de cette opération. Conair n’a pas profité de la présence de son avion pour le présenter aux médias, locaux, nationaux et spécialisés. Or on sait que ce domaine aéronautique est particulièrement médiatique et que la moindre annonce entraîne des réactions par milliers sur les réseaux sociaux et que les élus locaux et nationaux sont désormais très sensibles à ces phénomènes.
Imaginez qu’au plus chaud des opérations de cet été, le grand public comprenne qu’un avion susceptible de larguer 12 000 litres d’eau ou de retardant reste cloué au sol alors que les départs de feux se multiplient et que les pompiers français se plaignent de l’insuffisance ponctuelle des moyens ? Si une visibilité médiatique avait été offerte à cet avion, les contrats auraient sans doute été plus facile à obtenir sous pression des internautes et des responsables politiques toujours prompts à monter au créneau dès qu’il est question des « Canadair ».
Bien sûr, ce genre d’opération à un coût, mais faire voler l’avion pour le faire larguer devant un parterre de cameras et d’appareils photos, c’était l’assurance d’un retour médiatique sans comparaison. Les multiples démonstrations du Beriev 200 ont laissé une trace notable dans l’esprit du grand public. Celle du Supertanker à Chateauroux en 2009 a même fait l’ouverture de tous les JT. Bien sûr, ces investissements n’ont pas entraîné les retours que les industriels concernés espéraient, mais les enjeux n’étaient pas les mêmes. Le Beriev était candidat à la succession des CL-415 et le Supertanker sans doute trop « hors normes » pour l’Europe. Le RJ-85AT ne manquait pas d’atouts, et n’était candidat qu’à des contrats de locations temporaires. Il lui a juste manqué, certainement, une plus grande visibilité.
Pour Conair, ce déploiement est un échec commercial, mais on peut se demander si l’entreprise a véritablement fait ce qu’il fallait pour promouvoir son avion et ses capacités. De quoi nourrir des regrets compensés, cependant, par l’annonce de la commande de 6 Q400MR pour la Sécurité Civile française puisque l’entreprise d’Abbotsford (BC) sera certainement chargé de leur conversion.
Dommage
Étrange. Sans doute que le déploiement est était trop discret que les hauts responsables ne le savaient même pas. On voit encore aujourd’hui l’Albanie demandé l’aide de ses voisins dans ce domaine.
Les hauts responsables étaient au courant, de Bruxelles à Valabres en passant par le Portugal, la Croatie, l’Espagne, l’Italie… Tous les services concernés ont été contactés par Conair. Mais soit le prix demandé était trop élevé, soit il n’y avait pas de volonté politique de faire appel à des moyens privés extra-communautaires.
Conair a tenté un pari, et ne l’a pas gagné. Il reste des tas d’opportunités de contrats aux USA, au Canada, en Australie, au Chili, pourquoi pas…
En ce qui concerne l’absence éventuelle de volonté politique de mettre en oeuvre le RJ85AT : c’est clair qu’appeller à la rescousse des moyens privés étrangers (extra-EU) n’est pas la meilleure façon de prouver que notre système de protection anti-incendies est bien dimensionné. Juste après la sélection des Dash8-Q400MR j’imagine bien se mettrz à brailler les mal-comprenants « mais pourquoi on achète pas des RJ85AT, ils sont plus gros donc mieux, pis pourquoi on a acheté des petits Q400MR, c’est du gaspillage! », avec une polémique sans fin. Dans un raisonnement politique, faire appel à Conair aurait été un aveu de faiblesse, ou la preuve d’une erreur de casting.
« Quelques » hectares de brûlées de plus ne font pas le poids face à ces considérations.
c’est aussi une possibilité. Mais, et c’est une constante, les flottes sont toujours dimensionnées pour le risque moyen. En gros, le chiffre qui était donné pour la France, c’est que la SC était équipée et optimisée pour des saisons à 20 000 ha. Je n’ai pas pu le vérifier mais c’est un chiffre intéressant. Dès que ça dépasse, ou bien que ça éclate dans tous les coins du territoire, la flotte est normalement et logiquement dépassée. Mais ce sont des phénomènes ponctuels inévitables. Ou pourrait pallier ce problème en dotant la Sécurité Civile de 50 Canadair… qui seraient inutilisés 9 ans sur 10 ! Mais ça, beaucoup n’arrivent pas à le comprendre. Du coup, passer par des locations ponctuelles, et par l’Europe, ça pourrait passer, économiquement comme politiquement.
note que le Q400MR est un produit Conair, comme le RJ-85AT !
En fait, plus je réfléchis à cette histoire et plus je me dis que c’est aussi le fait que ce soit un Tanker qui a posé problème. Un Beriev à Marseille et l’histoire aurait été différente…
Pourquoi? En raison de la forte tradition ABE et de la « marginalité » des ABR?
parce que les gens ne conçoivent les opérations qu’en terme de productivité en oubliant que les ABE allient cette productivité à l’usage en noria et ne réalisent pas qu’un Tanker seul peut arriver aussi à de bons résultats. Mais le plus important, et c’est là où la Sécurité Civile doit faire école, c’est qu’en mixant les deux principes d’action on obtient un système d’une efficacité redoutable.
Je n’ai aucun doute que du point de vue opérationnel, le plus efficace soit de faire appel à des contrats ponctuels renforçant les moyens permanents durant les « grosses » saisons.
Je voulais juste souligner que sur ce sujet sensible des moyens de lutte anti-incendie, faire appel à des prestataires étrangers est très risqué du point de vue communication (donc très risqué pour un politique). On pourrait facilement utiliser ces contrats pour polémiquer (à tort) sur le manque de Canadairs dans un but politicien.
Peut-être que pour le RJ85AT, le bénéfice (pour les forêts) n’était pas suffisant face au risque (politique).
en même temps, on a quoi comme renforts ponctuels non-étrangers ?
Évidement, les modules européens, c’est intéressant, mais on l’a vu la semaine dernière, les italiens ne pouvaient pas vraiment libérer leurs machines. Dans les années 90 avec les C-130, dans les années 2000 avec les Convair 580, les Mil-Mi 26, les AirCrane et même les deux CL-215 qui ont été basés en Corse, les appels aux renforts étrangers et extra-communautaires n’ont jamais posé de problèmes de communication politique.
Je voulais creuser la piste, mais je me trompe bien plus souvent que ce que je voudrais!
Merci encore pour les précisions et du temps que tu prends à répondre.
J’ai entendu il y a deux jours que le Dash 8 envoyé justement en Corse avait eu de la casse à cause des turbulences. Un avion plus gros aurait il pu tenté d’intervenir depuis une plus haute altitude ?
Milan 74 est rentré le soir même à Nîmes et il a volé dès le lendemain matin. Pas d’info sur le problème.
Pour la taille de l’avion, la question est amusante car à lire les commentaires ici et là, on a l’impression que pour beaucoup, le Dash est déjà « trop » gros pour la Corse… Alors, plus gros encore ? Du C-130 ? Même problème que le Dash ! Alors plus gros encore, soyons sérieux… « Il n’y a que le Canadair qui peut faire du bon boulot en Corse ». C’est pas totalement faux dans l’absolu tant le 415 a parfaitement montré depuis de longue année qu’on pouvait compter sur lui, mais c’est passer sous silence un peu vite que le C-130, les Tracker et les Dash y ont fait, et y font encore, du bon boulot !
J’ai entendu cela vite fait a la radio en rentrant du travail. Un responsable corse disait que l’on avait envoyé d’abord un Canadair mais que les turbulences étaient trop forte pour qu’il largue, un Dash aurait tenté ensuite le coup mais aurait eu des dégâts. J’ai peut-être mal compris, le travail de nuit est mauvais pour la concentration.
il y a bien eu un soucis, c’est pour ça que l’avion est rentré à Nîmes. Mais sans doute moins grave que ce que les témoins ont imaginé sans doute.
surtout ne pas « gener » la decision concernant les Dash8.?
etrange en tout cas….
Critiquer le C130 est totalement stupide et montre les lacunes aeronautiques et tactiques de celui qui l’evoque.
Le RJ n’était vraiment pas dans les clous de l’appel d’offre, et comme c’est un produit de la même boîte qui a été choisi, pas de soucis à ce niveau-là, je pense.
Quant au C-130, c’est un constat amer mais qu’il faut bien faire, les tankers ne sont pas du tout compris par le grand public français… et pourtant, ça vole en France depuis 1978 !
Concernant l’appel d’offre du renouvellement des Trackers, il n’est pas vraiment surprenant que le RJ ne collait pas, puisque tu laisssais sous-entendre que l’appel d’offre avait été « calibré » pour le Q400MR!
Le RJ ne colle pas car il n’est ni biturbine ni polyvalent, or l’appel d’offres est très clair sur le point :
http://www.marsaly.fr/fred/le-q400mr-remplacera-le-tracker/
Donc, on peut penser que l’appel d’offres a été pensé pour le Q400MR mais avec assez de marge pour que d’autres candidats se présentent. J’y vois une nuance importante. (exemple : quantité d’eau ou de retardant : 7000 litres)
Tu évoques effectivement dans ton article le C295M. Y avait-il selon toi d’autres appareils qui auraient pu sarisfaire au CDC?
tout est dans l’article.
L’Europe devrait essayer un VLAT.. Ca marche bien aux US. Pas de raison que cela ne soit pas pertinent en Europe.
un Vlat avec double empl\oi…Feux et urgences humanitaires avec un beau drapeau europeen sur la derive.
Un Airbus A300 par ex.(avion europeen par excellence) Kepplair Aviation propose un vrai projet pour l’Europe. Mais trop en avance sur les mentalites.
J’ai l’impression que le VLAT fait peur en Europe (« trop gros, trop cher, passera pas dans le relief Corse »). Question de mentalité effectivement. Mais sans chercher le très lourd, avoir du tanker lourd standard déployable rapidement, ça peut avoir du sens (RJ/C-130).
En France et en Europe, ce ne sont pas les C-130 qui manquent. Investir au niveau européen ou national dans quelques modules MAFFS pourraient permettre de déployer des ABR d’appoint sans subir le coût d’un appareil complet.
En dehors du système MAFFS au largage discutable, c’est la dispo des C-130 qui pose problème. Les missions militaires sont gourmandes en ressources et en heures. Leur ajouter une nouvelle mission comme celle-ci, c’est clairement pas un cadeau à leur faire. Si l’Europe doit investir en moyens, il faut penser polyvalence et projection, ce qui exclut d’entrée le CL-415. Alors, après, le débat c’est VLAT ou pas VLAT. Les VLAT 747 et DC-10 ne sont pas vraiment polyvalents donc l’A300 Kepplair (A300 ou A310 d’ailleurs ?) aurait un intérêt. Ensuite, pour les modules plus petits, le LM-100J avec une soute RADS Coulson de 5000 gallons, ça serait le top.
Toujours le problème du largage sous pression du MAFFS et de sa « petite » buse?
Compris pour la surcharge des Hercules. Si on a des modules mais pas d’avion, l’interêt est limité…
Pour les turbulences en Corse… c’est vrai que quand ca secoue, ca rigole pas. Les avions ont des limitations a respecter.
Mais l’Europe n’ose pas, n’essaie pas. Trop coincee dans ses principes et complications. La est le probleme.
Oser, essayer, evaluer! et ensuite analyser.
Mois je parie qu un A300 ou 310 polyvalent ferait l’affaire et puis meme un 2erme tiens. Symbolique et efficace.
Ce serait une belle solution!
Je ne connaissais pas le projet Kepplair, j’ai donc fait un petit tour sur leur site.
Ils comptent bien utiliser un A310 avec un système pressurisé. Vu l’aile basse et la disposition du train d’atterrissage, pas facile en effet d’installer une soute RADS (à budget égal).
Mais j’ai l’impression qu’ils ont de bons conseillers techniques sous la main (un certain J.Laval…)!
Pour la livrée par contre, je ne suis pas vraiment convaincu par le blanc et vert citron. Un peu trop « véhicule d’écotourisme » et pas assez « véhicule d’urgence ». Le rôle de l’avion n’est pas assez évident il me semble. Je vais aller leur faire la remarque (enfin si le projet est toujours vivant!).
Jé… va leur dire que ta bio est fausse…
Remarques pertinentes… le Rads du DC10 est la meilleure solution(il est issue des systemes d’Aerounion, comme le Skycrane et les C130 Coulson…Petit monde). Sur un Airbus, pas facile. Mais regardez les Airbus MRT… Refueling tanks..
Mais l’Airbus est symbolique pour l’Europe. Donc c’est un compromis.
Je pense qu’un 757 ferait l’affaire aussi… Soute externe comme le DC10