La mauvaise réputation 2 : Le McDonnell Douglas DC-10

Si on évoque les avions lourdement marqués par leurs soucis de jeunesse, porteurs ensuite d’une triste réputation, le McDonnell Douglas DC-10 arrive en tête de liste. A la fin des années 70 sa seule évocation pouvait dissuader un passager d’embarquer. L’opinion publique, dans le monde entier, avait été frappée par une série de catastrophes aériennes spectaculaires et dramatiques dont les conséquences, pour le constructeur et son produit ont été, également, violentes. Cette triste litanie porte des noms comme  Ermenonville, Chicago O’Hare, Mont Erebus, mais auxquels on peut attacher aussi Windsor ou Sioux City ! Mais la conception de l’avion était-elle réellement fautive ou bien est-ce le caractère spectaculaire de ces catastrophes qui ont empêché le DC-10 de devenir un étincelant succès commercial ?

Courte finale d’un cargo DC-10-10 Fedex en novembre 2000 à Los Angeles. (Photo : René J. Francillon)

Doit-on y voir un signe, mais le DC-10 est né d’un échec !

Au milieu des des années 60, l’US Air Force désigna Lockheed vainqueur du programme CX-HLS destiné à l’équiper d’un avion cargo de fort tonnage et qui vola à partir de juin 1968 sous la désignation C-5 Galaxy. Douglas et Boeing, avaient, sur ce concours, essuyé un cuisant échec. Mais pour que ces couteuses études préliminaires n’aient pas été faites pour rien il était peut-être possible d’en extrapoler un appareil permettant à l’entreprise de se relancer sur le marché civil.

A Seattle, on fit le choix de construire un quadriréacteur qui fait son premier vol le 9 février 1969, le Boeing 747.

Si Douglas avait récemment connu de grands succès commerciaux, autant dans le domaine civil, avec les DC-8 et DC-9, que militaire avec en particulier le A-4 Skyhawk, pour pouvoir disposer des capacités d’investissements indispensable pour étendre ses capacités de production, l’entreprise avait fusionné en 1967 avec McDonnell, constructeur du F-4 Phantom. Au sein du nouveau groupe, Douglas continuait de fonctionner comme une filiale avec une spécialisation marquée vers le marché civil et proposait un tri-réacteur qui fit son vol inaugural le 29 août 1970.

Le premier des prototypes du DC-10 au cours d’un vol d’essais. (Photo : MDC via René J. Francillon)

Le DC-10 entra en service avec American Airlines mais ses débuts furent marqués par un incident grave, le 12 juin 1972. Au-dessus de Windsor, au Canada, le vol 96 était victime d’une dépressurisation violente et dût se poser en urgence. Une porte cargo, mal verrouillée, s’était ouverte en vol.

Le système de verrouillage de cette porte cargo ne fit pas l’objet d’une directive officielle mais le constructeur recommanda qu’il soit modifiée par les compagnies et que les personnels au sol soient très attentifs lorsqu’ils s’assuraient de son verrouillage correct.

Le DC-10-10 N60NA de la compagnie National Airlines, assurant une liaison entre Miami et San Francisco le 3 novembre 1973, connût un incident grave avec son réacteur droit qui se désintégra et dont les pales perforèrent le fuselage, causant une dépressurisation soudaine. L’équipage parvint à garder le contrôle de l’avion et se dérouta à Albuquerque 20 minutes plus tard, mais malheureusement, un passager avait été arraché à son siège et éjecté de l’avion. Son corps n’a jamais été retrouvé. L’enquête démontra plus tard que le réacteur était entré en survitesse après une manœuvre inappropriée de l’équipage sur les fusibles de l’auto-manettes.

Le 3 mars 1974, alors qu’il venait de décoller d’Orly avec plus de passagers que prévu, en raison d’un mouvement de grève en Grande Bretagne, le DC-10 TC-JAV s’écrasa dans la forêt d’Ermenonville. Victime du même problème que l’avion de Windsor, la petite porte cargo s’était ouverte dès que la différence de pression entre l’intérieur du fuselage et l’extérieur avait été assez grande.

Le DC-10 de la THY, quelques mois avant le drame. (Photo : Clipperarctic)

Le plancher de l’avion s’est effondré, plusieurs personnes ont été éjectées par le trou béant et, les commandes de vol endommagées, l’avion a terminé sa trajectoire en éventrant la forêt à grande vitesse, une trace toujours visible 45 ans plus tard.

Une clairière au milieu de la forêt d’Ermenonville au nord de Paris, ici vue depuis l’ouest. Un repère assez facile pour le VFR. Mais peu d’aviateurs savent que c’est là que le TC-JAV a terminé sa courte carrière en mars 1974.

346 personnes ont payé de leur vie ce très léger défaut de conception de l’avion et qui n’avait pas été corrigé sur l’avion de la Turkish Airlines, le plus lourd bilan pour une catastrophe aérienne à l’époque. Le constructeur fut ensuite condamné à payer 80  millions de dollars aux familles des victimes après un long procès qui fut largement médiatisé.

La réputation de l’avion était touchée mais le problème ayant été parfaitement identifié et corrigé sur tous les DC-10, on pouvait imaginer que la carrière du triréacteur allait se poursuivre enfin loin des projecteurs.

Le 25 mai 1979, 5 ans après la tragédie parisienne et alors que l’avion n’avait plus vraiment fait parler de lui auprès du grand public, le DC-10 revint dramatiquement sur le devant de la scène.

A la veille du Memorial Day, le DC-10-10 N110AA devait assurer le vol 191 à destination de Los Angeles depuis Chicago avec 271 personnes à bord dont 13 pour l’équipage. Alors que l’avion effectuait sa rotation et commençait à s’envoler, le réacteur situé sous l’aile gauche s’arracha et tomba, endommageant au passage des conduites hydrauliques et les becs de bord d’attaque. L’avion bascula vers la gauche et tomba sur un terrain où se trouvaient des Mobile-homes tuant deux autres personnes.

DC-10 chicago (Michael Laughlin)

Deux photos entrées dans l’histoire. Prises par un jeune élève pilote de 24 ans, elles montrent le DC-10 sans son réacteur gauche basculer et la dramatique explosion au moment de l’impact. Elles firent le tour du monde. McDonnell-Douglas ne pouvait craindre pire publicité pour son avion. (Photo : Michael Laughlin)

Les images sont terribles et la confiance des passagers envers l’avion largement ébranlée, confirmée par la suspension du certificat de navigabilité de l’avion par la FAA, le 6 juin suivant, clouant au sol l’ensemble des DC-10 aux USA et à destination du pays. Cette décision fut levée le 13 juillet suivant mais le mal était fait pour la réputation de l’avion, soupçonné de semer ses moteurs un peu trop facilement.

Le résultat de l’enquête démontra que la maintenance des réacteurs au sein d’American Airlines n’était pas faite selon les normes. Les mécaniciens de la compagnie avaient pris l’habitude de déposer les moteurs toujours solidaires de leur pylônes alors que le constructeur recommandait de séparer ces éléments. Et c’est effectivement au niveau des attaches du pylône sous l’aile du DC-10 que la rupture est survenue. La compagnie a été condamnée à 500 000 USD d’amende pour mauvaise maintenance.

On raconte que, lorsque les vols des DC-10 ont repris, quand les passagers, inquiets, demandaient au personnel navigant commercial : « C’est pas un DC-10 au moins ? », ces derniers répondaient, « mais non voyons, c’est un McDonnell-Douglas… » et que parfois, lorsque le type de l’avion figurait sur le fuselage, il pouvait être effacé.

Las, l’avion n’était pas au bout de son martyrologe. Le 28 novembre 1979, alors même que l’accident de Chicago était encore dans toutes les mémoires, un DC-10-30 d’Air New Zealand, qui effectuait une boucle touristique autour de l’Antarctique, disparut. Il fut retrouvé quelques jours plus tard, pulvérisé sur une pente au pied du Mont Erebus. Là encore, aucun survivant parmi les 257 personnes se trouvant à bord.

La dérive du NZ-NZP gisant sur les pentes du Mont-Erebus. (DR)

Il fallut quelques mois pour comprendre que cette fois, ni l’avion, ni sa conception, ni sa maintenance n’étaient en cause, juste un équipage évoluant à basse altitude qui est entré dans une couche de nuages qui lui masquait le relief.

Ces accidents n’étaient pas sans répercussion sur le carnet de commande qui s’asséchait progressivement. Si 41 avions furent livrés en 1980, il n’étaient plus que 10 quatre ans plus tard. Il fallut attendre le lancement du MD-11 pour retrouver, temporairement, des rythmes de production dignes du grand constructeur qu’était MDC.

Et pourtant, la poisse continuait de poursuivre le DC-10. Le 19 juillet 1989, le réacteur central du DC-10-10 N1819U assurant le vol UA 232 entre Denver et Chicago explosa et dispersa ses ailettes qui sectionnèrent une partie des commandes de vol, dont la profondeur. Néanmoins, en jouant avec les gaz des deux autres réacteurs, l’équipage parvint à s’approcher de la piste de Sioux-City. La suite a été filmée depuis l’extérieur de l’aéroport.

La terrible vidéo de l’accident de Sioux City.

L’avion décrocha en courte finale et percuta le sol. Sur les 296 occupants de l’avion, 111 personnes perdirent la vie mais 185, principalement assises au milieu du fuselage, survécurent. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les quatre membres d’équipage furent retrouvés vivants. Ils furent salués pour leur courage et leur ténacité qui a permis de sauver un grand nombre de passagers ce jour-là.

Dans le désert du Niger, à 300 km au nord-ouest du Lac Tchad, l’immense mémorial des victimes du vol UTA 772 se recouvre progressivement de sable. (Google Earth)

Le parcours du DC-10 reste émaillé d’autres accidents mais principalement liés à des problèmes d’exploitation. La compagnie française UTA fut aussi cruellement frappée en septembre 1989 par un attentat à la bombe qui fit  170 victimes au-dessus du Niger.

Alors que le Lockheed Electra a été clairement sauvé par les militaires et la version P-3 Orion, la version de ravitaillement en vol proposée à l’USAF à la fin des années 70 n’est commandée qu’à 60 exemplaires, ce qui représente une part non négligeable de la production du DC-10 mais à l’échelle de ce que l’Orion a représenté pour Lockheed, on est loin d’un triomphe. Ces modifications apportée pour permettre le ravitaillement en vol d’autres aéronefs ont ouvert la voie à quatre conversions de DC-10 à cette mission.

L’USAF a reçu 60 KC-10 de ravitaillement en vol.

Ces KDC-10 sont en service à raison de deux exemplaires pour l’aviation militaire néerlandaise et deux autres, exploités par la compagnie Omega Aerial Refueling Services pour le compte du Department of Defense US.

L’aviation Néerlandaise exploite deux KDC-10 ravitailleurs en vol. Des avions sont régulièrement vus à Nîmes où ils sont entretenus par Sabena Technics. (Koninklijke Luchtmacht)

Le 446e et dernier DC-10 sortit de chaîne en 1989 et laissa la place au MD-11, une version allongée et modernisée. Jusqu’alors, bien qu’étant à la traîne, le DC-10, avec ses 446 exemplaires, n’était pas ridicule même si son concurrent direct, le 747 avait alors largement dépassé les 750 exemplaires. Mais un coup fatal aux tri-réacteurs Douglas allait leur être porté avec l’arrivée de la version 747-400 promise à un grand succès commercial. Et dans le même temps, Boeing commençait à engranger les premières commandes pour un biréacteur long courrier à fuselage large, à grande contenance, le Boeing 777.

Un MD-11 de Delta porteur d’une livrée faisant la promotion des Jeux Olympiques de 1996 à Atlanta, ville où se situe son siège et son principal hub.

Cette situation difficile allait devenir inextricable lorsqu’en août 1997, Boeing prit le contrôle de son concurrent historique. Les anciens produits Douglas furent rapidement arrêtés pour ne pas risquer qu’ils fassent de l’ombre aux appareils conçus à Seattle. Le 200e exemplaire du MD-11 sortit de chaîne en 2001, il n’y en aura pas d’autres.

Au sein des compagnies aériennes, les tri-réacteurs commençaient singulièrement à perdre leur intérêt face aux biréacteurs performants et modernes qui entraient alors en service. Les certifications ETOPS (Extended-range Twin-engine Operation Performance Standards – Standards de performances pour les opérations des biréacteurs à autonomie accrue), qui permettent à ces appareils d’évoluer à des distances de plus en plus grandes des aéroports de déroutement anéantirent même l’intérêt de disposer d’un réacteur de plus. Les attentats du 11 septembre, et la crise temporaire que connût alors le transport aérien, entraîna le retrait de service rapide de ces avions devenus des non-sens opérationnels et économiques. En janvier 2007, Northwest Airlines retira ses derniers DC-10 signant la fin de la carrière de ces avions au sein d’une compagnie de premier plan.

Les derniers vols passagers de la famille ont eu lieu en 2014, le 24 février pour le DC-10 avec Biman Bangladesh Airlines et KLM, le 26 octobre pour le MD-11, respectivement 40 et 24 années après les premiers vols des deux types.

Désormais, les avions restants opérationnels, DC-10 modifiés en MD-10 et MD-11 sont configurés en cargo, Fedex en est un des principaux utilisateurs. Leur charge utile, la largeur de leur fuselage et la puissance des trois réacteurs en ont longtemps fait les principaux outils de développement de la compagnie. Mais aujourd’hui, cette flotte est en cours de déflation, remplacée par des Boeing 767 et 777.

Belle lignée de DC-10 sur le hub de Fedex à Indianiapolis en 2007. (Fedex)

Parmi les DC-10 notables, il n’est pas inutile de rappeler le DC-10 transformé en hôpital ophtalmologique mobile, pour le compte de la fondation Orbis, remplacé en 2016 par un MD-10 justement offert par Fedex.

Évidement, on ne peut passer sous silence les 5 DC-10 devenus avions de lutte anti-incendies pour le compte de la compagnie Tanker 10. Si le premier, un DC-10-10, a été retiré du service à la fin de la saison 2014, les quatre DC-10-30 toujours en service ont été largement employés par le Cal Fire, l’US Forest Service et même les services Australiens. Précurseurs de la catégorie VLAT, ils ont réussi à imposer clairement l’intérêt de disposer d’avion très gros porteurs pour combattre les immenses feux de l’ouest des USA, même si ça ne s’est pas fait en un claquement de doigts.

Tanker 912 en action sur le Erskin Fire au début de l’été 2016. (Photo : AP)

Si on questionne aujourd’hui les équipages qui ont eu la chance de voler sur DC-10, MD-10 ou MD-11, les réponses sont claires, ce sont d’excellents avions. Pour les passagers, et notamment les français qui ont goûté les destinations exotiques d’UTA, d’Air Liberté ou de l’éphémère Aero Lyon, le souvenir est également plein de nostalgie délicieuse.

L’avenir des DC-10 et MD-10 est désormais limité. En dépit de leurs qualités, les aspects économiques en exploitation en ligne ne peuvent masquer le manque de performance de ces appareils face à celles des biréacteurs modernes dont l’hégémonie se fait, à chaque nouveau modèle, de plus en plus évidente. Pour les missions où ces facteurs comptent moins, il est possible que la qualité des appareils Douglas leur permettent de durer très longtemps encore. Ce sera le cas sans doute pour les appareils de Tanker 10 mais aussi pour les KC-10 de l’USAF.

Couleurs, formes, provenance, ce MD-11 de China Eatern photographié à Los Angeles en 2000 aurait clairement encore de quoi exciter les spotters, bien plus que les insipides biréacteurs modernes ! (Photo René J. Francillon)

Il serait tentant de penser que sans les accidents des années 70, la formule tri-réacteur aurait pu tailler des croupières aux autres appareils et que le DC-10 aurait dû connaître un tout autre destin. Une simple directive de la FAA après Windsor aurait clairement évité Ermenonville, une maintenance plus rigoureuse aurait empêché la catastrophe de Chicago… Mais le sens de l’histoire, l’économie du transport aérien, aurait, de toute façon, donné la victoire finale aux biréacteurs. Il est cependant clairement injuste de penser aujourd’hui que cet avion était dangereux et mal conçu…

La livrée des prochains Milan

La Sécurité Civile vient de rendre public le schéma de décoration des Q400MR qui devraient être livrés à partir d’avril prochain.

On s’éloigne des couleurs actuelles, héritées du constructeur Conair, proches dans leur schéma de celles des Firecat et des RJ-85 modifiés au Canada.

Version de lutte anti-incendie. (Infographie Sécurité Civile)

version de base. (Infographie Sécurité Civile)

Ce schéma se rapproche de la décoration des Beechcraft 200 rénovés, une décoration qui a fait beaucoup parler.

On note sur ces dessins l’indicatif 74 et l’immatriculation F-ZBMD qui correspondent au deuxième avion de ce type livré à la Sécurité Civile en 2005. Si il est fort probable que le Milan 75 soit livré ainsi, ce choix pourrait indiquer que l’ensemble de la flotte des Q400MR français pourrait adopter, à moyen terme, la même livrée.

Il est difficile de juger un schéma de décoration sur un dessin, il faudra donc attendre que le premier avion de cette nouvelle série sorte de chantier de conversion. Nous ne devrions pas à avoir à attendre trop longtemps…

Modifié le 25 novembre.

Les Canadair aux USA

Si la famille Canadair, par ses différents avatars, CL-215, CL-215T et CL-415, en attendant le CL-415EAF et le futur CL-515, représentent les avions phares de la lutte anti-incendie au Canada et en Europe, il est un pays, les USA, durement touché par les feux, où cette famille d’appareils n’est pas parvenue à s’imposer en dépit d’une présence remontant à des décennies et des grands espoirs de ses constructeurs. De nombreux facteurs opérationnels, structurels et économiques expliquent cette déception.

Bombardier CL-415 SuperScooper du Québec en virage au-dessus du Lac Castaic en Californie (Bombardier)

Lorsque Canadair lance son CL-215 à la fin des années 60, il ne fait guère de doute que le marché américain fait partie de ceux visés par la firme canadienne. Les feux y sont nombreux et les avions convertis pour lutter contre eux montrent leurs limites. Un avion spécifiquement conçu pour cette mission devrait pouvoir trouver là des débouchés commerciaux importants. Cette réflexion n’avait rien d’utopique, puisqu’un certain nombre d’opérateurs exploitaient alors des PBY Catalina, c’était le cas notamment de la société Flying Firemen ou de Hemet Valley Flying Services en Californie, mais pas seulement, et que le CL-215 visait clairement la succession de ces appareils.

Un des Super-Catalina de HVFS en Californie dans les années 70, des avions qui auraient pu être remplacés par des CL-215. (Coll. René J. Francillon)

Une des premières présences attestées du CL-215 aux USA, remonte au mois de septembre 1970 lors du feu dans les Laguna Mountains. Les Avenger, les Tigercat et les B-17 Tanker de l’époque furent cloués au sol certains jours en raison du vent. La firme canadienne envoya là bas un des premiers CL-215, au titre de démonstrateur, mais sans convaincre. Doit-on y voir un signe, mais au lieu de promouvoir l’utilisation du nouvel appareil, les feux de septembre et octobre 1970 servirent de point de départ pour la création des plateformes MAFFS de l’US Forest Service.

A plusieurs reprises, au cours des années 70 et 80, les avions du gouvernement de Québec traversèrent à nouveau la frontière sud de leur pays pour aller intervenir  ponctuellement à la demande de collectivités locales d’Arkansas, de Caroline du Nord et du Sud, de Floride, du Maine, du Tennessee ou de Virginie.

En 1979, deux CL-215 se posèrent à Los Angeles et participèrent pendant quelques semaines aux opérations contre les feux, mais l’expérience ne fut pas poursuivie en raison du coût de ces appareils.

En 1993, de gros feux éclatèrent à nouveau autour de la mégapole californienne. 500 maisons furent détruites et les dégâts se montèrent à 1 milliard de Dollar. Les moyens du CDF et les avions fédéraux s’avérèrent dépassés ou pas assez nombreux, le comté de Los Angeles, qui administre un territoire une surface de 12 300 km2 et près de 10 millions d’habitants, de Long Beach sur la côte sud à Palmdale aux portes du désert, décida de prendre les choses en main et demanda au Québec de lui fournir deux avions. Ce sont deux CL-215T qui arrivèrent pour renforcer les moyens locaux, constitués d’hélicoptères bombardiers d’eau.

A partir de 1995, ces avions font l’objet d’un contrat de mise à disposition entre septembre et décembre, période calme pour feux dans leur Province d’origine. Ces contrats, d’une durée de cinq ans ont été reconduits à échéance de façon systématique et les CL-215T ont laissé la place désormais à des CL-415.

Les deux CL-415 du Québec, encore présent en janvier 2018 sur l’aéroport de Van Nuys. (Google Earth)

Ce contrat est un accord gagnant-gagnant. Le Comté de Los Angeles dispose alors de deux avions avec de bonnes capacités, pouvant écoper notamment sur le front de mer et sur quelques plan d’eau à l’intérieur des terre autour de l’agglomération de Los Angeles. Pour le Québec, les deux avions peuvent aussi servir pour l’entraînement et la formation des équipages dans une région où les conditions météo sont favorables au vol plus de 300 jours par an.

Dans les années 90, ce contrat a néanmoins fait l’objet de contestations des opérateurs locaux car ces avions sous contrat constituaient une concurrence directe pour leurs entreprises de travail aérien. l’AAF, Associated Aerial Firefighter Association, qui avait fait plier l’USFS et l’USAF sur l’emploi des MAFFS était une fois de plus en première ligne. Plusieurs opérateurs, dont les PBY Catalina commençaient à avoir du mal à trouver des missions, faisaient valoir que leurs appareils étaient mieux adaptés que les avions canadiens et moins chers. Néanmoins, le L.A. County Fire Department ne plia pas et les Canadair restèrent.

Ces contrats restent néanmoins onéreux (2 000 000 USD environ pour la saison 2017) ce qui peut expliquer que le LACoFD a même envisagé un temps d’acquérir un CL-415 en propre. En octobre 2015 pour la toute première fois, la flotte sous contrat a été portée exceptionnellement à quatre avions ; les évènement de ces dernières semaines sembleraient montrer qu’une initiative de ce genre mériterait d’être renouvelée !

A fourth Super Scooper arrives at Van Nuys Airport the afternoon of Oct. 2.

2 octobre 2015, un quatrième CL-415 du Québec se pose à Van Nuys pour servir les pompiers du Comté de Los Angeles, une première historique puisque c’est la première fois que cet organisme  disposait d’autant d’appareils de ce type. (Gene Blevins/LACoFD)

L’expérience acquise par le LACoFD eu au moins pour conséquence d’inciter également la ville de San Diego, en octobre 2017, lors des grands feux de l’automne dernier, à émettre une demande équivalente vers le Québec et obtenir ainsi la présence de deux CL-415 pour la protection de la ville et de ses alentours immédiats.

L’expérience américaine du Canadair ne se résume pas seulement aux opérations canadiennes en Californie.

En 1999, la Division of Forest Ressources de Caroline du Nord achèta le CL-215 msn 1008 auprès du Québec. Immatriculé N215NC, le bombardier d’eau opéra régulièrement depuis sa base d’Hickory. L’avion est arrêté de vol en 2008 et radié en 2011.

De son côté, dans le Minnesota, un secteur où les lacs sont nombreux, le Department of Natural Resources s’offrait deux CL-215 d’occasion en 2001 portant les numéros de coque 263 et 266. Ces deux appareils sont revendus en 2015 pour être remplacé par des Air Tractor. Entre temps, outre les opérations dans leur État d’origine, ils ont été envoyés pour des missions ponctuelles en Alaska (en 2004) ou dans l’Arizona (2005).

La société Aero Flite de Kingman dans l’Arizona acheta trois CL-215 (1081/262 1090/264 et 1103/267) auprès de la Province de l’Ontario en 2001. Ces appareils sont remplacés par quatre CL-415 flambants neufs, parmi les derniers produits en 2015-2016 par Bombardier (2089, 2092, 2093 et 2095, Tanker 260 à 263.)

Le Tanker 261 d’Aero Flite est le CL-215-6B11 msn 2092.

Face aux difficultés des années 2000, après le bannissement de nombreux types d’appareils en 2004, l’intérêt de l’avion écopeur sembla revenir au sein de l’US Forest Service.

Un premier rapport est publié en décembre 2007 portant sur la stratégie d’équipement de la flotte fédérale avec l’objectif de développer la flotte des Large Air Tanker à partir de 2008 pour atteindre 32 appareils en 2018. Selon ce plan, les effectifs des avions écopeurs devraient être de 2 à 3 appareils, pas plus, selon l’argumentation suivante : « Les appareils de type 3 (CL-215, 215T, 415 ou FireBoss) ne peuvent égaler les avantages de vitesse, de capacité et de rayon d’action des appareils de type 1 et 2.« 

Un nouveau plan fédéral est ébauché en 2014 s’appuyant sur la présence dans la flotte de la société Aero Flite des quatre CL-415 neufs.

Un programme d’évaluation opérationnelle sur quatre saison fut engagé et les appareils concernés firent l’objet de contrats spécifiques. Deux se retrouvèrent sous contrat exclusifs et basés à Lake Tahoe Airport à la frontière entre la Californie et le Nevada, avec le lac Tahoe comme point d’écopage reconnu. Il faut dire qu’avec ses 30 km de long et 20 de large, il s’y prête tout à fait. Les deux autres avions furent sous contrat d’activation à la demande (Call When Needed).

CL-415 à Lake Tahoe en 2016. (Antoine Grondeau/Heading West)

La première leçon de cette évaluation a surtout démontré à quel point ces avions étaient coûteux : pour la saison 2016, le N389AC était loué 54 246 USD par jour auxquels s’ajoutaient 9 247 USD par heure de vol. Bien évidemment, l’explication au prix à la journée est l’amortissement nécessaire des investissements consentis pour l’achat d’un avion neuf, bien plus onéreux par nature que les machines d’occasion converties

De fait, la comparaison avec les autres appareils en service n’est clairement pas en faveur de l’avion canadien surtout quand ses coûts sont mis en regard d’autres appareils achetés d’occasion :

En 2016, le DC-10 N522AX était loué 28 387 USD par jour plus 13 005 USD par heure de vol en contrat exclusif. Son homologue N612AX, en contrat Call When Needed était activable moyennant 54 128 USD par jour et 8 058 par heure de vol. Plus modeste par ses capacités, bien que disposant d’un réservoir de retardant de 7000 litres, le P2V Neptune Tanker 43, alors au  crépuscule de sa carrière, opérait moyennant 18 387 USD et 8 495 USD par heure de vol.

Contrairement à l’Europe ou à certaines Provinces canadiennes où les moyens de lutte anti-incendies relève des moyens nationaux, les sociétés de droit privé intervenant dans ce domaine aux USA se doivent d’ être très regardantes sur le coût d’acquisition de leurs moyens afin d’être compétitives lors des appels d’offres pour les contrats saisonniers.

Néanmoins, ce n’est pas parce que les avions écopeurs sont onéreux, en neuf comme d’occasion, que leur mission n’est pas considéré comme importante. Mais d’autres moyens sont mis en œuvre pour l’accomplir.

Dès les années 80, les hélicoptères bombardiers d’eau commencèrent à se développer, équipés de réservoirs sous-élingue et de soutes spécialisées et se montrèrent à leur avantage. Pouvant recharger leurs moyens d’extinction dans des points d’eau de faible taille et de faible profondeur, totalement inaccessibles aux voilures fixes, ils pouvaient ainsi opérer au plus proche des feux. Dans certains cas, il est même possible d’acheminer des berces remplies d’eau ou de retardant pour alimenter les hélicos au contact du feu. Leur productivité est donc égale, voire supérieure, à celle d’un avion écopeur. La taille de ces hélicos n’a, de plus, cessé d’augmenter, comme leurs capacités d’emport.

Le HBE Lourd est le concurrent le plus rude pour les avions de lutte anti-incendie amphibie.

Aujourd’hui Aircrane et CH-47 Chinook ont des capacités d’emport équivalentes aux tanker de type I (3000 gallons) soit une fois et demi la capacité d’un Canadair, environ, avec une souplesse d’emploi inégalable, un cout d’achat faible et des coût d’exploitation équivalents.

Pour  les CL-415, ces hélicoptères sont de redoutables concurrents. A titre d’illustration, en 2016 le CH-47D N947CH, était loué en contrat exclusif par l’USFS pour la somme de 28 800 USD par jour et 7 394 USD par heure de vol.

En ce qui concerne les performances, avec une capacité théorique de 12 998 litres et une vitesse de 130 kt en croisière, ce CH-47D n’a pas à rougir face au 150 kt et aux 6200 litres d’un CL-415.

Mais un des freins plus étonnant à l’expansion de l’emploi des avions  amphibies est venu, assez récemment et de façon très paradoxale, des mouvements environnementaux et écologistes, notamment en Californie où la préservation du patrimoine naturel est devenu un enjeu sociétal et politique majeur.

En Europe, les amphibies écopent au plus près du feu à traiter en fonction de facteurs habituels, opérationnels ou météorologiques, en privilégiant les points d’eau douce pour préserver l’outil de travail. En Californie, pour éviter que des espèces endémiques d’un lac n’aillent perturber les espèces endémiques du lac d’à côté, les avions ne peuvent utiliser qu’un nombre limité de points d’eau et avec la consigne de ne pas changer de point d’écopage sans repasser par un aérodrome pour le rinçage de la coque. Pour des raisons de même ordre, le nombre de lacs autorisés à l’écopage est également limité, pour les régions où ce genre de point d’eau existe, bien évidemment.

Un CL-415 du Québec en train d’écoper sur le Lac Castaic près de Los Angeles, un des rares sites possibles pour cette opération dans la région. (Bombardier)

Ainsi les avions opérant à Los Angeles n’ont que trois points d’écopages possibles. : Le littoral, mais où la houle peut être forte et l’eau salée attaque les avions, ce qui oblige à des rinçages de précaution précis au retour du vol, le lac Castaic, une retenue d’eau pour un barrage située au nord du secteur, au-dessus de Santa-Clarita, et le Santa Fe Dam recreationnal Aera, une autre retenue d’eau de seulement 1200 mètres de long.

Les deux Canadair québécois à l’écopage en août 2015 sur le Santa Fe Dam, le bonheur pour un spotter !

Même si le rapport final de l’évaluation opérationnelle des Canadair d’Aero Flite a reconnu que ces appareils, lorsqu’ils étaient utilisés à proximité de plans d’eau permettant des rotations rapides, étaient viables, la comparaison avec les hélicoptères de type 1 a entraîné la relégation des deux avions sous contrats exclusifs à des contrats CWN. Néanmoins, la saison 2018, violente et mortelle, a vu ces avions être utilisés parfois intensément, notamment autour de Los Angeles et de Malibu.

Un autre facteur semble devoir être pris en considération : Si, en particulier en France, l’utilisation conjointe de plusieurs avions de ce type va de soi, il n’en est pas de même outre Atlantique.

Une vision stupéfiante pour un californien et une façon d’opérer inconnue là-bas, mais pour des raisons logiques.

La noria, qui permet à chacun des intervenants de profiter de l’efficacité du largage précédent pour augmenter l’effet du sien ne peut s’envisager qu’avec un nombre important d’avions, l’unité de base française étant souvent de quatre appareils en patrouille, ou avec la proximité immédiate du plan d’eau écopable.

Or, l’action simultanée de plusieurs avions est un concept peu mis en œuvre aux USA où les Tanker doivent être pris en compte par un Lead Plane et où les écopeurs ne sont pas assez nombreux pour permettre ce genre d’action. D’autant plus que la taille du théâtre d’opération oblige clairement un éparpillement des moyens. Là aussi, la notion de coût ne peut être mise de côté. Mais n’est-ce pas une piste à creuser pour les secteurs où ce mode d’action pourrait se révéler décisif, quitte à adapter les modes opératoires ?

Les avions écopeurs n’ont-ils vraiment aucune chance dans l’ouest des USA ? Certainement non, surtout si on en juge la présence grandissante des amphibies FireBoss et si on se souvient que, en 2007-2008, la présence du Martin Mars en Californie avait vraiment interpellé les pouvoirs publics.

Les avions écopeurs n’ont pas dit leur dernier mot aux USA comme le prouve la présence grandissante des amphibies Air Tractor, comme ceux-ci, relevant de la compagnie Air Spray.

Une autre annonce montre que l’intérêt pour les amphibies canadiens n’est pas mort puisque Viking a dévoilé il y a quelques semaines le nom du client pour lequel trois CL-215 série 5 vont être convertis au standard CL-415EAF.

Projet pour les CL-415EAF de Bridger Aerospace Group, dans le Montana (infographie : Craig Barnett/Viking Air)

Il s’agit de la compagnie Bridger Aerospace, dans le Montana. Pour le moment la destination de ces avions n’a pas été dévoilée, car on ne sait pas si ces appareils vont viser des contrats locaux ou bien s’aligner pour des contrat fédéraux. Un quatrième appareil pourrait venir compléter cette flotte dont la date de livraison n’a pas été précisée encore.

Culturellement, dans l’ouest des USA, les amphibies ont donc du mal à devenir aussi indispensables qu’ils le sont en Europe, concurrencés par les hélicoptères lourds et ne pouvant atteindre les performances des tankers, notamment en vitesse de croisière, une donnée importante quand on connaît les distances à couvrir. C’est peut-être sur ce dernier facteur que la société Seaplane Global Air Services, qui a commandé 4 Beriev 200 et  6 en options pour des missions feux de forêt peut essayer d’argumenter.

Le CL-415EAF et le futur CL-515 de Viking pourront-t-ils changer le sens de l’histoire des avions Canadair aux USA ? (Infographie Viking Air)

On peut imaginer que lorsqu’il sera officiellement lancé le futur CL-515 sera présenté aux différents opérateurs de bombardiers d’eau aux USA. Si cette nouvelle version ne bouleversera peut-être pas l’échiquier opérationnel local on peut aussi penser que les évènement de cet hiver, les dizaines de morts du Camp Fire, peuvent faire bouger les lignes et que, au niveau fédéral comme au niveau local, un regain d’intérêt pour multiplier les solutions de lutte contre les feux pourrait bénéficier au nouveau venu ! Personne n’aurait à s’en plaindre !

Feux en Californie, un pilote témoigne !

Dans son émission de du 12 novembre 2018, Matthieu Belliard, sur Europe 1, a reçu Jérôme Laval, pilote du Cal Fire, de retour en France après sa saison mais sur le point de redécoller en direction de Santa-Rosa, sa base d’affectation, afin de prêter main forte à ses collègues engagés dans la lutte contre le « Camp Fire » au nord, qui est devenu le feu le plus mortel de l’histoire de la Californie avec une quarantaine de victimes à l’heure actuelle, et le « Woolsey Fire », au sud.

http://www.europe1.fr/emissions/votre-grand-journal

L’intervention qui nous intéresse débute à 11″28 et s’achève à 19″10, en voici la retranscription pour ceux qui auraient envie d’aller au principal rapidement :

Jérôme, à bord de son avion, au-dessus de la Californie.

Speak : Il est français, pilote de bombardier d’eau et de retardant, il repart en Californie, vous entendrez Jérôme Laval sur Europe 1 !

Matthieu Belliard : Vous avez forcément vu ces images, peut-être sur les chaînes d’information, la Californie et ses incendies, d’abord autour de Paradise, on est à une heure et demie au nord de San Francisco, puis la région de Malibu. On est sur un bilan d’une trentaine de morts, le bilan le plus lourd aux États-Unis depuis 1933 et pour parler de ces incendies, je vous propose un invité qui est avec nous en studio, Jérôme Laval, bonsoir !

Jérôme Laval : Bonsoir !

MB : Bienvenue dans les studios d’Europe 1, vous êtes pilote de Canadair, d’avions bombardiers aux États-Unis.

JL : Pas vraiment des Canadair, c’est des Tracker, c’est pas exactement la même chose mais on fait partie de la même équipe, c’est à dire qu’on est en avion et qu’on essaye d’aider les pompiers au sol à se battre contre les feux.

« Pas vraiment des Canadair, c’est des Tracker, c’est pas exactement la même chose ! »

MB : Vous êtes français, mais vous travaillez aux États-Unis comme saisonnier ?

JL : C’est ça, je fais ça depuis 23 ans et les saisons, je m’aperçois qu’elles durent de plus en plus longtemps. Au départ, c’était trois, quatre mois, et maintenant, on en est à six, sept mois d’affilé ! Et avec ce qu’il se passe en ce moment, en fait, c’est une répétition, un peu, de l’année dernière, où les feux les pires arrivent en fin de saison voire même au début de l’hiver, novembre, voire décembre.

MB : vous y étiez, aux États-Unis, il y a encore une dizaine de jours, une semaine…

JL : une semaine !

MB : et là, on vous a rappelé pour y retourner en fin de semaine.

JL : oui, parce que les pilotes tournent et donc, voilà, faut que j’y retourne !

MB : parce qu’ils ont besoin de renforts !

JL : oui, tout à fait !

MB : ça veut dire aussi qu’on sait déjà qu’aujourd’hui lundi qu’on aura encore besoin de vous en fin de semaine ?

JL : probablement, je dirai deux-trois semaines facile !

MB : deux trois semaines ?!

Carte du « Red Flag Warning » diffusé par le Cal Fire pour la journée du 12 novembre 2018. Les zones en rouge sont en risque majeur d’incendie.

JL : En fait, la clé : ils attendent la pluie ! Tant qu’il n’y a pas la pluie ils vont armer tous les avions pour être prêts pour attaquer ces feux-là, plus les autres. Il y a ce qu’on appelle un « red flag warning » sur toute la Californie. Ils attendent du vent. C’est un « Mistral » en gros, qui n’arrange rien à la situation, qui en fait est le déclencheur principal de ces feux.

MB : Est-ce que vous avez, parce que nous, nous sommes très impressionnés par les images qu’on voit ici, est-ce que vous avez déjà vu des incendies de ce genre dans le cadre de vos missions ?

JL : Oui, oui !!

MB : C’est toujours similaire, toujours aussi impressionnant ?

JL : Tout à fait !

MB : On a des témoignages de pompiers au sol qui sont poignants, qui sont touchants parce que là, on parle de vies humaines, on voit des maisons calcinées, des zones résidentielles complètement détruites !

JL : Moi, j’ai habité Paradise pendant deux ans. J’ai appelé un copain, qui répondait pas. Et puis finalement il a fini par répondre. Il m’a dit : « je suis parti avec ma famille, on est monté dans la voiture, on est parti, la maison était en feu, donc on a tout perdu sauf les vêtements qu’on portait. »

MB : Dans ces cas là, dans ces cas là on part ?

JL : On part !

MB : on ne se pose pas de question ?!

JL : le feu va tellement vite, c’était trois ou quatre terrains de foot à la minute, donc ça va très vite.

MB : Alors, vous, normalement;  vous travaillez sur une certaine saisonnalité et là, si ils vous rappellent, est-ce que ça veut dire que cet incendie-là, normalement, ne devrait pas avoir lieu au mois de novembre, mi novembre ?

JL : En fait, je dirais, depuis 2014/2015, il y a un changement et les saisons qui étaient typiques qui sont en train de changer et elles sont en train de s’allonger. On ne commence plus en juin mais en mai, on ne finit plus en octobre mais en novembre-décembre, dans le nord de la Californie. Dans le sud de la Californie, les pilotes sont à l’année. Depuis deux ans, il restent à l’année.

L’Arsenal du Cal Fire comprend aussi les OV-10 Bronco, qui ont un rôle primordial dans les missions de lutte contre les incendies en assurant la coordination des moyens terrestres et aériens.

MB : on a besoin d’eux tout le temps !?

JL : tout le temps !

MB : on risque ce genre d’incendie 12 mois sur 12

JL : tout à fait. Ce qui est intéressant, c’est qu’au début de cette année, j’ai beaucoup volé. Je suis dans le nord, j’ai beaucoup volé, sur plein de feux, alors que dans le sud, c’était très calme. Jusqu’à la semaine dernière. Jusqu’à ces feux de Malibu.

MB : De votre expérience, d’ailleurs, je voulais vous poser la question, est-ce qu’on travaille différemment aux États-Unis qu’en Europe ?

JL : Avec la France, la Californie a la même doctrine, la même philosophie d’attaque initiale c’est à dire des avions qui réagissent très vite, et on arrête les feux dans les 5, 10 ha. 97% des feux sont arrêtés à moins de 10 ha. Mais ça, on en entend jamais parler, et d’ailleurs, c’est très bien.  C’est à dire que le job est fait, pas de problème ! Les trois pour cent, c’est les feux catastrophe, c’est le ras de marrée, c’est la catastrophe, donc là…

MB : … On perd le contrôle !

JL : C’est la nature qui prend le contrôle surtout, et nous, on fait ce qu’on peut !

MB : La nature… Et on entendu aussi, aux USA, que Donald Trump commence à s’agacer un petit peu auprès des organisations fédérales, de mettre en cause un peu l’organisation, que ce soit dans la gestion des forêts ou dans la gestion écologique sur place ?!

JL : Aux États-Unis, c’est pas comme la France ; Donald Trump, c’est pas comme le Président Macron, les États-Unis c’est plus une fédération. Le Gouvernement, c’est le gouverneur de Californie, c’est l’équivalent du Président. Sa « Sécurité Civile », en Californie, moi, je pense qu’elle est bien, et en plus elle est en train de s’équiper avec des avions plus gros (NDT : Les C-130 ex Coast Guard/USFS) et changer les hélicoptères, donc ils vont dans le bon sens. Évidemment, comme c’est un État c’est difficile à gérer, l’anticipation n’est pas forcément là, et donc, il sont un peu en retard, mais comme tout le monde, comme tous les états en fait.

MB : Est-ce qu’il n’y a pas un problème avec toutes ces sécheresses à répétitions, un problème de gestion des forêts. En Californie, est-ce que ce débat-là existe ?

JL : Oui, ça existe, effectivement, les américains sont pro-nature, donc ils veulent laisser les forêts telles quelles. Je sais qu’en France, on fait très attention, on nettoie les forêts  beaucoup plus qu’aux États-Unis, et voilà, c’est un choix. Soit on laisse la forêt telle quelle et on risque des feux, soit on habite au milieu avec le risque de voir sa maison brûler soit…

MB : notre correspondant, Benoit Clair, qu’on entendra un peu plus tard dans ce journal, me disait que certains assureurs ne veulent plus assurer des maisons qui sont près de la forêt.

JL : C’est le grand débat actuel en Californie, c’est à dire que maintenant, les assureurs, je pense, vont faire le tour de chaque maison et vont dire: « maintenant, si vous ne coupez pas tel arbre, tel arbre, tel arbre, on assure pas la maison, les arbres sont trop près. » Les maisons sont en bois, déjà y’a un côté..

MB : classiquement…

JL : …anti-sismique, car c’est un pays où il y a des tremblements de terre, donc, c’est compliqué !

MB : Dernière question, Jérôme Laval, sur votre métier, du danger qu’il représente : est-ce qu’il y a beaucoup de pertes chaque année,dans les pilotes. Les hommes au sol, évidement, on le sait, on le déplore…

JL : Alors effectivement, moi, j’ai perdu de très bons copains. En France aussi. C’est un métier, je dirais, « à risque », c’est à dire que ce n’est pas la guerre, les missions de guerre, là, y’a du danger, y’a des gens qui veulent vous tuer, c’est autre chose. C’est risqué, c’est à dire qu’il ne faut pas faire d’erreur, et les marges d’erreur, elles sont assez faibles, donc on s’entraîne beaucoup, on recrute des gens expérimentés, et on les forme. On regarde que les gens, que les pilotes, fassent leur métier du mieux possible, on ne prend pas des gens tout fous, on prend des gens qui ont la qualité de regard, de recul, et en même temps d’action.

Le Tanker 85, l’avion de Jérôme, face au 747 Supertanker, également engagés par le Cal Fire. Ces deux appareils ont un rôle complémentaire, attaque initiale pour l’un, appui massif pour l’autre.

MB : Merci beaucoup Jérôme Laval, on a profité de votre venue dans les Studios d’Europe 1, de votre présence sur le sol français, puisque Jérôme vous le disait, il est rentré il y a une dizaine de jours et repart déjà pour les États-Unis à la fin de la semaine. (…) Merci mille fois Jérôme Laval !

Un siècle après…

Il reste de la « Grande Guerre » plus que des souvenirs, des traces encore visibles dans les champs et les forêts du nord et de l’est de notre pays, des statues sur les places de tous les villages, des plaques couvertes de noms dans les mairies ou les églises.

Survoler le nord de notre pays, ici lors d’un vol entre Lens et Chavenay en 2007, c’est noter les cimetières et les monuments qui parsèment un pays qui fut dévasté par la guerre.

D’autres souvenirs sont plus subtils. C’est sur un des champs en haut à gauche de la photo que le 21 avril 1918, le Fokker Dr1 de Manfred von Richthofen s’est posé avec son pilote mourant aux commandes.

Monument parmi les plus émouvants, le Mémorial de l’Escadrille Lafayette dans le parc de St-Cloud, près de Paris. Le Général Antonin Brocard, l’As américain Raoul Lufbery et une poignée de leurs compagnons d’armes reposent dans sa crypte.

Ils auraient tant aimé que ce soit vraiment la « Der des Der. » On savait comment gagner une guerre, mais pas encore comment gagner la paix.

C’est dans cette clairière que tout s’est terminé. Malheureusement, 22 ans plus tard, la clairière de Rethondes allait être au centre d’un évènement encore plus dramatique.

C’était il y a un siècle, une éternité, et c’est pourtant si proche de nous encore…

Le Conservatoire de l’Air et de l’Espace d’Aquitaine

Le Conservatoire de l’Air et de l’Espace d’Aquitaine (CAEA) se trouve à Bordeaux-Mérignac, sur la base aérienne 106 « Michel Croci ». Dans le hangar HM2 c’est une fantastique collection d’aéronefs qui a trouvé abri, mais la visite recèle bien des surprises.

L’unique Mystère IVN est une des très belles pièces du CAEA, mais elle est loin d’être la seule !

Parce qu’il se trouve sur une base militaire, le CAEA ne se visite pas à l’improviste. Il est nécessaire de prévenir à l’avance afin qu’une autorisation, un laissez-passer, puisse être délivré par le commandement de la base aérienne et vous permettre ainsi de franchir les grilles du poste de garde. La demande peut se faire par l’intermédiaire du formulaire de contact du site du CAEA, mais les bénévoles sont aussi très réactifs aux demandes faites en message privé sur leur page facebook.

La démarche est loin d’être inutile car le site n’est ouvert, avec l’autorisation des autorités militaires locales, que trois jours par semaine, le mardi midi, le jeudi matin et le samedi matin. Les volontaires du CAEA sont également soumis à ces restrictions ce qui peut ralentir les opérations de restauration et les projets en cours du Conservatoire. Néanmoins, la mise à disposition du hangar est aussi la preuve de la bienveillance des militaires envers le travail de préservation du patrimoine aéronautique qui est effectué au cœur de leur enceinte.

Après avoir pris rendez-vous et vous êtes présentés à l’heure dite à l’entrée de la base, vous êtes pris en charge par un membre du Conservatoire et vous échangez votre document d’identité et la carte grise de votre véhicule contre des badges visiteurs et vous n’avez qu’à suivre pour gagner le HM2.

Sur place, vous vous acquittez de votre cotisation annuelle de membre du conservatoire, 10€, plus si affinités, qui vous offre le droit de revenir quand vous voulez (tout en suivant la procédure) pendant un an et vous accédez au hangar. La première impression est incroyable. Quel capharnaüm ! J’ai même entendu parler d’un « Tetris » géant !

« Tetris, niveau 847 »

Des avions partout, un peu entassés les uns sur les autres, tout simplement parce qu’ils sont nombreux et que la place est comptée. Un cheminement est néanmoins possible entre les machines, mais les obstacles restent nombreux et rendront la visite très compliquée en fauteuil roulant par exemple. Là, vous êtes libres de vous promener autour des avions comme vous le voulez, et il y a beaucoup à voir comme ces quelques photos le montrent.

Le Noratlas n°188 est l’une des plus grosse pièces de la collection.

Son cockpit, accessible au public, a été consciencieusement et très précisément restauré. Simplement splendide !

Bordeaux oblige, le CAEA possède une des plus belles collections d’avions Dassault, dont quelques pièces rares voire uniques comme le premier Falcon 20 de série, un des deux Falcon 30 construits, mais aussi des Mirage comme si il en pleuvait dont un Mirage IVP, plusieurs Mirage III et deux Mirage F1 aux couleurs irakiennes ainsi qu’un Mirage 2000B. On trouve aussi des appareils plus anciens, Ouragan, Mystère IV, SMB2 et Flamant.

Le Mirage 2000B01

Un Mirage 5F aux couleurs de la 13e Escadre de chasse de Colmar.

On note aussi la présence d’un Jaguar, le E01, et du SEM n°33.

Le Jaguar E01

Le SEM n°33, toujours au couleurs de la 17F.

En 2010, lors du meeting d’Hyères commémorant le centenaire de l’aéronautique navale, cet avion arborait les armoiries de la ville de Bordeaux, nul doute qu’en cas de restauration, il pourrait les retrouver !

Relevant aussi de l’Aéronautique Navale, l’Alizé n°50 arbore toujours la décoration qu’il avait reçu à l’occasion de la dissolution de la 6F en 2000.

Le Breguet Alizé n°50, toujours souriant, 18 ans (déjà !) après son retrait de service.

Il est accompagné d’un Super Frelon et d’un Vought F-8P Crusader, un beau quatuor de Légendes ! Et c’est sans compter un superbe HSS.

Le Crusader 32. Mais où est passé l’insigne de la 12F ?

D’autres machines, plus discrètes, n’ont pas manqué d’éveiller notre intérêt comme ce Reims-Cessna 337, un des deux appareils de ce type utilisés par le CEV, qui semblerait presque encore en état de voler.

Le Cessna « Push-Pull » du CEV.

La planche de bord du Cessna 337 F-ZAGU.

Juste à côté, on trouve un très rare Nord 3400 Norbarbe aux couleurs de la Gendarmerie, actuellement partiellement démonté mais au moins préservé dans de bonnes conditions.

La Gendarmerie Nationale a utilisé 6 avions de ce type jusqu’au milieu des années 70.

Trois appareils nous ont particulièrement interpellés :

Comment ne pas évoquer le CL-215 « Pélican 47 », arrivé par la route en 2005 après avoir passé neuf années en face des hangars Boussiron à Marseille ? Il est plutôt en bon état. Seul son cockpit, et en particulier sa planche de bord, aurait besoin d’une bonne restauration mais ce n’est qu’une question de temps, le CAEA devant disposer de tous le matériel nécessaire. Un camion GMC récupéré auprès des pompiers est également visible à côté de lui. De quoi organiser un coin « pompiers et Sécurité Civile » puisque le CAEA possède aussi une Alouette III rouge et a débuté les démarches pour obtenir un Firecat lorsque ce sera possible.

Le CL-215 n°1047, « Pélican 47 », bien à l’abri à Bordeaux.

Mais un autre appareil a retenu notre attention.

Il a bien fière allure, cet Invader ! Cet avion remarquable, à l’histoire fabuleuse – rappelons qu’il est entré en service pendant la seconde guerre mondiale et que les derniers exemplaires opérationnels ont combattu les feux au Canada jusqu’en 2004 ! – est en cours de restauration aux couleurs d’un des nombreux appareils de ce type utilisés par l’Armée de l’Air française en Indochine, en Algérie et en métropole. Cet exemplaire a été affecté au CIB 328 à Cognac à l’époque… un voisin en quelque sorte !

Le A-26C du CAEA n’a pas été que superbement repeint, il a été restauré consciencieusement.

Le cockpit de l’Invader, tel qu’il se présente aujourd’hui. Sa bulle de nez vitrée sera équipée de son viseur Norden.

C’est pourtant un autre bimoteur que nous avons découvert avec encore plus d’intérêt. Le CAEA est un des rares endroits au monde où il est possible d’admirer un NC.702. Le Martinet est un dérivé, construit en France, du Siebel 204 Allemand et qui a été utilisé jusqu’à la fin des années 60. Ce type d’avion est aujourd’hui devenu fort rare puisqu’on ne compterait que trois appareils survivants sur les 350 construits. L’avion du CAEA, ancien du CEV, est dans son « jus » et semble dans un état superbe. Il ne manque juste que quelques instruments sur sa planche de bord. Comme les photos de le prouvent, il est accessible aux visiteurs pour peu qu’un membre du Conservatoire vous propose de l’ouvrir.

Le Martinet, un des fleurons de la collection bordelaise.

Le cockpit du Martinet. Il ne manque juste que quelques instruments !

Mais la richesse du CAEA n’est pas constituée uniquement d’avions, même si le hangar a déjà l’air d’un coffre au trésor assez phénoménal. L’esprit Capharnaüm des lieux est aussi accentué par la présence d’innombrables matériels aéronautique d’une diversité incroyable. Il s’agit d’armement embarqué, bombes, lanceurs de roquettes et leurs projectiles – tous désarmés bien entendu – permettant d’exposer les avions dans leurs configurations opérationnelles d’origine, mais aussi de véhicules et d’innombrables moteurs et accessoires en tous genres.

Lanceur de roquettes sous l’aile du Jaguar E.

Civière d’Alouette II de l’ALAT. Pas la meilleure façon de faire son baptême de l’air, mais il est rare de trouver un hélicoptère exposé avec cet accessoire historique.

Moteur fusée de Mirage IIIC sur son charriot porteur. Une pièce extrêmement intéressante et exposée « dans son jus » en parfait état.

Les salles annexes abritent aussi une riche collection de moteurs et réacteurs de nombreux types, parmi lesquels se trouvent quelques raretés comme ces deux réacteurs qui équipaient le Mirage IIIV à décollage vertical.

Deux des réacteurs de sustentation du Mirage IIIV abrités au CAEA.

Une autre salle est consacrée à Air France, une troisième abrite une superbe collection de tenues de vol, de casques et de sièges éjectables et où un nez d’Alpha Jet allemand est utilisé en diorama pour présenter une séquence d’éjection. Une quatrième est réservée à la documentation, le CAEA étant dépositaire d’importants documents d’archives et dispose d’une bibliothèque d’une grande richesse comprenant, entre autres, une collection compète de l’Aerophile dont le premier numéro a été publié en 1893. Une autre salle est spécialisée dans l’histoire de l’aviation à Mérignac et rassemble maquettes, photos, uniformes et autres souvenirs d’un intérêt considérable.

Une belle collection de casques, de combinaisons de vol et autres accessoires utilisés par les pilotes français.

La dernière salle est réservée à la section « simulation ». Au début des années 2000, les membres du CAEA ont été des pionniers dans la pratique du vol en réseau et en ligne sur les logiciels de simulation de vol du commerce comme Flight Simulator. Plusieurs de ses membres ont aussi collaboré pour créer des « Add-on » afin d’agrémenter le logiciel dont un des plus fameux a été un Falcon 50 conçu pour FS2002 et proposé en téléchargement libre, modifié pour FS2004 et qui poursuit sa carrière sur FSX ou P3D.

A bord du Falcon 50, en finale à Carcassonne, sur FS9 (2004).

Cet avion pouvait être piloté au CAEA depuis un cockpit reconstitué, qui existe toujours, ouvrant la voie à d’autres « simulateurs personnels » dont un clairement inspiré de l’Airbus A320 aujourd’hui en voie d’achèvement.

Le simulateur du Falcon 50 du CAEA.

Une section « chasse » est aussi particulièrement active avec ses quatre postes de pilotage permettant de travailler le vol en patrouille et le combat aérien, les pilotes étant évalués par leur instructeur et le résultat de leur progression affiché sur un « picasso » comme à l’EAC de Tours !

Cet authentique nez de Transall est, lui aussi, voué à devenir un nouveau simulateur de vol.

En raison de l’organisation du CAEA, les avions préservés sont assez difficiles à photographier. On pardonne d’autant mieux ce problème qu’ils sont bien à l’abri des éléments et même si la plupart sont couverts de poussière, ils sont tous bien conservés.

L’accessibilité du site, même pour ses bénévoles, demeure un problème car limitant sérieusement le temps qu’ils peuvent passer à restaurer et préparer leurs avions. Un projet de déménagement en dehors de l’enceinte militaire est donc en cours, sur la commune voisine de St-Jean d’Illac. Ce nouveau site, qui reste à financer puis construire, pourra être relié à la piste de Bordeaux pour permettre l’arrivée par les airs des avions à préserver. Il comportera plusieurs bâtiments pour  exposer la collection et procéder aux restaurations, mais tous seront accessibles au public. Des espaces sont aussi prévus pour maintenir et développer les nombreuses activités annexes qui se sont agrégées au CAEA. D’autres associations, aéronautiques mais pas obligatoirement, pourront donc avoir leur siège sur place et disposer d’espaces pour leurs activités.

Une salle polyvalente pourra permettre de varier les animations et pourrait faire du CAEA un des pôles d’animation du secteur de l’aérodrome sans dénaturer sa vocation première de préservation du patrimoine aéronautique.

Il reste à trouver le financement car c’est un projet ambitieux évalué à une douzaine de millions d’Euros. Ainsi dans ses propres murs, le CAEA devrait devenir un site rapidement incontournable pour plein de bonnes raisons.

Voici, en quelques mots, un rapide tour des collections du Conservatoire. Leur site vous indiquera en détail les autres trésors préservés à l’abri du HM2.

Mais ce que ne montrent pas des photos, c’est l’ambiance qui règne à l’intérieur. Tout au long de nos trois heures de visite, nous avons croisé de très nombreux membres du CAEA affairés à restaurer les avions ou vaquer à d’autres tâches importantes. Mais tous étaient très accessible et désireux de faire profiter les visiteurs de leurs connaissances. Ainsi nous avons eu accès à l’intérieur du Martinet, au Canadair, des salles annexes, au moteur fusée du Mirage III ou au cockpit du 337 sans avoir rien à demander !

Les bénévoles du CAEA en pleine manutention d’une pièce parfaitement identifiée et non dépourvue d’intérêt.

Cet accueil aimable, souriant et efficace a fait de cette visite un très agréable moment en plus d’être particulièrement instructif. Très logiquement cette visite s’est terminée dans la salle de repos des bénévoles (c’est le nom que portent généralement les bars…) mais un autre rendez-vous prévu nous a empêché, à regret, de répondre à l’invitation de partager avec toute l’équipe l’apéro qui s’annonçait !

Par la richesse des collections présentées, même si les avions ne peuvent pas vraiment être mis en valeur pour le moment, la visite du CAEA s’impose vraiment aussi parce que ce site respire la passion de l’aviation et que l’ambiance y est juste unique !

 

Merci aux membres du conservatoire qui nous ont accueilli chaleureusement et guidé lors de notre visite. A bientôt !

Le TU-154M « Supertanker » Iranien !

L’Iran vient de dévoiler sa nouvelle arme pour lutter contre les feux de forêt, un Toupolev TU-154M modifié avec une soute à retardant. L’appareil vient d’effectuer ses premiers largages d’essais.

Largage de démonstration pour le premier TU-154M modifié pour la lutte anti-incendie en Iran.

En 2013, les visiteurs du salon aéronautique de l’île de Kish en Iran avaient pu assister à une démonstration d’un Il-76 du corps des Gardiens de la Révolution équipé d’une soute VAP-2 effectuant un largage. En flânant dans les stands, le visiteur curieux pouvait tomber sur un stand proposant une conversion Tanker du Tu-154. L’observation de la petite maquette montre un système de soutes en série, sans doute pressurisées, donc un principe similaire à celui qui équipe le Boeing 747 Supertanker.

Présentation du projet Tu-154M au salon aéronautique de l’île de Kish en 2013. (Photo : DR)

Le Toupolev TU-154 est un triréacteur moyen courrier pouvant accueillir jusqu’à 180 passagers qui a fait son premier vol en 1968 et qui a été produit à un peu plus de 1000 exemplaires. La version M est apparue au début des années 80 et comporte un grand nombre d’améliorations, notamment des réacteurs D-30KU plus puissants et une charge utile accrue. 320 exemplaires, environ, ont été produits jusqu’en 2006.

Cet avion, à la carrière dense, largement exporté en dehors de l’URSS et de la Russie, possède néanmoins une réputation sulfureuse, marquée par un grand nombre d’accidents. Le plus spectaculaire fut celui du 10 avril 2011, lorsqu’un des deux TU-154M de l’aviation militaire polonaise s’écrasa dans le brouillard près de l’aérodrome de Smolensk faisant 96 morts dont le Président Lech Kazynski et un grand nombre de personnalités polonaises se rendant aux cérémonies commémoratives du massacre de Katyn.

En 2011, après plusieurs accidents, les autorités aéronautiques russes recommandèrent le retrait de service du type, néanmoins une poignée d’appareils continuent d’être opérationnels à travers le monde.

Un Toupolev TU-154M de la compagnie Air Tours en 2010, peut-être un de ceux destinés à devenir des « Supertanker » à la mode Perse. (Photo : K. Talebzadeh)

En Iran, plusieurs compagnies ont utilisé le type, marqué, là aussi, par un grand nombre d’accidents, dont la compagnie Air Tours. Fondée en 1973 comme filiale d’Iran Air pour les vols intérieurs, Air Tours a été dotée de TU-154 jusqu’au retrait du type en Iran en 2011. 14 de ces avions ont donc été stockés sur différents aérodromes et plusieurs d’entre eux ont été sélectionnés pour être transformés en « Tanker » par Iran Aircraft Manufacturing Industrial Company (HESA).

Le premier vol du premier appareil modifié s’est déroulé au mois de juillet 2018. Les  essais de largage initiaux ont eu lieu le 28 septembre suivant à Ispahan.

Destinés à travailler au retardant pour le compte de la flotte nationale de lutte contre les feux de forêt, mise en place en 2015 en Iran, cinq à six autres appareils doivent être convertis selon les déclarations du ministère de la Défense iranien.

Selon une agence de presse locale, l’avion dispose bien d’un système de soute sous-pression pouvant contenir 18 tonnes d’eau ou de retardant. Le largage peut prendre 5 secondes.

L’Iran possède quelques zones forestières, sur les plaines côtières de la mer Caspienne et dans la région des Monts Zargros. Les zones de steppes, et notamment des steppes arborées sont par contre plus vastes, essentiellement dans le nord et le nord-ouest du pays, et à ce titre peuvent effectivement constituer des zones à risque pour les feux de forêt.

A gauche, Aboulfazl Mehregan-Far, ancien pilote de chasse sur F-14, commandant de bord du TU-154M. (Photo via B. Taghvaee)

L’émergence d’un nouveau type de Tanker, dans un secteur considéré traditionnellement, et sans doute trop rapidement, peu impacté par les feux de forêt est une preuve de plus d’une prise en compte internationale de ce risque écologique.

Le choix du Tu-154 est surprenant, au regard du passif accidentogène de l’appareil mais s’inscrit aussi sur un choix économique similaire à celui qui dicte le choix des appareils pour les opérateurs privés US. On verra donc si cette seconde carrière fera du triréacteur Toupolev une autre grande légende des pompiers du ciel !

 

 

Merci à Alexandre Dubath pour ses informations.

Paris-Villaroche Air Legend 2018

Principale base d’essais au temps de la renaissance des ailes françaises, après la seconde guerre mondiale, site chargé de la mémoire des Dassault, où traîne encore l’ombre de Kostia Rozanoff et des grands pilotes d’essais français, période héroïque, Melun-Villaroche est, petit à petit, tombé dans l’oubli tandis qu’au même moment, à un jet de caillou de là, une petite piste en herbe forgeait sa propre légende. Autres avions, autre histoire et autre mythe.

Mais en cette fin d’été, Villaroche, la belle endormie, a été tirée de son sommeil lors d’un meeting aérien tonitruant, organisé par JM AirShow, le Paris Villaroche Air Legend, que ses promoteurs souhaitent vivement imposer comme l’évènement aéronautique incontournable de fin de saison.

Un Mystère IVA devant les hangars de Melun-Villaroche, une scène toute droite tirée d’un vieil album hérité des années 50 !! Ou pas !

Pour se distinguer des différents meetings aériens français et du plus emblématique d’entre-eux, qui, de plus, se déroule dans le même secteur géographique, les créateurs de l’évènement, Eric Janssonne et Thierry Marchand, ont puisé leur inspiration de l’autre côté de la Manche et plus particulièrement à Duxford, aérodrome au nord-est de Londres, considéré comme le paradis des Warbirds, des chasseurs et avions emblématiques de la seconde guerre mondiale.

Warbird emblématique, le Spitfire était présent en deux exemplaires au Paris Air Legend.

En partant du principe d’un plateau plus resserré mais avec une thématique marquée – et c’est vrai qu’on a rarement vu autant de chasseurs de la 2e GM rassemblés sur un parking d’aérodrome français depuis belle lurette – Il y avait matière à combler un vide dans la « meetingographie » française, de quoi s’assurer les bonnes grâces de la « spotterosphère » et des amateurs de grands spectacles !

C’est un show aérien de cinq heures qui nous  a été présenté, et où les héros de la Seconde Guerre mondiale ont donc été particulièrement à l’honneur.

Une des très grandes légendes de la deuxième guerre mondiale basée à Melun.

De nombreux avions invités ont marqué cette première édition de leur empreinte, des avions rarement ou jamais vus jusqu’ici en meeting en France, renforçant clairement l’intérêt de l’évènement.

Le TBM Avenger de l’AMPAA, que l’on ne voit que trop rarement en meeting aérien.

Mais avant de s’intéresser au spectacle proposé, un meeting aérien peut aussi se juger sur la qualité de son organisation. Pour l’accès des véhicules, un grand champs juste à l’entrée de l’aérodrome a servi de parking ; plus près, ce n’était pas possible ! Néanmoins pour les « piétons » désireux de se rendre au meeting en transports en commun, un service de bus-navette a été organisé depuis la gare de Melun, à raison d’un bus toutes les heures pour un coût de 3€ par trajet et par personne (6€ aller-retour).

Indication de l’arrêt de la navette, en face de la gare, un peu timide. Mais l’essentiel c’est bien d’avoir prévu aussi ce mode de transport !

C’est aussi un signe tangible du soin apporté par l’organisation pour rendre l’évènement réellement accessible à tous et il faut le porter aussi à leur crédit. Néanmoins, il fallait trouver le bon bus, le fléchage sur place étant un peu timide.

Une fois arrivé sur place, après être entré sur le site très rapidement et avoir parcouru les stands au pas de course, rendu visite tout aussi rapidement à la reconstitution d’un camp militaire de la seconde guerre mondiale, il était déjà trop tard pour aller visiter les avions du meeting au statique.

La salle de briefing du camp reconstitué avec deux figurants en train de taper les rapports sur d’antiques machines à écrire. Belle ambiance !

L’ensemble des avions du meeting étaient effectivement accessibles au public, le matin dans leur enclos, moyennant un supplément de 5€. Le samedi, les avions ont même été présentés sans aucune clôture mais devant l’indiscipline de certains, qui se sont amusés à tripoter les appareils devant pourtant prendre l’air ensuite, les organisateurs ont été dans l’obligation de protéger les avions, mais autour desquels il restait possible de tourner. Certaines traditions anglo-saxonnes ne sont toujours pas possibles avec un public plus latin.

Présent pour faire la promotion de sa compagnie, le Beech 18 de l’Aéro Vintage Academy n’a malheureusement pas volé lors du meeting.

Vers 13h, il était l’heure de se rapprocher de la piste. Dans l’enclos spotter situé au nord de la « flight line » où mon badge presse m’a permis d’entrer pour rejoindre des amis qui avaient réservé leurs places il y a plusieurs semaines de cela, j’ai bien reconnu le haut-parleur qui se trouvait devant nous à la Ferté-Alais. De toute évidence, il était réglé avec les mêmes paramètres, nous y reviendrons.

Les deux Alpha Jet de Tours au statique.

L’axe des démonstrations était parallèle à la piste 01-19 sur laquelle les avions les plus légers décollaient et atterrissaient. Pour des raisons évidentes, les appareils les plus lourds, ou nécessitant plus de longueur de piste pour opérer (DC-3, Noratlas, Rafale, Vampire par exemple) décollaient et atterrissaient de la 10-28, plus éloignée du public.

Skyraider au décollage en 01

Le show a débuté vers 13 heures, à contre-jour pendant les deux premières heures. Gênant, mais on a connu pire !

Il faut bien reconnaitre que le pari initial des organisateur a été parfaitement tenu avec une grosse vingtaine de warbirds, dont quelques raretés. Ne manquait juste que le F-86 de Frédéric Akary, annoncé en vedette puisque Melun aurait été sa première présentation publique, mais l’administration américaine ne l’a pas encore autorisé à traverser l’Atlantique, un aléa comme il est fréquent d’en connaître dans ce genre d’affaires.

En dehors de cette absence, le spectacle était à la hauteur des promesses faites. Deux avions se sont clairement détachés par leur rareté et leur intérêt historique. Le premier était CAC Boomerang, en fait une réplique sur base de T-6, un choix logique, le chasseur australien étant un cousin germain du mythique North American d’entraînement.

Le CAC Boomerang, créé en Australie en urgence pour faire face à l’avancée japonaise dans le Pacifique, n’eut heureusement pas à affronter la chasse de l’aviation impériale.

L’autre vedette fut le P-47 Thunderbolt, un des chasseurs majeurs du second conflit mondial, présent sur tous les fronts et dont la carrière après-guerre, notamment dans l’armée de l’Air française, est d’une richesse historique indéniable. En dépit des 15 636 exemplaires produits,  seule une douzaine d’exemplaires demeure en état de vol au mains d’associations ou de particuliers fortunés et « Nellie » est le seul de son espèce en Europe.

P-51 et P-47, la chasse US en force !

Pour le spectacle, deux Piper Cub  rapidement suivis par le solo display Alpha Jet, ont constitué un apéritif tout à fait convenable avant de laisser la place à une paire de T-6 accompagnés pour l’occasion d’un rarissime Vultee BT-13 Valiant.

Le Vultee Valiant, avion d’entraînement des années 30, était surnommé le « vibrator » !

Version Suisse du MS.406, le D-3801 est un warbird parmi les plus précieux.

Les combats aériens du début de la seconde guerre mondiale ont été évoqués par la démonstration du D-3801, le dernier survivant de la famille MS406 puis par une patrouille de trois Hurricane – il est extrêmement rare d’en voir autant voler ensemble – s’opposant à deux Buchon, la version espagnole du Bf109 au cours d’un ballet aérien bien construit.

Trois Hurricane en formation, un spectacle rare !

Ils furent suivis par deux Spitfire Mk.V.

Vint le temps de la guerre dans le Pacifique où les avions ont évolué pour évoquer la bataille de Midway à l’aide de plusieurs T-6, un Catalina et d’un P-40. Un F4F Wildcat, deux TBM Avenger et le T-6 « Zéro » s’envolèrent ensuite pour évoquer les opérations aéronavales et permettre à Bernard Chabbert de s’appesantir sur l’histoire du pilote japonais Saburo Sakaï.

Le TBM Avenger « Charlie’s Heavy », venu de Suisse et qui, il y a quelques années, volait aux couleurs françaises.

L’histoire se poursuivit avec trois chasseurs Yak, emblématiques du front Russe et de l’épopée de l’escadrille française Normandie, le CAC Boomerang puis le F4U-5NL de la Ferté récemment remis en vol après un long chantier.

Le Corsair évoluait presque à domicile. Il est ici en configuration appontage.

Le P-47 Thunderbolt effectua ensuite son vol.

Le seul P-47 Thunderbolt en état de vol en Europe, un avion majeur dans l’histoire de l’aviation, était présent à Melun.

Et puisque nous étions dans une série de chasseurs de légende, le P-51 Mustang voltigea avant de laisser sa place au Sea Fury et ses fameux fumigènes persistants.

Le Sea-Fury, chasseur embarqué aux performances extrêmes pour un avion à moteur à pistons.

Pour les amateurs de moteurs puissants, difficile de bouder son plaisir ! On en a eu plein les yeux !

La suite du programme fut sensiblement plus calme pour un moment, mais d’un intérêt tout aussi vif. Après le passage d’un Fieseler Storch accompagné d’un Piper Cub, c’est le splendide Lockheed Electra de la famille Chabbert qui prit l’air.

Et puisque nous en étions aux grandes légendes du transport aérien une formation, absolument magique, évolua devant nous ensuite, un Dassault Flamant précédé par deux DC-3 et par le désormais très rare Nord 2501 Noratlas.

Un Noratlas, deux DC-3 et un Flamant évoquant la renaissance du transport aérien, civil comme militaire, dans l’immédiat après-guerre.

Le Noratlas est basé à Marseille, le DC-3 à Melun.

Ce dernier effectua ensuite sa démonstration solo qui s’acheva avec un joli posé d’assaut sur la piste 19.

Le Noratlas plonge vers la piste de Melun pour une démonstration de poser d’assaut.

Après les passages du Flamant et des DC-3, le spectacle s’intéressa à la guerre du Vietnam avec le décollage d’un A-1 Skyraider et de l’OV-10 Bronco. Comme pour le tableau « Midway », cette démonstration fut renforcée par quelques effets pyrotechniques.

Le Bronco dit « De Montélimar », présenté en vol en compagnie d’un Skyraider pour évoquer les missions « Sandy » au Vietnam.

Si la Patrouille de France, présente uniquement le samedi, avait conclu le premier jour de cette grande première, le Paris Air Legend s’est achevé le dimanche avec une arrivée en force de l’aéronavale et une formation grande flèche, guidée par le MS760 Paris, composée de 4 Rafale M de la 12F et de deux Vampire venus de Nangis, l’occasion d’évoquer Jean-Maris Saget, autre grand nom des essais en vol Dassault.

Chasseur de l’immédiat après-guerre, le Vampire a connu une carrière opérationnelle exceptionnellement longue.

Après avoir laissé le Paris puis les Vampire évoluer, une évocation logique à Melun, ce sont les Lascar de la 12F qui ont procédé à leur démonstration à quatre avions, difficile à photographier mais passionnante à suivre et terriblement spectaculaire. Dommage que leur commentateur spécifique n’était pas à la hauteur.

Rafale M en configuration appontage en train d’effectuer un « bolter », une remise de gaz lors d’une tentative avortée de poser sur un porte-avions.

Les commentaires et l’animation sonore, parlons-en. Si le talent de conteur de Bernard Chabbert ne peut pas être mis en question tant il est évident, et si sa capacité à tenir en haleine le public demeure intacte, je suis plus partagé sur son accompagnement systématique de musiques et d’effets sonores assourdissants parfois, obligeant les spectateurs le long des barrières à hurler pour pouvoir se parler entre-eux, ce qui s’avère épuisant à la longue.

Mon ami le haut-parleur prend la pose. Ha, si il avait été moins bruyant ! Notez à l’arrière plan les pompiers qui éteignent les restes des effets pyrotechniques.

Si je ne faisais pas de photo, je me serai réfugié bien loin de la ligne de vol pour être tranquille… Et parfois, je me sens frustré de ne pas pouvoir apprécier à sa juste qualité le son des moteurs Merlin ou la vibration des pistons des DC-3. Le son des avions peut très bien se suffire à lui même !

Se lasser du DC-3 ? Pas sur 09-27.fr !! Mais qu’on nous laisse l’écouter voler !

26 000 spectateurs (hors presse et invités) ont donc assisté à cette grande première, qui a connu une météo quasi idéale. Néanmoins les organisateurs ont annoncé qu’ils étaient largement au-dessus de leurs prévisions et que la reconduite de l’évènement pour l’année prochaine semble assurée, ce qui  constitue une excellente nouvelle.

Il ne fait guère de doute que Villaroche permettra d’accueillir beaucoup plus de public au fur et à mesure que ce meeting aérien s’imposera dans le calendrier européen.

Pour une grande première, elle a été vraiment réussie et nous adressons nos félicitations aux équipes qui ont contribué à ce succès.

Rendez-vous en septembre 2019 !

Visite du 747 Supertanker

Véritable vedette de l’exposition statique de l’Aerial Firefighting Event en mars dernier, le Boeing 747 Supertanker de la société Global Supertanker Services était accessible aux visiteurs. A l’heure où il a rejoint les opérations en Californie voici à quoi ressemble, de l’intérieur, le plus gros « camion de pompiers » volant de l’histoire.

Le Supertanker à son arrivée à Sacramento-McClellan le 11 mars 2018.

Ancien « Liner » de Japan Airlines, le futur N744ST a été mis ensuite au standard cargo (BCF pour Boeing Converted Freighter) pour la compagnie Evergreen International Airlines. A la faillite de celle-ci en 2013, il est racheté par son propriétaire actuel, une société formée essentiellement par des anciens d’Evergreen désireux de poursuivre l’exploitation du concept de Boeing 747 de lutte anti-incendie qu’ils avaient développé depuis le début des années 2000.

Le Supertanker sur le parking de Sacramento, bien entouré.

Alors que les deux précédents Supertanker, qui attendent désormais leur sort dans le désert, n’avaient connu que quelques opérations épisodiques étalées sur une décennie, le nouveau 747, qui a effectué son premier largage test au printemps 2016, a vécu une première année d’opérations plus trépidante qu’espéré, intervenant en Israël en novembre, au Chili de janvier à février 2017 puis en Californie, pour le compte du Cal Fire, du début de l’été à la fin des opérations en décembre. Au total, l’avion a effectué aux alentours de 150 largages opérationnels sur feux pour sa première année de service.

Après un court hiver passé en maintenance à Colorado Springs, sa base principale, l’appareil a été déployé à Sacramento McClellan dès le mois de juin 2018. Il a été activé ensuite à plusieurs reprises par la Californie pour combattre les feux au sud comme au nord de l’état, et le 21 juillet, il a effectué son premier largage en Oregon, à son tour frappé par plusieurs gros feux, une mission ponctuelle effectuée pour le compte du Department of Forestry (ODF) et qui a donné lieu à trois sorties.

La décoration résolument contemporaine du Supertanker est directement inspirée de la livrée « maison » utilisée par Boeing pour ses démonstrateurs.

Orné d’une décoration élégante et contemporaine, le Tanker 944 ne passe pas inaperçu. On accède à son bord par la porte avant gauche qui débouche directement sur le pont principal où se trouvent les deux rangées de réservoirs qui constituent l’ensemble de largage.

Le système est celui qui a été construit et installé pour le premier Supertanker, un 747-200F qui disposait d’une porte cargo dans le nez. Le 747-400BCF ne dispose que d’une porte cargo située à l’arrière, le système capable d’emporter environ 75 000 litres de retardant a donc été modifié pour pouvoir être installé à bord.

Les réservoirs du Supertanker. Les deux circuits sont indépendants et pourraient même être chargés de produits différents, une possibilité qui n’a pas été exploitée jusqu’à présent. A droite, l’échelle sommaire pour accéder au pont supérieur.

Le système de réservoirs et de mise sous pression occupe presque tout le pont principal ce qui fait que le Supertanker conserve les trois compartiments cargo se trouvant sous le plancher du pont principal, bien pratiques pour transporter le matériel nécessaire pour un déploiement. Le compartiment avant peut toujours recevoir deux conteneurs ULD (Unified Loading Device, en français conteneur LD3) et le dévidoir utilisé pour le chargement du retardant. Le compartiment cargo arrière est occupé par les quatre buses de largage et ne peut plus servir qu’à ranger la barre de remorquage de l’avion. Le troisième compartiment, tout à l’arrière, est réservé au vrac et peut aussi continuer à être utilisé pour transporter des pièces de rechange supplémentaires.

Une échelle métallique permet d’accéder au pont supérieur. On est loin de l’escalier des versions passagers. La bosse caractéristique des 747 constitue la « zone vie » du Supertanker avec à l’avant, le poste de pilotage.

Le cockpit du Supertanker ne diffère pas, dans son aménagement, de ceux des appareils de même version utilisés pour des missions plus classiques.

Pour celui qui le découvre, le cockpit d’un Boeing 747 est surprenant. Alors que l’avion affiche des dimensions particulièrement généreuses, le poste de pilotage n’est pas si spacieux, avec un plafond finalement assez bas. Mais il reste assez large pour être confortable. Il est situé relativement en haut et bien en avant du train principal ce qui demande une certaine rigueur pendant les roulages.

Sa planche de bord, avec ses cinq écrans multifonctions lui donnent un aspect très familièrement contemporain. C’est oublier que le premier vol d’un 747-400 remonte à 1988 et qu’il s’agissait, à l’époque, d’une avancée considérable pour la gestion des systèmes en vol. A l’origine, l’équipage des premières versions du 747 était composé d’au moins trois hommes, pilote, co-pilote et ingénieur de bord, les version tardives comme le 747-400 ont été conçues directement pour un équipage à deux.

Néanmoins, la spécificité des missions feux a conduit GSS à créer un nouveau rôle à bord, le DSO, Drop System Operator, assis sur le « jump seat » central et qui dispose d’une console latérale pour gérer l’ensemble du système de largage pendant que les deux autres gèrent l’avion et sa trajectoire.

Le siège du DSO, en arrière de l’équipage, et sa console latérale lui permettant de gérer les circuits du système de largage sous pression.

Le principe du système de largage du Supertanker est d’utiliser de l’air sous pression contenu dans 8 des réservoirs du pont principal. Pour des raisons de centrage, ce sont les réservoirs les plus en arrière, ceux contenant le retardant étant au dessus du centre de gravité de l’avion. Un système de tuyaux permet ensuite à cet air de venir chasser la charge qui se déverse alors par quatre buses situées juste en arrière de l’aile. Pour mettre ces réservoir sous pression, il est nécessaire d’employer un compresseur haute pression externe. L’une des évolutions possibles du Supertanker sera d’ailleurs de pouvoir disposer d’un compresseur interne pour être encore plus autonome lors de ses déploiements. Lors du largage, l’air passe par un système de régulation et en jouant ainsi sur la pression et sur le nombre de buses utilisées, le DSO est en mesure de faire varier la densité du largage (coverage level de 2, faible densité, à 10, forte densité). Le rôle du troisième homme d’équipage est donc crucial.

Derrière eux se trouve la cabine équipée d’une douzaine de sièges de première classe, extrêmement confortables, permettant à l’appareil de se déployer avec son équipe au complet, mécaniciens et équipage de relève. Le système de divertissement en vol qui existait du temps de son exploitation chez JAL a été enlevé lors de sa conversion au rôle de cargo, seule différence notable entre cette « première classe » et celle d’une compagnie régulière.

Le pont supérieur est aménagé avec une douzaine de sièges de première classe, extrêmement confortables.

Car si le pont cargo principal est dépourvu de toutes décorations et fioritures, le pont supérieur est lui, resté au standard d’un avion de ligne, ce qui en fait un espace agréable. Contrairement à beaucoup d’avions de lutte anti-incendies qui sont dépouillés de toutes les traces de leur passé commercial, pour gagner en masse, le 747-400 a tellement de marge sur ce point que GSS a pu se permettre ce luxe, y compris celui de conserver le tissu de revêtement des parois. Juste avant d’entrer dans le cockpit, on y découvre d’ailleurs la remarquable collection de patches obtenus auprès des unités avec lesquelles le Supertanker a travaillé !

Souvenirs du Chili, d’Israël et des opérations en Californie… une belle collection qui ne demande qu’à grandir !

Le fond de la cabine a conservé son « galley » ce qui permet d’assurer un minimum de services lors des vols de convoyage comme ce fut le cas pour relier Colorado Springs, sa base principale, et Tel Aviv ou Santiago lors de ses deux premiers déploiements à très longue distance.

Pour les longs vols, les passagers disposent même d’un galley. notez l’issue ouverte pour permettre la circulation d’air dans l’avion exposé en plein soleil.

Marcos Valdez, volubile pilote, ne tarit pas d’éloges sur son avion qu’il manie avec une dextérité certaine. Son approche et son atterrissage à KMCC, au mois de mars, façon encadrement, en vol à vue et sans toucher au pilote automatique, semblait aussi simple qu’à bord d’un Cessna… mais avec un avion dont la masse dépassait les 200 tonnes !

Scène commune autour d’un aérodrome californien. Un avion en finale tandis que le suivant débute son circuit d’approche.

D’ailleurs, quand on l’interroge sur les problèmes que pourrait avoir cet avion à intervenir dans le relief, il répond, non sans provocation que, quelque soit l’appareil, à une vitesse donnée et un angle identique, le rayon de virage sera toujours le même. Ayant lui-même piloté l’avion lors des interventions dans la Cordillères des Andes et dans les montagnes californiennes, il ne semble pas préoccupé par le côté soit-disant « suicidaire » de son métier. Il en est de même pour ses collègues puisque plusieurs équipages se relaient sur l’avion en cours de saison.

Marcos Valdez, pilote du Tanker 944, en train d’expliquer son outil de travail préféré. Notez les réservoirs qui occupent tout l’espace derrière-lui.

Le 747-400 en configuration Tanker n’est jamais exploité à sa masse maximale. En cas de problème, le largage de la charge en urgence est toujours possible et ne prend que quelques secondes. Ainsi allégé, l’avion, qui dispose d’une réserve de puissance phénoménale même sur trois réacteurs, pourra toujours reprendre de l’altitude ce que beaucoup d’avions pourtant considérés comme plus adaptés à la mission auront plus de mal à faire en performances dégradées même si son utilisation dans le relief nécessite, bien sûr, un indispensable travail d’anticipation des trajectoires.

Néanmoins, vers 170 kt, le 747 largue à une vitesse supérieure à celle d’un CL-415 en croisière. Mais à partir du moment où le Lead Plane prend en compte les spécificités du « Tanker » qui le suit, l’intervention peut se faire en toute sécurité.

La vue dominante offerte depuis le pont supérieur du 747 est étonnante. Notez à droite le second 737-300 Fireliner de Coulson.

Surtout, les techniques de largage du retardant, qui n’exigent pas que l’avion soit collé au terrain pour être efficace, assurent au Supertanker une vraie marge de manœuvre.

Ainsi, si le 747 ne peut pas effectuer un largage direct sur les flammes au creux d’une vallée trop étroite, il pourra, en fonction des conditions météo, larguer sur les crêtes pour empêcher le feu d’envahir la vallée d’à côté ou bien de le stopper à la sortie de la vallée avec le retardant établi en barrière.

Le Supertanker à l’ouvrage en 2017 en Californie.

Les quatre buses de largages du Supertanker 944

Si le scepticisme était de mise lorsque les DC-10 et 747 sont arrivés sur le marché de la lutte anti-incendie, il y a un peu plus de dix ans, aujourd’hui, ils ont, par leurs actions contre les feux, fait taire une grande partie des critiques à leur égard. La réponse aux inquiétudes ayant pris la forme de longue bandes rouges sur les collines noircies de Californie et d’ailleurs. Désormais on peut dire que les hommes du Cal Fire et des autres corps de pompiers qui combattent les feux au sol comptent vraiment sur eux.

Pour les spécialistes, le système utilisé à bord du Supertanker, d’une mise en œuvre complexe, est loin d’être aussi efficace sur feux que peuvent l’être les systèmes à gravité « constant flow » par exemple. Pour les interventions que le Supertanker a été amené à conduire lors de ses différentes missions aux USA, la pose de barrières de retardant, le système a été considéré comme tout à fait acceptable. Néanmoins, lors de ses interventions au Chili, où il est devenu iconique, et où il a travaillé avec du retardant court-terme et en largage direct, son action a été reconnue comme sensiblement moins efficace que les autres avions engagés sur les mêmes feux, le BAe 146 de Neptune Aviation et l‘IL-76 VAP-2 d’Emercom.

Au cours des conférences, plusieurs responsables des pompiers californiens ont toutefois souligné l’action décisive des VLAT en contrat avec le Cal Fire, sur les immenses feux qui ont touché l’état l’année dernière avec un hommage particulièrement appuyé au Boeing 747 dont c’était pourtant la toute première saison.

Face à face entre le Tanker 944 et le Tanker 85 du Cal Fire. Des appareils aux performances opposées mais, finalement, terriblement complémentaires.

On se souvient que ce sont les contrats accordés par l’État de Californie au DC-10 qui ont ainsi permis au triréacteur de faire ses preuves sur le terrain et de convaincre ensuite l’USFS de lui accorder des contrats d’emploi exclusifs, permettant alors à la flotte de la société 10 Tanker de se développer. L’histoire ne serait-elle pas en train de se répéter, cette fois-ci au profit de GSS ?

 

merci à Marcos et Bob pour l’accueil !