Visite du 747 Supertanker

Véritable vedette de l’exposition statique de l’Aerial Firefighting Event en mars dernier, le Boeing 747 Supertanker de la société Global Supertanker Services était accessible aux visiteurs. A l’heure où il a rejoint les opérations en Californie voici à quoi ressemble, de l’intérieur, le plus gros « camion de pompiers » volant de l’histoire.

Le Supertanker à son arrivée à Sacramento-McClellan le 11 mars 2018.

Ancien « Liner » de Japan Airlines, le futur N744ST a été mis ensuite au standard cargo (BCF pour Boeing Converted Freighter) pour la compagnie Evergreen International Airlines. A la faillite de celle-ci en 2013, il est racheté par son propriétaire actuel, une société formée essentiellement par des anciens d’Evergreen désireux de poursuivre l’exploitation du concept de Boeing 747 de lutte anti-incendie qu’ils avaient développé depuis le début des années 2000.

Le Supertanker sur le parking de Sacramento, bien entouré.

Alors que les deux précédents Supertanker, qui attendent désormais leur sort dans le désert, n’avaient connu que quelques opérations épisodiques étalées sur une décennie, le nouveau 747, qui a effectué son premier largage test au printemps 2016, a vécu une première année d’opérations plus trépidante qu’espéré, intervenant en Israël en novembre, au Chili de janvier à février 2017 puis en Californie, pour le compte du Cal Fire, du début de l’été à la fin des opérations en décembre. Au total, l’avion a effectué aux alentours de 150 largages opérationnels sur feux pour sa première année de service.

Après un court hiver passé en maintenance à Colorado Springs, sa base principale, l’appareil a été déployé à Sacramento McClellan dès le mois de juin 2018. Il a été activé ensuite à plusieurs reprises par la Californie pour combattre les feux au sud comme au nord de l’état, et le 21 juillet, il a effectué son premier largage en Oregon, à son tour frappé par plusieurs gros feux, une mission ponctuelle effectuée pour le compte du Department of Forestry (ODF) et qui a donné lieu à trois sorties.

La décoration résolument contemporaine du Supertanker est directement inspirée de la livrée « maison » utilisée par Boeing pour ses démonstrateurs.

Orné d’une décoration élégante et contemporaine, le Tanker 944 ne passe pas inaperçu. On accède à son bord par la porte avant gauche qui débouche directement sur le pont principal où se trouvent les deux rangées de réservoirs qui constituent l’ensemble de largage.

Le système est celui qui a été construit et installé pour le premier Supertanker, un 747-200F qui disposait d’une porte cargo dans le nez. Le 747-400BCF ne dispose que d’une porte cargo située à l’arrière, le système capable d’emporter environ 75 000 litres de retardant a donc été modifié pour pouvoir être installé à bord.

Les réservoirs du Supertanker. Les deux circuits sont indépendants et pourraient même être chargés de produits différents, une possibilité qui n’a pas été exploitée jusqu’à présent. A droite, l’échelle sommaire pour accéder au pont supérieur.

Le système de réservoirs et de mise sous pression occupe presque tout le pont principal ce qui fait que le Supertanker conserve les trois compartiments cargo se trouvant sous le plancher du pont principal, bien pratiques pour transporter le matériel nécessaire pour un déploiement. Le compartiment avant peut toujours recevoir deux conteneurs ULD (Unified Loading Device, en français conteneur LD3) et le dévidoir utilisé pour le chargement du retardant. Le compartiment cargo arrière est occupé par les quatre buses de largage et ne peut plus servir qu’à ranger la barre de remorquage de l’avion. Le troisième compartiment, tout à l’arrière, est réservé au vrac et peut aussi continuer à être utilisé pour transporter des pièces de rechange supplémentaires.

Une échelle métallique permet d’accéder au pont supérieur. On est loin de l’escalier des versions passagers. La bosse caractéristique des 747 constitue la « zone vie » du Supertanker avec à l’avant, le poste de pilotage.

Le cockpit du Supertanker ne diffère pas, dans son aménagement, de ceux des appareils de même version utilisés pour des missions plus classiques.

Pour celui qui le découvre, le cockpit d’un Boeing 747 est surprenant. Alors que l’avion affiche des dimensions particulièrement généreuses, le poste de pilotage n’est pas si spacieux, avec un plafond finalement assez bas. Mais il reste assez large pour être confortable. Il est situé relativement en haut et bien en avant du train principal ce qui demande une certaine rigueur pendant les roulages.

Sa planche de bord, avec ses cinq écrans multifonctions lui donnent un aspect très familièrement contemporain. C’est oublier que le premier vol d’un 747-400 remonte à 1988 et qu’il s’agissait, à l’époque, d’une avancée considérable pour la gestion des systèmes en vol. A l’origine, l’équipage des premières versions du 747 était composé d’au moins trois hommes, pilote, co-pilote et ingénieur de bord, les version tardives comme le 747-400 ont été conçues directement pour un équipage à deux.

Néanmoins, la spécificité des missions feux a conduit GSS à créer un nouveau rôle à bord, le DSO, Drop System Operator, assis sur le « jump seat » central et qui dispose d’une console latérale pour gérer l’ensemble du système de largage pendant que les deux autres gèrent l’avion et sa trajectoire.

Le siège du DSO, en arrière de l’équipage, et sa console latérale lui permettant de gérer les circuits du système de largage sous pression.

Le principe du système de largage du Supertanker est d’utiliser de l’air sous pression contenu dans 8 des réservoirs du pont principal. Pour des raisons de centrage, ce sont les réservoirs les plus en arrière, ceux contenant le retardant étant au dessus du centre de gravité de l’avion. Un système de tuyaux permet ensuite à cet air de venir chasser la charge qui se déverse alors par quatre buses situées juste en arrière de l’aile. Pour mettre ces réservoir sous pression, il est nécessaire d’employer un compresseur haute pression externe. L’une des évolutions possibles du Supertanker sera d’ailleurs de pouvoir disposer d’un compresseur interne pour être encore plus autonome lors de ses déploiements. Lors du largage, l’air passe par un système de régulation et en jouant ainsi sur la pression et sur le nombre de buses utilisées, le DSO est en mesure de faire varier la densité du largage (coverage level de 2, faible densité, à 10, forte densité). Le rôle du troisième homme d’équipage est donc crucial.

Derrière eux se trouve la cabine équipée d’une douzaine de sièges de première classe, extrêmement confortables, permettant à l’appareil de se déployer avec son équipe au complet, mécaniciens et équipage de relève. Le système de divertissement en vol qui existait du temps de son exploitation chez JAL a été enlevé lors de sa conversion au rôle de cargo, seule différence notable entre cette « première classe » et celle d’une compagnie régulière.

Le pont supérieur est aménagé avec une douzaine de sièges de première classe, extrêmement confortables.

Car si le pont cargo principal est dépourvu de toutes décorations et fioritures, le pont supérieur est lui, resté au standard d’un avion de ligne, ce qui en fait un espace agréable. Contrairement à beaucoup d’avions de lutte anti-incendies qui sont dépouillés de toutes les traces de leur passé commercial, pour gagner en masse, le 747-400 a tellement de marge sur ce point que GSS a pu se permettre ce luxe, y compris celui de conserver le tissu de revêtement des parois. Juste avant d’entrer dans le cockpit, on y découvre d’ailleurs la remarquable collection de patches obtenus auprès des unités avec lesquelles le Supertanker a travaillé !

Souvenirs du Chili, d’Israël et des opérations en Californie… une belle collection qui ne demande qu’à grandir !

Le fond de la cabine a conservé son « galley » ce qui permet d’assurer un minimum de services lors des vols de convoyage comme ce fut le cas pour relier Colorado Springs, sa base principale, et Tel Aviv ou Santiago lors de ses deux premiers déploiements à très longue distance.

Pour les longs vols, les passagers disposent même d’un galley. notez l’issue ouverte pour permettre la circulation d’air dans l’avion exposé en plein soleil.

Marcos Valdez, volubile pilote, ne tarit pas d’éloges sur son avion qu’il manie avec une dextérité certaine. Son approche et son atterrissage à KMCC, au mois de mars, façon encadrement, en vol à vue et sans toucher au pilote automatique, semblait aussi simple qu’à bord d’un Cessna… mais avec un avion dont la masse dépassait les 200 tonnes !

Scène commune autour d’un aérodrome californien. Un avion en finale tandis que le suivant débute son circuit d’approche.

D’ailleurs, quand on l’interroge sur les problèmes que pourrait avoir cet avion à intervenir dans le relief, il répond, non sans provocation que, quelque soit l’appareil, à une vitesse donnée et un angle identique, le rayon de virage sera toujours le même. Ayant lui-même piloté l’avion lors des interventions dans la Cordillères des Andes et dans les montagnes californiennes, il ne semble pas préoccupé par le côté soit-disant « suicidaire » de son métier. Il en est de même pour ses collègues puisque plusieurs équipages se relaient sur l’avion en cours de saison.

Marcos Valdez, pilote du Tanker 944, en train d’expliquer son outil de travail préféré. Notez les réservoirs qui occupent tout l’espace derrière-lui.

Le 747-400 en configuration Tanker n’est jamais exploité à sa masse maximale. En cas de problème, le largage de la charge en urgence est toujours possible et ne prend que quelques secondes. Ainsi allégé, l’avion, qui dispose d’une réserve de puissance phénoménale même sur trois réacteurs, pourra toujours reprendre de l’altitude ce que beaucoup d’avions pourtant considérés comme plus adaptés à la mission auront plus de mal à faire en performances dégradées même si son utilisation dans le relief nécessite, bien sûr, un indispensable travail d’anticipation des trajectoires.

Néanmoins, vers 170 kt, le 747 largue à une vitesse supérieure à celle d’un CL-415 en croisière. Mais à partir du moment où le Lead Plane prend en compte les spécificités du « Tanker » qui le suit, l’intervention peut se faire en toute sécurité.

La vue dominante offerte depuis le pont supérieur du 747 est étonnante. Notez à droite le second 737-300 Fireliner de Coulson.

Surtout, les techniques de largage du retardant, qui n’exigent pas que l’avion soit collé au terrain pour être efficace, assurent au Supertanker une vraie marge de manœuvre.

Ainsi, si le 747 ne peut pas effectuer un largage direct sur les flammes au creux d’une vallée trop étroite, il pourra, en fonction des conditions météo, larguer sur les crêtes pour empêcher le feu d’envahir la vallée d’à côté ou bien de le stopper à la sortie de la vallée avec le retardant établi en barrière.

Le Supertanker à l’ouvrage en 2017 en Californie.

Les quatre buses de largages du Supertanker 944

Si le scepticisme était de mise lorsque les DC-10 et 747 sont arrivés sur le marché de la lutte anti-incendie, il y a un peu plus de dix ans, aujourd’hui, ils ont, par leurs actions contre les feux, fait taire une grande partie des critiques à leur égard. La réponse aux inquiétudes ayant pris la forme de longue bandes rouges sur les collines noircies de Californie et d’ailleurs. Désormais on peut dire que les hommes du Cal Fire et des autres corps de pompiers qui combattent les feux au sol comptent vraiment sur eux.

Pour les spécialistes, le système utilisé à bord du Supertanker, d’une mise en œuvre complexe, est loin d’être aussi efficace sur feux que peuvent l’être les systèmes à gravité « constant flow » par exemple. Pour les interventions que le Supertanker a été amené à conduire lors de ses différentes missions aux USA, la pose de barrières de retardant, le système a été considéré comme tout à fait acceptable. Néanmoins, lors de ses interventions au Chili, où il est devenu iconique, et où il a travaillé avec du retardant court-terme et en largage direct, son action a été reconnue comme sensiblement moins efficace que les autres avions engagés sur les mêmes feux, le BAe 146 de Neptune Aviation et l‘IL-76 VAP-2 d’Emercom.

Au cours des conférences, plusieurs responsables des pompiers californiens ont toutefois souligné l’action décisive des VLAT en contrat avec le Cal Fire, sur les immenses feux qui ont touché l’état l’année dernière avec un hommage particulièrement appuyé au Boeing 747 dont c’était pourtant la toute première saison.

Face à face entre le Tanker 944 et le Tanker 85 du Cal Fire. Des appareils aux performances opposées mais, finalement, terriblement complémentaires.

On se souvient que ce sont les contrats accordés par l’État de Californie au DC-10 qui ont ainsi permis au triréacteur de faire ses preuves sur le terrain et de convaincre ensuite l’USFS de lui accorder des contrats d’emploi exclusifs, permettant alors à la flotte de la société 10 Tanker de se développer. L’histoire ne serait-elle pas en train de se répéter, cette fois-ci au profit de GSS ?

 

merci à Marcos et Bob pour l’accueil !

Le Supertanker en route vers sa première mission opérationnelle !

Touché depuis quelque jours par une série importante de départs de feux incontrôlés et qui ont surtout nécessités l’évacuation de plus de 50 000 personnes, Israël a rapidement fait appel aux pays du pourtour méditerranéen pour renforcer ses moyens aériens propres.

Après la tragédie du Mont Carmel en décembre 2010, un feu brutal qui avait entraîné la mort d’une quarantaine de personne et avait aussi amené la communauté internationale à dépêcher une flotte aérienne respectable. Israël s’était ensuite immédiatement doté d’une escadrille d’avions de lutte contre les feux de forêts, aujourd’hui mise en œuvre par Elbit Systems, qui compte désormais 14 Air Tractor AT-802F.

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Un des AT-802F en opérations en Israël sur les feux péri-urbains de ces derniers jours. (Photo : Y. Sagi)

Bien que relativement performants, ces avions, ainsi que les sapeurs-pompiers qu’ils épaulaient, ont rapidement été débordés par les innombrables départs de feux, essentiellement d’origine volontaires, en lisières de zones habités. Plus de 10 000 ha ont été dévastés et de très nombreuses habitations ont été détruites.

3 CL-415 grecs, 2 croates et 2 italiens, 2 CL-215 turcs vont être rejoints le 26 novembre par un module européen constitué de 2 CL-415 et un Beechcraft King Air 200 de la Sécurité Civile française. Bien que dépourvu de tout moyen optronique, ce dernier appareil permet d’assurer les liaisons, les missions d’investigation et de reconnaissance à vue, mais surtout la coordination des moyens engagés. C’est un outil de commandement dont le rôle ne doit surtout pas être négligé.

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« Bengale 96 », un des trois Beech King Air 200 de la Sécurité Civile.

De son côté, la Russie a dépêché sur place deux Beriev 200 d’Emercom, tandis que Chypre a envoyé un avion dont le type n’a pas été communiqué et l’Angleterre un hélicoptère. Preuve de bonne volonté, deux hélicoptères égyptiens sont également attendus, une aide qui ne sera pas seulement symbolique, tout comme les camions de pompiers palestiniens qui sont déjà à pied-d’œuvre aux côtés de leurs confrères israéliens.

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Un des Beriev 200 d’Emercom, l’agence Russe en charge des risques naturels dont font partie les feux de forêts. (Photo . Emercom)

Tout ce petit monde va être épaulé par le Tanker 944, le Boeing 747-400 N744ST de Global Supertanker Services (GSS), l’appareil de lutte contre les feux de forêts superlatif, qui a été convoyé depuis Colorado Springs le 25 novembre et qui devrait débuter les opérations rapidement ; ses capacités d’emport de 75 tonnes de retardant pouvant se montrer particulièrement précieuses dans ce contexte.

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Suivi du convoyage du Tanker 944 le 25 novembre 2016 sur Flightradar24.

La présence du Supertanker n’a rien d’anecdotique. Il est dans la lignée de l’intervention du Supertanker d’Evergreen, aujourd’hui retiré du service après la faillite de l’entreprise, sur le feu du Mont Carmel il y a 6 ans. Mais pour son opérateur, GSS, l’enjeu est de taille puisqu’il va s’agir de la première utilisation opérationnelle de son avion qui a effectué ses premiers vols d’essais cet été et qui a reçu son agrément des autorités américaines il y a tout juste quelques semaines. Les opérations en Israël vont donc être l’occasion de montrer les capacités de l’appareil et, pourquoi pas, de convaincre les autorités américaines ou d’ailleurs, de faire appel à cet appareil hors norme.

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Le premier largage d’essais du Tanker 944 cet été. (Photo : GSS)

L’engagement du Supertanker est aussi la démonstration des capacités de cet appareil car il ne lui a fallu que 12 heures pour rejoindre Tel Aviv depuis Colorado Springs, une capacité de déploiement à longue distance clairement exceptionnelle. Le plus compliqué, pour GSS, ayant été de battre le rappel de ses hommes, partis célébrer Thanksgiving en famille.

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Le Boeing 747-400 N744ST Tanker 944 à son arrivée à Tel Aviv le 25 novembre 2016. (Photo : I24News)

Les yeux de toute la communauté des pompiers du ciel sont donc tournés vers la région d’Haïfa. Les premiers vols et les premiers largages opérationnels du Boeing 747 seront scrutés et analysés. Savoir si GSS est en mesure de relever le pari d’utiliser un jumbo jet pour combattre les feux, tenté initialement par Evergreen, étant un des enjeux majeurs des opérations de ces prochains jours.

Traces de drames 2

Si l’observation des photos aériennes de Google Earth peut être un moyen simple de spotter sans sortir de chez soi et d’observer des avions rares et originaux, il est aussi possible de trouver les traces d’évènements plus tragiques, qui ont aussi marqué l’histoire de l’aviation. En voici de nouveaux exemples.

Dans les montagnes à une centaine de kilomètres à l’ouest de Tokyo, dans le district de Tano, la forêt porte encore les stigmates d’une des pires tragédies de l’histoire de l’aviation, le vol JL123.

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Le 12 août 1985, à 18h12, le Boeing 747SR-46 msn 20783, une version optimisée pour les courts vols à haute densité du marché intérieur japonais, immatriculé JA8119 de la compagnie Japan Air Lines, décolle de Tokyo Haneda à destination d’Osaka avec, à son bord, 509 passagers et 15 membres d’équipage. 12 minutes plus tard, alors que l’avion débute sa croisière à 24 000 pieds, l’équipage contacte le contrôle pour demander à revenir en urgence à Haneda. Mais l’avion semble suivre une trajectoire tout à fait erratique que les opérateurs suivent devant l’écran de leur radar, incrédules. A plusieurs reprises, les pilotes indiquent que l’avion est incontrôlable mais tentent de revenir vers leur point de départ ou de gagner un aérodrome de déroutement possible comme la base militaire américaine de Yokota. A 18h56, l’avion percute le Mont Osutaka, hors de contrôle.

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Le Boeing 747SR-46 JA8119 atterrissant à Osaka en 1984, l’aéroport où il fit un « tail strike » en 1978 et qu’il ne parviendra pas à atteindre le 12 août 1985. (Photo : Harcmac60/Wikipedia)

Quelques minutes plus tard, un hélico survole la zone et identifie le site précis de l’accident. La nuit, un terrain difficile et sans accès direct et quelques complications organiques ou administratives firent que les colonnes de secouristes n’arrivèrent sur place qu’une douzaine d’heures après le drame.

Quatre survivantes furent découvertes, quatre miraculées.

D’autres personnes avaient survécu à l’impact mais comme dans bien d’autres cas, l’attente des secours leur a été fatale. 520 morts, c’est le bilan ahurissant de cet accident, le plus lourd impliquant un avion seul, le second plus élevé de l’histoire après la collision de Tenerife et ses 583 victimes 8 ans plus tôt.

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Cliché médiocre mais montrant le vol JL123 lors du drame. La dérive, en particulier la gouverne de direction, est clairement manquante. (photo : DR)

L’enquête dura plus d’un an. Une photo prise dans des conditions difficiles par un amateur permit de commencer à comprendre l’origine du drame. La découverte de débris loin du site de l’impact et l’analyse des enregistreurs de vol permirent de comprendre que pendant 32 minutes, les trois hommes dans le cockpit se sont battus avec l’énergie du désespoir, contre un avion qui avait perdu sa dérive, sa pressurisation et qui n’était, effectivement, plus du tout contrôlable.

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Les parties manquantes de la dérive. (Extrait du rapport d’accident.)

L’origine du drame remontait en fait au 2 juin 1978.

7 ans avant sa destruction totale, le Boeing 747 avait été victime d’un atterrissage « nez-haut » à Osaka . Ce genre d’incident n’a rien de rarissime, mais dans le cas présent, les dégâts avaient été importants car la queue de l’appareil avait durement touché le sol et en dépit des renforts habituels, plusieurs pièces  avaient été arrachées et surtout, la cloison arrière de la zone pressurisée avait été fissurée sous le choc. Pour la réparer, une pièce de renfort avait été ajoutée, mais n’avait été fixée que par une rangée unique de rivets au lieu d’une double rangée comme préconisé par le constructeur. 8832 heures de vol ont ensuite été effectuées avant que cette pièce essentielle ne cède, entraînant la perte de la pressurisation mais aussi celle des systèmes hydrauliques et d’une grande partie de la dérive.

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Les dégâts de la cloison de pressurisation arrière. (Extrait du rapport d’accident.)

Bizarrement, quand on observe la zone de l’accident sous Google Earth, on remarque une évolution assez peu logique de la végétation. Sur la photo datée de mai 2010, la zone est déboisée comme toujours marquée par l’impact de l’avion. Deux ans plus tard, une végétation dense occupe le site et en 2015, la zone semble à nouveau déboisée. Il  y a sans doute une explication logique, mais laquelle ?

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Le 12 août 1985, 524 personnes ont embarqué dans un avion dont le sort avait été scellé 7 ans plus tôt. En plein ciel et pendant une trentaine de minutes, ces hommes, ces femmes et ces enfants ont été les jouets d’une mécanique brisée et sur laquelle personne n’avait plus prise, même si l’équipage a fait l’objet d’un courage, d’une abnégation et d’un professionnalisme que personne ne peut nier. Pendant 30 minutes, plus de 500 personnes on vécu un moment terrifiant avant de rencontrer leur destin. Elles en ont témoigné dans de nombreuses lettres poignantes écrites pendant le drame et retrouvées ensuite dans l’épave. En plus du bilan tragique, ce sont ces circonstances particulières qui font du drame du JL123 un moment clé de l’histoire de l’aviation.

Malheureusement, ce drame n’est pas resté unique.

Le 25 mai 2002 en milieu d’après-midi, le Boeing 747-209B msn 21843 immatriculé B-18255 de la compagnie taïwanaise China Airlines, assurant le vol CI611 devant relier Taipei à Hong Kong tombait en mer une vingtaine de minutes après son décollage avec 206 passagers et 19 membres d’équipage. La localisation du lieu du drame fut rapidement déterminée et les secours ne retrouvèrent aucun survivant. 175 corps furent retrouvés au total. L’analyse des débris permit de démontrer que l’avion avait subit une défaillance structurelle majeure alors qu’il passait 34 900 pieds pour arriver à son altitude de croisière de 35 000 pieds. L’avion avait 64 810 heures de vol en 21 398 cycles accumulés au cours de ses 23 ans d’exploitation, un total élevé, certes, mais qui n’avait rien d’extravagant.

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Le Boeing 747-209B immatriculé B-18255 photographié à Kai Tak. (Photo M. Dotti/Planespotters.net)

La cause du drame remontait à 22 ans plus tôt. Le 7 février 1980, sur l’aéroport, très difficile, de Kai Tak à Hong Kong, le B-18255, encore immatriculé B-1866, subit un « tail strike » à l’atterrissage et une partie importante de l’arrière du fuselage avait frotté sur la piste avec des dégâts visibles. Une réparation temporaire fut effectuée sur place et l’avion renvoyé ainsi à Taipei. Un chantier destiné à effectuer une réparation plus perenne fut entrepris au mois de mai suivant. Malheureusement, ces réparations n’étaient pas suffisantes et n’avaient pas été menées en parfaite conformité avec les consignes du constructeurs et se sont lentement dégradées au cours de l’exploitation de l’appareil. Des failles sont apparues mais sont restées non détectées par les équipes de maintenance pour une raison qui a stupéfié les enquêteurs. Sur les pièces incriminées lors de l’accident, un dépôt marron, assez épais et pouvant donc masquer les fissures lors d’inspections visuelles, a été découvert. Il s’agissait de résidus de tabac qui s’étaient accumulés là pendant les années où les fumeurs pouvaient sacrifier à leur mauvaise habitude en vol.

Quand on vous dit que fumer tue…

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La zone touchée lors de l’accident de 1980 et dont la réparation a condamné l’avion et ses occupants 22 ans plus tard. (Extrait du rapport d’accident)

L’avion étant tombé en mer, rien n’apparaît donc sur Google Earth.

D’autres cas d’avions condamnés à l’avance existent dans l’histoire de l’aviation, mais dans ces deux cas, les importantes capacités d’emport du 747 en ont aggravé le bilan. Le souvenir des vols JL123 et CI611 est encore présent dans la mémoire collective au Japon et à Taïwan, les circonstances de ces drames les ayant rendus particulièrement cruels.

GSS new Boeing 747-400 Supertanker

In December 2013, Evergreen International ceased activity. Awkward timing: their Supertanker, which was stored in Marana, Arizona, had just been promised a “call when needed” contract with the US Forest Service. And these last few years, Very Large Air Tankers (VLAT) which had been awarded call-when-needed contracts have proven very useful, and sometimes even more profitable exclusive contracts came after hard-working seasons.

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New Supertanker early artist’s view. Tanker 947 became finaly 944. (GSS)

To be a candidate to these contracts, Boeing 747-100 Tanker 979 had to get back in the air, which needed to find turbojets and perform a C check maintenance operation, a full inspection of the airframe, engines and systems. The whole operation would cost an estimated $1 million; Evergreen postponed the check for a few months… and went bankrupt in the meantime. The aircraft remained in Marana while her owner’s assets were auctioned.

According to the terms of the potential USFS contract, the plane was to yield $75’000 each day it was activated, plus $12’000 per flight hour, and fuel and retardant were to be supplied by the federal organization. Even though USFS promises can be fluctuating, these terms were very attractive. Therefore, former Evergreen employees, most of them deeply involved in the Supertanker project, created a new, dedicated company: Global SuperTanker Services, LLC. When Evergreen was liquidated, they bought the pressurized drop system, spare parts and patents. They also acquired a younger, more efficient aircraft: the new Supertanker, third of its kind, is based on a Boeing 747-400.

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Future 3rd generation Supertanker, Boeing 747-446 JA8086 is seen landing in Hong Kong on 12th august 2010. Photo : Peter Bakema)

N744ST (cn 25308, the 885th 747 to be produced) was built in 1991 as a Boeing 747-446, and first flew on 25 October 1991. Delivered to Japan Airlines the following month and registered JA8086, she would be flying passenger service until 2010. She was then bought as N238AS by AerSale Inc., a company dedicated to second-hand aircraft market, which turned her into a 747-446(BCF) freighter and sold her to Evergreen (as N492EV) in 2012. In November 2013, when Evergreen ceased operations, she was put on storage in Victorville, California.

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Having Become a Boeing 747-446(BCF) after its cargo conversion and registred N492EV the future Supertanker is stored at Victorville (California) in november 2013. (Photo : Sawas Garozis)

Global SuperTanker Services chose a 747-400 because of its improved efficiency. 25 years have passed since its inception: the time has now come when big airlines start selling aircraft of this type, and airframes which still have some potential become affordable. N744ST has flown 75’000 hours; a properly maintained 747 can log 100’000 flight hours, which lets her some 25’000 hours to live. As a tanker seldom flies more than 500 hours a year, she could remain active for decades.

With new, more powerful engines than the previous Supertankers, this new aircraft can take-off at a maximum weight close to 400 tons, but she probably won’t meet this weight very often in her new career. Therefore, she will have a more favorable thrust-to-weight ratio, which is obviously interesting for this mission. Her more modern conception also implies rationalized maintenance processes, which will reduce immobilization times and cost for these essential operations. The 747-400 also has a “glass cockpit”, with standard navigation, systems management and operating systems conceived for a two-man crew, while previous Supertankers needed a flight engineer to face the workload of planes conceived in the late 70s.

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With its modern flightdeck, here JA8071’s, with wide color screens to give crew all data they need, 747-400 only need a two men crew. (Photo : Norio Nakayama)

After being bought by GSS, N744ST quickly went through a C-check operation in Victorville. On 23 January 2016, she flew to Marana, Arizona, to get her modern, gleaming and spectacular new painting. She was christened Spirit of John Muir, after the famous Scottish-American writer/adventurer — who was also a naturalist and a pioneer in the environmental movement.

Her now permanent base is in Colorado Springs, but her first public display was on 22 March 2016 in Sacramento: she was the great attraction during the Aerial Fire Fighting conference, held on McClellan airfield.

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GSS Supertanker at Aerial Fire Fighting 2016 at McClellan Airport in Sacramento. (Photo Jim Dunn)

During her painting stay in Marana, the release system taken from the first-ever Supertanker was also installed. This needs a bit of an explanation. During the adventures of Evergreen’s Supertankers, two successive tanks systems were conceived. The first one was made of steel and installed on pallets, so it could easily get in and out through the nose door of a Boeing 747-200F, keeping the multi-purpose abilities of the type. This was not possible for the former passenger 747-100s, so Evergreen conceived a new, lighter, aluminum-built mechanism, which was permanently installed through the side cargo door. When the second Supertanker was stored, the whole system was taken off the plane… and when Evergreen was liquidated, it was nowhere to be found!

Consequently, when GSS bought Evergreen’s fire fighting assets, it included only the first dropping system, which had been cleanly stored in Marana. So it is this one, cleared of its now useless pallets but retaining its 75’000 liters capacity, which was installed in the new 747-400.

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Drawing from an Evergreen Patent showing the tank systems of the first Supertanker (B747-200) salvaged and fitted to the GSS B747-400 Tanker 944.

As the drop system was already approved by the FAA and the Interagency Airtanker Board in the Forest Service, the adaptation should by quick and N744ST could be a candidate to operations as soon as this summer. The first ground drops were made on 30 April 2016 and the next day, she made her first test flight and first aerial drop.

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First ground test of the Tanker 944 drop system in 30th april 2016. (Photo : GSS)

Her crew consisted of Cliff Hale, GSS chief pilot and more importantly former Evergreen Supertanker captain — the man who flew more than 90% of trial and demonstration flights, as well as every operational drop. His first officer was Tom Parsons, an experienced tanker pilot who has flown with Neptune Aviation. A third seasoned pilot has also been hired: in the process of extending his type rating, he was put in charge of rough terrain testing.

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First test drop on 1st May 2016. (Photo : GSS)

For most passenger or freight missions, Boeing 747-400s require only a two-man crew, but fire fighting is another deal. GSS invented a third crew member, named Drop System Operator. Bob Soelberg, GSS Vice President and Supertanker program manager, explains: “Global SuperTanker has felt from the beginning that both pilots need to be focused on flying and communications, not drop system set up. For that reason, we have modified the flight deck to allow Don Paulsen, our Chief Safety Officer and former flight engineer, to act as our DSO.”

Settled in the center jump-seat, Don Paulsen will be responsible for selecting the proper settings for the retardant release system, according to the situation and the requirements from the authorities, and then tell the pilots when the device is ready to drop. In Evergreen’s Supertankers, the flight engineer was in charge of the release system, with some information also displayed on the cockpit’s center console; on the new installation, everything was designed to be in the DSO’s reach. This new job could be offered to former flight engineers as well as seasoned air mechanics, with a proper DSO training course still to be approved by the FAA; meanwhile, a second DSO has already been hired and should also be trained as a first officer.

This new aircraft also has important room for improvements. For example, Supertanker operations not only need an airfield with a long and resistant enough runway; they also need an air compressor, necessary to the pressurized release system. GSS thinks about installing two compressors aboard, so the plane would be able to arm her equipment on her own. New wiring was pre-installed for potential new equipments, notably for new data management requirements — thus, the Supertanker could offer a load of technical data about it systems as well as its structure. Yet, these modifications are a future matter and the aircraft currently still conforms to Evergreen original STC: according to Bob Soelberg, “some pre-positioning of components will allow us to respond to future requests for various data output. This decision [not to make new installations right now] was based on the lack of clear guidance on which system would be most common among the various agencies, as well as our desire not to delay the FAA STC process.”

When the second Supertanker came in Châteauroux, France, in July 2009, Evergreen was already considering night operations, thanks to the craft’s ability to drop higher than conventional tankers and avoid risks of flying too close to the ground. GSS is also working this way and has already made some preliminary studies in that regard, analyzing experience from L.A. Fire Department helicopter pilots, who have been flying by night for years. To add night VFR capabilities to the Supertanker, many evolutions are considered, such as installing enhanced vision systems or modifying the cockpit so it could be used while wearing night vision goggles. No decision has yet be made, as it is still a long-term evolution project.

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Example of an Enhanced Vision System : the « Clear Vision (TM) from Elbit Systems. (Elbit Systems)

Amongst VLATs, the Supertanker is also unique in being qualified to work on oil spills, Evergreen having entered this market after the Deepwater Horizon disaster: N744ST will be able to release oil dispersant as soon as she’ll be certified. Since the dropping system is made of two individual, parallel, independent 37’500-liter lines of tanks, GSS says she could even work as a fire suppression tool and an oil dispersant vector at the same time. From its base in Colorado Springs, she could reach the Gulf of Mexico within 3 hours and get anywhere in the world in about 20 hours; as says Bob Soelberg: “Our niche is the ability to respond quickly to areas of the world where local capabilities are limited.”

Global-SuperTanker-logo1 500 pixIn the near future, certification should not be a problem and the main question is: will the USFS, which still lacks some fire fighting aircraft, honor the promises made to Evergreen in 2013? That is the hole point, though GSS is also talking to Australia (who has been successfully using one of 10 Tanker’s Douglas DC-10s for the last two years) and to the European Union’s Emergency Response Center.

Evergreen’s history has shown that such a huge plane seldom finds missions big enough for her. Yet, these last few years (and especially the very rough 2015 season) saw very impressive fires and asked for an intensive use of VLATs; particularly, the three DC-10s belonging to 10 Tanker, LLC have proven more than useful. Can the new Boeing 747-400 be a better match for the next years fires? Will the Forest Service follow up on GSS’s arguments? The next few weeks will be decisive for this exciting project.

Translated by Franck Mée

French version here

La renaissance du Boeing 747 Supertanker

Lorsque la compagnie Evergreen International a cessé son activité en décembre 2013, le Supertanker, alors stocké à Marana, à mi chemin entre Tucson et Phoenix dans l’Arizona, avait pourtant reçu la promesse d’un contrat en « Call When Needed » – activable en cas de besoin – de la part de l’US Forest Service. Or, ces dernières années, les VLAT activés en CWN n’ont vraiment pas manqué de travail. A l’issue de ces saisons difficiles des contrats d’emploi exclusifs, plus rentables encore, les attendaient parfois.

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Vue d’artiste du nouveau Supertanker, diffusée au moment du lancement du projet. Prévu pour être le Tanker 947, l’avion porte désormais le numéro 944 (GSS)

Pour que le Boeing 747-100 Tanker 979 puisse reprendre l’air, et se porter candidat à ces différents contrats, il lui fallait subir une opération de maintenance de type C nécessitant une inspection complète de la cellule, de la motorisation et des systèmes de pilotage. Il fallait aussi lui retrouver plusieurs réacteurs. Le coût de ces opérations, estimé à un million de Dollars, avait conduit Evergreen à repousser l’opération de quelques mois. On sait ce qu’il est arrivé alors. L’avion est donc resté à Marana, attendant que les avoirs de son ancien propriétaire soient liquidés aux enchères.

Or, les termes du possible contrat USFS, accordant à cet avion 75 000 $ par jour d’activation et 12 000 $ par heure de vol effectuée – le coût du retardant et du carburant étant pris en charge directement par l’organisme fédéral – et même si les promesses de l’USFS sont souvent très fluctuantes, étaient particulièrement attractifs.

Une nouvelle société, portée par plusieurs anciens de la société Evergreen, souvent très impliqués dans le projet Supertanker, voit le jour ; Global SuperTanker Services. Lors de la liquidation d’Evergreen elle se porte acquéreur du système de largage pressurisé du Boeing 747, des réserves de pièces de rechange et les brevets afférents. Elle jette aussi son dévolu sur un appareil plus récent, plus performant et plus moderne. Ainsi, le nouveau Supertanker, le troisième du nom, est un Boeing 747-400.

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le Boeing 747-446 JA8086, futur Supertanker de 3e génération, se pose à Hong Kong le 12 août 2010. (Photo : Peter Bakema)

Le N744ST (c/n 25308, 885e 747 produit) a été construit en 1991 comme Boeing 747-446 Il fait son premier vol le 25 octobre 1991 avant d’être livré à Japan Airlines le mois suivant où il vole sous l’immatriculation JA8086 jusqu’en 2010 en configuration passagers. Il est revendu sous l’immatriculation N238AS à AerSale Inc, une société spécialisée dans le marché des avions d’occasion, qui place ensuite l’avion chez Evergreen International après sa transformation en Boeing 747-446(BCF) cargo en 2012, immatriculé N492EV. L’avion est stocké à Victorville à partir de novembre 2013 en raison de la cessation d’activité de son exploitant et jusqu’à son rachat par Global Supertanker Services.

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Devenu un Boeing 747-446(BCF) et immatriculé N492EV, l’appareil est stocké à Victorville en Californie à partir de novembre 2013. (Photo : Sawas Garozis)

La compagnie explique le choix du 747-400 par la modernité de cet appareil et ses performances. Plus de 25 ans après son lancement, l’appareil entre aussi dans la période charnière où les grande compagnies commencent à s’en séparer et que des cellules avec un certain potentiel deviennent vraiment abordables sur le marché de l’occasion.

En effet, le N744ST a accumulé 75 000 heures de vol au cours de sa carrière. Bien entretenu, un Boeing 747-400 peut atteindre sans problème les 100 000 heures, il lui reste donc un potentiel d’environ 25 000 heures. Sachant qu’il est très rare qu’un Tanker dépasse les 500 heures de vol annuelles ; en théorie, il pourrait être donc opérationnel plusieurs décennies.

Équipé de moteurs plus modernes et plus puissants que les deux précédentes versions du Supertanker, le nouvel appareil peut décoller à la masse, maximale, de 400 tonnes, un chiffre qui sera rarement atteint au cours de sa nouvelle carrière. Il va disposer d’un rapport masse/puissance assez favorable et dont l’utilité en mission semble évident. Cette relative modernité se traduit également par des processus de maintenance plus rationnels ce qui ne manquera pas d’influer sur les temps d’immobilisation et donc sur le coût de ces opérations vitales.

Le Boeing 747-400 dispose également d’un « glass cockpit », disposant des outils standards de pilotage, de navigation et de gestion des systèmes, conçu pour être exploité par un équipage de deux hommes seulement, là où les précédentes versions du Supertanker exigeaient en plus la présence d’un technicien navigant afin de faire face à l’importante charge de travail requise par les appareils construits jusque dans les années 80.

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Grâce à son cockpit plus moderne – ici celui du JA 8071, sister-ship du Tanker 944 – dont les écrans permettent à l’équipage d’afficher les informations et d’intervenir sur les systèmes au moment opportun, le 747-400 n’a plus besoin que d’un équipage de deux hommes pour voler. (Photo : Norio Nakayama)

Racheté par GSS l’avion est entré rapidement en chantier de maintenance type C directement à Victorville en Californie. Le 23 janvier 2016, l’avion est convoyé jusqu’à Marana, en Arizona, pour entrer en atelier de peinture d’où il ressort fin février recouvert d’une seyante décoration moderne, rutilante et spectaculaire. C’est à Marana que le système de largage est récupéré et installé puis l’appareil repart pour sa base définitive à Colorado Springs.

L’avion est présenté en public pour la première fois le 22 mars 2016 à Sacramento, au cours de la conférence Aerial Fire Fighting organisé sur l’aérodrome de McClellan, dont il a été la grande vedette.

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Le Boeing Supertanker de GSS sur le parking de McClellan à Sacramento en mars 2016 pour la conférence Aerial Fire Fighting. (Photo : Jim Dunn)

Au cours de l’histoire du Supertanker, deux systèmes de largage ont été construits et installés sur les deux précédents appareils. Le premier, en acier, était palettisé  afin de pouvoir être installé ou retiré facilement du Boeing 747-200F porteur grâce à sa porte cargo de nez et lui conserver ainsi une vraie polyvalence. Lorsqu’il s’est agit de basculer le concept vers un 747-100, Evergreen a fait concevoir un deuxième système de pressurisation et de largage en aluminium, plus léger, et sans palette, installé à demeure grâce à la porte cargo latérale. Au moment où le Boeing 747-100 a été placé en stockage, le système a été ôté de l’avion, mais lors de la liquidation d’Evergreen il n’a pas été retrouvé ! (1)

Lorsque GSS s’est porté acquéreur des brevets Evergreen, c’est le système initial, toujours stocké à Marana, qui a été acquis. C’est donc celui-ci qui est désormais installé à bord du 747-400. Il a été modifié par la suppression des palettes mais contient toujours 75 000 litres.

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Schéma de principe du premier système de largage du Supertanker installé sur le Boeing 747-200 à partir de 2005. C’est ce système qui a été récupéré et modifié pour être installé à bord du 747-400.

Comme le système de largage a été déjà validé par la FAA et par l’Interragency Airtanker Board du Forest Service, le processus d’acceptation de l’appareil pourrait être rapide et l’avion se porter candidat aux opérations dès cet été. Dans ce cadre, les premiers largages au sol ont été effectués le 30 avril.

GSS Supertanker 1st test

Le 30 avril 2016, le Tanker 944 procède aux premiers essais de largage au sol. (Photo : GSS)

Le lendemain, l’avion a effectué son premier vol d’essais et son premier largage.

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Premier largage d’essais du Tanker 944, le 1 mai 2016. (Photo : GSS)

Ce nouvel avion dispose également d’un potentiel évolutif non négligeable. Pour son utilisation opérationnelle, le Supertanker ne dépend pas seulement d’une station de remplissage installée sur un aérodrome disposant d’une piste assez longue et assez solide pour le recevoir, mais aussi de la présence d’un compresseur d’air indispensable à la mise en œuvre du système de pressurisation du largage. GSS envisage donc d’installer deux compresseurs internes afin de rendre l’appareil totalement autonome sur ce point.

Lors de la présentation du deuxième Supertanker à Châteauroux en juillet 2009, les équipes d’Evergreen avaient déjà annoncé songer à une utilisation nocturne du Boeing 747 grâce à sa capacité de larguer plus haut que les avions plus conventionnels, lui permettant ainsi de s’affranchir des risques liés à la proximité du terrain. GSS suit également cette voie et des études préliminaires ont déjà été effectuées en ce sens, notamment en se servant de la longue expérience accumulée par les pilotes des voilures tournantes du Los Angeles Fire Department rompus à cette discipline depuis de nombreuses années. Pour une utilisation du Supertanker en VFR de nuit, plusieurs pistes sont envisagées comme l’installation d’un EVS ou l’adaptation du cockpit à l’utilisation de jumelles de de vision nocturne. Aucune décision n’a toutefois été prise pour le moment et cette évolution est une prévision, de toute façon, à long terme .

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Exemple d’Enhanced Vision System, le « Clear Vision (TM) » d’Elbit Systems. (Photo : Elbit Systems)

Car une question essentielle doit d’abord être tranchée : est-ce que l’USFS, qui est toujours en léger déficit d’avions de lutte anti-incendie, tiendra les promesses faites en 2013 ? C’est là le nœud du problème.

Global-SuperTanker-logo1 500 pixL’expérience préalable d’Evergreen a fait la démonstration qu’il était très difficile à un avion aussi imposant de trouver des missions à sa hauteur. Cependant, les récents incendies dans l’ouest de les USA, et la saison 2015 a été particulièrement difficile sur ce point, ont entraîné une utilisation intensive des Very Large Air Tankers, en particulier des trois DC-10 de 10 Tanker, qui à défaut de se montrer décisifs, se sont montrés particulièrement utiles.

Le Boeing 747-400 peut-il s’inscrire dans cette logique ? Le Forest Service sera-t’il sensible aux arguments de GSS ? Les semaines à venir risques d’être cruciales pour le développement de ce passionnant projet.

(1) Il aurait été récupéré depuis.

Mriya, Dreamlifter, Beluga et Guppy, attention convois (aériens) exceptionnels !

A une vingtaine de km au nord-ouest de Kiev se trouve l’aérodrome de Gostomel (UKKM). Propriété du constructeur aéronautique Antonov qui l’utilise essentiellement pour ses principaux vols d’essais, il sert également de base pour la compagnie aérienne spécialisée dans le fret, Antonov Airlines dont la flotte, constitués d’une vingtaine d’avions cargos de divers types sortis des usines locales, se distingue en exploitant un avion rare, car unique et spectaculaire, l’Antonov 225 Mriya.

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Dérivé de l’An-124, dont 4 exemplaires sont visibles sur cette vue aérienne de l’aérodrome de Gostomel, l’An-225 démontre sa taille exceptionnelle. On note aussi la présence de deux AN-22 qui en imposent aussi !

Dernier vestige encore actif de l’aventure de la navette spatiale soviétique, cet appareil immense a été conçu à la fin des années 80 pour le convoyage par voie aérienne des véhicules spatiaux, à l’instar des deux Boeing 747-100 Shuttle Carrier Aircraft (SCA) de la NASA. Cet hexaréacteur, dérivé de l’Antonov 124, peut, à juste titre, prétendre au titre de plus gros avion jamais construit (1). Avec la chute du régime soviétique en 1991, le programme spatial (2) est stoppé et l’Antonov 225 reste stocké pendant 8 ans. Au tournant du siècle, l’émergence d’un besoin de plus en plus important de transporteurs aériens de forte capacité entraîne une remise en état de vol et une reconfiguration du Mriya en cargo.

Le second exemplaire du 225, que l’arrêt du programme Buran avait laissé inachevé dans les années 90, est même remis en chantier un temps, mais le coût de cette construction s’est avéré un peu trop élevé et le projet a vite été stoppé. Ce fuselage demeure toutefois abrité, en bon état, dans un hangar de Gostomel.

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L’unique An-225 escorté par quatre L-39 de la patrouille Vyazma Russ  lors d’un meeting aérien à Kiev en 2012. (Photo : Oleg V. Belyakov – AirTeamImages)

Depuis maintenant une quinzaine d’années, l’Antonov 225, immatriculé UR-82060, est régulièrement mis à contribution pour les missions de transport à la demande pour des charges exceptionnelles par leur taille ou leur masse, parfois les deux. Il est effectivement le seul appareil capable de décoller avec une charge utile, hors carburant, d’environ 250 tonnes et un volume utilisable de 1300 m³.

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Capture Flightradar24 du départ de l’Antonov 225 à destination de Doncaster en novembre 2015. Chacun de ses mouvements, rares, devient un évènement particulièrement suivi.

Si l’Antonov 225 est impressionnant par sa taille et sa charge utile, la plus lourde, Boeing, de son côté, a récemment mis en service l’appareil disposant du plus grand volume disponible.

Au milieu des années 2000, pour appuyer le programme 787 Dreamliner dont le carnet de commande était particulièrement garni, et ce, des mois avant même le premier vol du prototype, Boeing a lancé la conversion de quatre Boeing 747-400 de seconde main en Boeing 747-409(LCF) Dreamlifter dont le fuselage a été agrandi pour obtenir un volume record de 1840 m³. La charge utile, de 113 tonnes, reste cependant similaire à celle des version cargo de cette version du quadriréacteur.

Le chantier de conversion des quatre appareils, désormais immatriculés N747BC, N780BA, N718BA et N249BA, a  été effectué par Evergreen Aviation Technologies Corp à Taiwan (3).

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Un Boeing 747LCF à Paine Field, Everett, État de Washington, important site de production Boeing au nord de Seattle.

Le contrat d’exploitation de ces avions est aujourd’hui confié à Atlas Air. Ils ont pour mission exclusive d’assurer les liaisons logistiques entre les différents sites impliqués dans la production des pièces principales du Dreamliner, principalement Everett et Charleston aux USA, Tarente en Italie et Nagoya au Japon.

747LCF Nagoya et Tarente

Trois Boeing 747LCF visibles sur GE à Nagoya (g) et à Tarente (d).

Le rôle joué par les Dreamlifter dans la production industrielle du 787 est clairement essentiel, une étude préliminaire ayant démontré que l’acheminement de ces mêmes pièces par voie maritime aurait pu prendre jusqu’à 30 jours. On imagine bien qu’en réduisant ce délai à un jour ou deux les économies réalisées compensent plus que largement l’investissement que ces avions représentent.

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Un 747LCF survole la région parisienne, le 10 mars 2011, en route vers l’Italie.

Le Dreamlifter a quand même fait la démonstration de capacités inattendues lorsque l’un d’eux, alors en vol vers McConnell Air Force Base au sud-est de Wichita au Kansas, s’est posé, lors d’une nuit de novembre 2013, sur la piste du James Jabara Airport, à une douzaine de km plus au nord, à la suite d’une confusion de son équipage. Comme c’est toujours le cas dans ces situations relativement peu fréquentes quand même, les pistes des deux aérodromes avaient la même orientation, mais celle où le Boeing s’est posé ne mesurait que 1800 mètres de long, contre plus de 3000 à la destination initiale. L’escale non prévue a duré une douzaine d’heure, le temps de vider l’appareil de sa cargaison et de vérifier si l’envol était possible, ce qui fut donc fait, devant de nombreuses caméras venues immortaliser cet évènement tragicomique.

747LCF Jason Rabinowitz

Avec beaucoup d’humour, les concepteurs du 747LCF ont écrit une lettre au père du Boeing 747 pour présenter leurs excuses pour ce qu’ils ont fait à la silhouette de son chef d’œuvre. L’histoire ne dit pas si ils ont été absouts pour cette faute grave ! (Photo : Jason Rabinowitz)

Le système mis en place par Boeing pour ses lignes logistiques est le même que celui qui est appliqué par son concurrent, Airbus, dont la spécificité européenne explique l’éparpillement des sites de production en France, en Allemagne et en Grande Bretagne. Pour transporter des pièces aussi volumineuses que des tronçons de fuselage, des ailes, des empennages et des gouvernes de profondeurs, Airbus a fait construire 5 Airbus A300-600ST Beluga qui se distinguent par un volume interne utilisable important de 1410m³, qui est resté le volume le plus vaste disponible sur un avion jusqu’à l’émergence du Dreamlifter (4). Cependant, la charge utile standard de 47 tonnes du Beluga demeure modeste en comparaison.

Beluga a Toulouse

Les 5 Airbus A300-600ST Beluga, réunis à l’usine de Toulouse, leur base de départ.

Ces avions sont entrés en service en 1996 chez Airbus Transport International, une filiale créée spécialement pour cela. Outre leurs missions quotidiennes au profit du groupe Airbus, ces cargos peuvent être loués pour des transports volumineux spéciaux. Ce fut le cas plusieurs fois, notamment, au profit d’Arianespace et même pour des opérations humanitaires. Mais l’opération la plus médiatique a été le convoyage du gigantesque tableau d’Eugène Delacroix, « La liberté guidant le peuple », (2,60 m de haut sur 3,25m de large) qui a bénéficié du Beluga n°3 pour son transport afin qu’il soit exposé à Tokyo en 1999. L’avion avait reçu une reproduction grandeur nature du chef d’œuvre sur son fuselage à l’occasion de cette mission prestigieuse.

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L’Airbus A300-600ST Beluga 3 spécialement décoré pour le transport du tableau de Delacroix vers le Japon en 1999 et exposé au Salon du Bourget en juin de cette année-là. (Photo : Reuters)

Ces avions célèbrent donc cette année leurs 20 ans de service. Ils vont être remplacés par le Beluga XL dérivé de l’Airbus A330-200 et dont le premier exemplaire est en cours de production. 5 exemplaires ont également été commandés qui devraient entrer en service entre 2019 et 2025 et pousser progressivement leurs prédécesseurs à la retraite. Avec une charge utile un peu plus élevée et un volume qui n’a pas encore été précisé, le Beluga XL devrait faciliter le transport de pièces plus volumineuses et plus lourdes et apporter une plus grande souplesse logistique à l’avionneur.

Vue d’artiste du futur Beluga XL à réacteurs Rolls-Royce. (Document Airbus Group)

Avant le Beluga, Airbus avait exploité la première génération d’avions à fort volume, les célèbres Super Guppy.

Conçus par la société Aero Spaceline à la suite d’un appel d’offre de la NASA qui cherchait le moyen de transférer les éléments des engins spatiaux construit dans l’ouest des USA jusqu’au site de lancement situé en Floride, de l’autre côté du pays, les Guppy qui existèrent en trois variantes principales, étaient des conversions de Boeing 377 Stratocruiser ou sa version militaire C-97 Stratofreighter. Le premier d’entre-eux, le Pregnant Guppy, immatriculé N1024V, vola effectivement pour la NASA une dizaine d’année à partir de 1963. Il prit donc une part non négligeable dans le programme Apollo. Retiré du service dans les années 70, et immatriculé alors N126AJ, il fut finalement ferraillé en 1979.

Deux Mini Guppy furent également construits. Le premier, immatriculé N111AS et disposant de turbines Allison 501, eut une carrière trop courte puisqu’il fut détruit au décollage d’un vol d’essais, le 10 mai 1970, seulement deux mois après son tout premier vol, tuant son équipage de 4 hommes. Le second, N422AJ, toujours motorisé par des Pratt & Whitney R-4360 connut une carrière plus longue puisqu’il fut exploité par son propre constructeur avant d’être revendu et utilisé sous l’immatriculation N422AU par plusieurs compagnies, dont Aero Union en Californie et Erickson Air Crane, jusqu’en 1995. Aujourd’hui, cet appareil est préservé et exposé au Tillamook Air Museum dans l’Oregon.

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Le Mini Guppy N422AU est désormais visible devant le hangar du Tillamook Air Museum.

Ce fut ensuite avec le Super Guppy que la famille se développa. Toujours avec des turbines Allison 501, ce nouveau dérivé du C-97, dont le volume de la soute était de 1408 m³, un record à l’époque, obtint son certificat de navigabilité en novembre 1966 pour les USA et en septembre 1971 pour la France.

En effet, face à ses besoins logistique, le nouvel avionneur Européen Airbus était à la recherche d’une solution pour le transport des éléments de ses avions produits sur les sites de ses différents partenaire européens.

Les trois premiers Super Guppy furent construits aux USA. Le premier entra en service en France en novembre 1971 immatriculé F-BTGV. Le deuxième, immatriculé N1038V resta aux USA car il vint prendre la succession du Pregnant Guppy de la NASA à partir de mai 1972 où il vola sous l’immatriculation N940NS. Le troisième, F-BPPA, entra au service d’Airbus, par l’intermédiaire de son exploitant Aéromaritime, filiale d’UTA, en août 1973.

Les deux appareils suivants, rendus nécessaire par le développement de l’activité du constructeur européen, furent assemblés en France, par UTA Industries au Bourget à partir de 1980. Le F-GDSG vola en juin 1982 suivit par le F-GEAI l’année suivante. (5)

Super Guppy Airbus (Jacques Guillem)

Le premier Super Guppy F-GTGV chargé d’une paire d’ailes d’Airbus. Cet avion est désormais préservé en Grande Bretagne. (photo : Jacques Guillem)

Les capacités des Super Guppy leur permettaient d’acheminer rapidement les sections de fuselage des avions en constructions de tous types. Et même les ailes des Airbus long courrier A330 et A340 pouvaient trouver leur place à bord. Ce sont ces capacités hors normes qui expliquent que la première génération de Beluga, sur base d’Airbus A300, dispose du même volume interne, à 2 m³ près !

Et quand on connaît l’opposition, à la fois technique et commerciale, qui existe aujourd’hui entre la firme de Seattle et celle de Toulouse, il est amusant de constater que la seconde doit une grande partie de son succès à sa logistique assurée  par des avions construits à l’origine par son principal concurrent !

Avec l’arrivée progressive des Beluga, à partir de 1995, plus performants, les Super Guppy cédèrent leurs places. Le dernier vol est effectué par le F-GDSG en octobre 1997, lorsqu’il rejoint Hambourg depuis Toulouse pour être préservé dans l’enceinte de l’usine DASA. Les deux autres avaient déjà rejoint les collections des Ailes Anciennes de Toulouse et du British Aviation Heritage à Bruntingthorpe en Grande-Bretagne.

Guppy preservés

Les Super Guppy préservés : le N940NS au Pima Air Museum de Tucson (Arizona), le F-BPPA à Toulouse, le F-GDSG à Hambourg et le F-BTGV à Bruntinthorpe.

La NASA profite du retrait des Super Guppy d’Airbus pour acquérir le plus récent, le n°4 F-GEAI, pour succéder à son N940NS, préservé dès lors au Pima Air Museum à Tucson dans l’Arizona.

Super Guppy El Paso

Le Super Guppy N941NA de la Nasa, vu sur sa base d’El Paso.

Basé normalement à El Paso, au Texas, le dernier représentant encore actif de la famille Super Guppy, ex F-GEAI et désormais immatriculé N941NA, effectue régulièrement des liaisons vers la Floride et le site du Kennedy Space Center à Cap Canaveral pour acheminer satellites et véhicules d’exploration spatiale qui doivent y être lancés.

EM-1 Arriving on the Guppy at the SLF

Le lundi 1er février 2016, le Super Guppy de la NASA livre un véhicule habitable Orion sur le Shuttle Landing Facility (SLF, à Cap Canaveral) pour une prochaine mission. (Photo : NASA)

Ces avions de transport spéciaux, qui sont aussi des oiseaux rares, ont donc des caractéristiques exceptionnelles. Certains peuvent même prétendre au titre de plus gros avion jamais construit, en fonction des paramètres qu’on jugera les plus judicieux, car quel est celui qu’il faut prendre en compte, la masse, la taille ou le volume ? Un débat sans fin !

Voici un tableau récapitulatif des données essentielles de certains appareils évoqués plus haut, accompagnés d’avions plus répandus à titre de comparaison.

avions super lourds ou super gros

A noter que le volume de la soute du futur A330ST Beluga XL n’a pas encore été communiqué. En ce qui concerne l’Airbus A380, il faut préciser qu’une version cargo A380F avait été prévue mais dont le développement a été arrêté très tôt. Ses caractéristiques auraient été les suivantes :  MTOW : 592 t, charge utile : 150 t, volume : 1134 m³.

La présence du H-4, autrement appelé Hugues Spruce Goose, s’explique surtout par son envergure record de 98 mètres. Au passage, le plus gros hydravion de l’histoire n’est pas visible directement sur Google Earth, mais le site où il est préservé facilement localisable en face l’aéroport de McMinnville dans l’Oregon.

Musée Evergreen de McMinnville OR

Le Musée Evergreen de McMinnville dans l’Oregon où le Spruce Goose est exposé. Les deux Boeing 747 donnent une bonne idée de la taille des bâtiments et les avions tout autour un avant goût intéressant de la collection qu’il abrite.

(1) exception faite de l’Ekranoplan KM qui se trouve à l’intersection des mondes aéronautiques, maritimes, de la science fiction et des délires éthyliques d’ingénieurs désœuvrés. La longueur de son fuselage frôlait les 100 mètres.

(2) La navette Buran, qui n’a effectué qu’un seul vol spatial, en automatique, en novembre 1988, a été détruite à Baïkonour en 2002 lorsqu’une tempête a balayé le hangar où elle tombait en ruine.

(3) En dépit de leur homonymie, cette société n’a aucun lien avec la compagnie cargo Evergreen International, aujourd’hui disparue. Cependant, avant que le contrat d’exploitation des Dreamlifter n’échoit à Atlas Air en 2010, c’est Evergreen International qui exploitait ces avions, alors au nombre de trois, au bénéfice de Boeing, de quoi causer une véritable confusion.

(4) Airbus fait aussi appel à des lignes maritimes et routières, mais sur des distances plus raisonnables que celles envisagées par Boeing pour le 787 et pour un avion, l’A380, dont le rythme de production est bien moins élevé.

(5) C’est dans le cadre de ce programme qu’un ancien KC-97 de la Garde Nationale du Missouri fut convoyé en France. Cet avion connut un destin bien peu enviable comme le raconte List’in MAE.

Traces de drames

Si l’observation des photos aériennes de Google Earth peut être un moyen simple de spotter sans sortir de chez soi et d’observer des avions rares et originaux, il est aussi possible de trouver les traces d’évènements plus tragiques, qui ont aussi marqué l’histoire de l’aviation. En voici deux exemples.

Au nord-est de Paris, à très exactement 38 km du parvis de Notre-Dame, près de Senlis, cette clairière d’environ 700 mètres de long n’a absolument rien de naturel.

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Il y a bientôt 42 ans, c’est là que le DC-10 TC-JAV de la Turkish Airlines a terminé son court vol quelques minutes après avoir décollé d’Orly en direction de Londres, le 3 mars 1974. A bord se trouvaient 346 personnes, passagers et membres d’équipage.

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Le TC-JAV de Turkish Airlines photographié à Londres l’année précédent le drame. (Photo : Clipperarctic)

L’histoire est connue. Sur ce type d’avion récemment entré en service, le verrouillage des portes de la soute et le système qui en permettait la vérification était très imparfait. Arrivé à une altitude où l’effet de la pressurisation de la cellule devenait sensible, environ 12 000 pieds (4000 mètres), la porte qui avait été mal fermée, ce qui n’avait pas été vérifié, a cédé. Une partie du plancher de l’avion s’est alors effondré, entraînant quelques malheureux dans une chute aussi soudaine qu’inexorable mais bloquant aussi les commandes de vol dont les tringleries passaient là. Un tout petit peu plus d’une minute plus tard, l’avion percuta le sol à très grande vitesse, à plus de 480 kt (860 km/h), légèrement incliné sur la gauche mais avec une assiette à piquer de seulement 4°.

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Le site du drame peu après l’accident. Cette photo démontre de façon incroyable la puissance de l’impact de l’avion. (Photo : Beutter/SIPA)

Un incident similaire était survenu à bord d’un avion d’American Airlines, alors au-dessus de Windsor dans l’Ontario deux ans plus tôt, mais l’effondrement du plancher n’avait pas coupé les commandes et l’équipage avait pu ramener l’avion au sol. Cet incident grave n’avait cependant pas donné lieu à une consigne de navigabilité qui aurait rendu des modifications du système de verrouillage et de sa vérification de la porte cargo obligatoire.

Douglas, à la suite du procès consécutif au drame, a été lourdement condamné. Dans la forêt d’Ermenonville, un monument a été érigé non loin du site exact du drame et les très nombreux promeneurs du secteur ont pris l’habitude de déposer les débris métalliques qu’ils retrouvent encore à son pied. Très visible depuis le ciel, cette clairière témoigne directement de ce terrible évènement qui était, à l’époque, la plus grave catastrophe de l’histoire de l’aviation commerciale.

Près d’Amsterdam, à exactement 12 kilomètres du seuil de piste 27 de Schiphol, près d’une barre d’immeuble alors en déconstruction, l’empreinte au sol d’un bâtiment similaire  est encore visible sur cette photo datant de 2004.

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Le 4 octobre 1992, le Boeing 747-200F immatriculé 4X-AXG appartenant à la branche cargo de la compagnie El Al, décolla de Schiphol, piste 01L (devenue depuis une 36L), à destination de Tel Aviv chargé de 114 tonnes de marchandises. Seulement quelques minutes après le décollage, alors que l’appareil atteignait 6500 pieds, le réacteur numéro 3 et son pylône se sont détaché de l’aile droite en percutant le réacteur numéro 4 au passage, qui, lui aussi, tomba dans le lac que l’appareil survolait alors. L’équipage réclama immédiatement l’autorisation de revenir se poser au plus vite sur l’aéroport. Après quelques tergiversations, l’avion fut autorisé à rejoindre la piste 27.

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le Boeing 747 4X-AXG en juin 1978. (Photo : Aero Icarus)

8 minutes après l’incident, et alors que le Boeing se trouve à une dizaine de km du but, et que l’équipage est en train de réduire la vitesse en vue de l’atterrissage, l’avion devint incontrôlable et tomba presque à la verticale, directement sur cet immeuble de 11 étages qu’il éventra.

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L’immeuble éventré par la chute du Boeing 747, quelques heures après le drame.

Outre l’équipage de quatre hommes, on releva 39 corps d’habitants de l’immeuble, 31 appartements ayant été dévastés par le crash.

La perte des deux réacteurs fut attribuée à la rupture de la fixation du pylône à l’aile du réacteur 3, un problème qui s’est produit à plusieurs reprises dans l’histoire du 747, notamment l’année précédente où un autre 747-200 cargo, appartenant à China Airlines, avait subit exactement le même problème avec le réacteur numéro 3 se détachant et percutant le numéro 4. Les conséquences furent les mêmes et l’avion s’écrasa, heureusement dans une zone inhabitée. En 1993, un 747-100 d’Evergreen perdit son réacteur numéro 2  au décollage d’Anchorage mais était parvenu à revenir se poser.

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Le site du drame, tel qu’il se présente en juin 2015.

Trop endommagé, l’immeuble touché par le Boeing fut démoli et il n’en resta longtemps qu’une simple trace au sol. Au cours des années 2000, c’est la seconde barre de qui fut déconstruite et l’ensemble laissa la place à un lotissement moderne, faisant disparaître les derniers signes encore visibles de la chute du Boeing. Mais l’accident a laissé une marque profonde aux Pays-Bas par les fortes polémiques qu’il a entraîné, notamment sur la nature exacte de la cargaison de l’avion, sur le bilan précis du drame et sur la disparition d’une des deux boites noires.

L’urbanisme ne peut suffire à faire oublier cette sombre histoire.

Le Boeing 747 Supertanker d’Evergreen

Au début des années 2000, aux USA, la période est propice à l’émergence d’une nouvelle génération d’avions de lutte anti-incendie. Alors que les feux semblent n’avoir jamais été si nombreux et si importants, l’interdiction soudaine des C-130A Hercules et des PB4Y Privateer, à la suite de deux accidents tragiques lors de l’été 2002, entraîne, deux ans plus tard, le bannissement définitif de nombreux types d’appareils considérés désormais comme dépassés. Cette situation sert de point de départ au lancement de plusieurs projets de modifications d’avions pour la lutte anti-incendie dont deux d’une capacité sans commune mesure avec les aéronefs alors en service.

D’un côté la compagnie 10 Tanker  procède à la mise au point et à la mise en service d’un DC-10 doté d’une soute de 45 000 litres, de l’autre, la compagnie Evergreen International va encore plus loin avec un Boeing 747-200 cargo doté d’un système de largage de 19 600 gallons US soit environ 75 000 litres. Ces deux types d’avions ont entraîné la création d’une nouvelle catégorie dans la classification des avions de lutte anti-incendie aux USA, les VLAT, Very Large Air Tankers.

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En haut, deux montages préfigurant le Supertanker en action. En bas, deux photos du 747-273C N470EV lors de ses premiers essais de largage, alors qu’il conserve encore la livrée Evergreen International habituelle. (Evergreen Supertanker)

Evergreen International n’est pas tout à fait un nouveau venu dans ce business. Dans les années 70 et 80, avant de se spécialiser dans le fret avec une importante flotte de Boeing 747 cargo, cette compagnie de travail aérien a exploité des B-17 Flying Fortress et P2V Neptune tankers sous contrat avec l’US Forest Service. Evergreen conserve alors aussi une branche hélicoptères de travail aérien dont les S-64 Skycrane peuvent être utilisés comme bombardiers d’eau. Cette entreprise, avec une vraie expérience et une vraie histoire dans le domaine de la lutte contre les feux, tente donc un come-back tonitruant. Un budget de 40 à 50 millions de dollars est alloué à ce projet, essentiellement pour la conception et la fabrication du système de largage pressurisé qui fait l’objet de plusieurs brevets successifs en fonction de ses évolutions.

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Une fois certifié, le premier Supertanker, le Boeing 747-273C immatriculé N470EV, devint le Tanker 947. Sa dérive fut alors peinte en conséquence et le nom Supertanker ajouté sur le fuselage. (Photo : Scott Wright)

Le premier système conçu est installé sur des palettes mobiles afin de pouvoir, comme un MAFFS, être facilement ôté de la soute d’un Boeing 747-200 cargo par son nez ouvrant, même si une modification importante de l’avion porteur reste nécessaire avec l’installation à demeure sous le fuselage, des quatre buses de largage.

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Les quatre buses de largage du Supertanker.

La complexité d’un système pressurisé, par opposition aux systèmes conventionnels et à débit constant, est compensé par la relative étroitesse de la zone à modifier sur la structure de l’avion pour installer les quatre buses de largage.

La force de l’impact de la charge et l’empreinte du largage font cependant l’objet d’importants débats, de même que le comportement d’un avion aussi imposant à basse altitude. Evergreen répond en expliquant que contrairement aux autres appareils obligés d’être très bas (30 à 50 mètres en fonction des circonstances) pour larguer, la pression du système adopté sur le Supertanker l’autorise à le faire depuis une hauteur de 250 mètres, ce qui est cohérent pour une utilisation en attaque indirecte ou semi-directe au retardant. Cette capacité, toujours selon la compagnie, ouvre alors la perspective d’une possibilité d’utilisation nocturne de l’appareil, bien qu’aucune expérimentation pratique ne soit prévue alors à moyen terme.

Evergreen insiste surtout sur la polyvalence de son avion, capable de poser d’importantes charges de retardant contre des feux, mais susceptible de pouvoir faire de même avec les produits dispersants utilisés lors des marrées noires par exemple.

Le premier avion modifié avec ce système, le Boeing 747-273C immatriculé N470EV, effectue ses essais préliminaires en 2004 sur une zone aménagée au nord de l’aéroport du Pinal Park à Marana dans l’Arizona et donne satisfaction à ses commanditaires.

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Au nord du Pinal Park, entre Tucson et Phoenix dans l’Arizona , une zone rectangulaire de 2 km de long a été aménagée pour l’analyse des largages du Supertanker. (Google Earth)

La certification est obtenue en 2006 et sa première présentation publique a lieu la même année, au mois de mai, à Sacramento en Californie. C’est la première d’une longue série qui a pour but de faire connaître l’appareil et ses capacités aux décideurs des différentes administrations susceptibles de louer cet appareil imposant et néanmoins coûteux. Mais l’avion ne parvient pas à décrocher le moindre accord.

Devant cette situation qui perdure Evergreen prend la décision, autour de 2008, de réaffecter le N470EV à des vols cargos et d’utiliser un Boeing 747-100, plus ancien et moins rentable pour le transport de fret pour poursuivre l’aventure Supertanker.

Le deuxième Supertanker, le Boeing 747-132C, immatriculé N479EV, Tanker 979

C’est le Boeing 747-132C N479EV, construit en 1970 et utilisé par China Airlines et PanAm avant d’être converti en cargo en 1984, qui est choisi. Il devient donc le Tanker 979 fin 2008 lorsqu’on lui installe un système de réservoirs et de largage dérivé du modèle précédent, allégé par la suppression du système de palettes et avec des réservoirs améliorés.

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Le système de réservoirs sous pression du Supertanker.

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Schéma de l’aménagement général du système embarqué à bord du Supertanker 979. Extrait du  brevet déposé par Evergreen en 2008. Légende : 30 = réservoirs de retardant. 46 = accumulateurs d’air pressurisé. 5 = alimentation sous pression. 5 = buses de largage.

En mars 2009, le nouveau Supertanker obtient l’approbation de l’Interagency Tanker Board, l’organisme  en charge d’évaluer les appareils candidats aux contrats saisonniers de lutte contre les feux aux USA.

Avec l’objectif de décrocher des contrats en dehors des USA, l’avion effectue une tournée de démonstration qui débute à Chateauroux le 16 juillet 2009. L’avion est ensuite présenté le 21 juillet à Ciudad Real en Espagne. Les pompiers espagnols étant alors aux prises avec un feu important, qui venait de tuer cinq des leurs, l’appareil effectue alors son premier largage opérationnel dans la région de Cuenca. Ensuite, le Supertanker effectue une dernière démonstration à Francfort le 24. A peine rentré sur le continent américain, il est amené à intervenir sur un immense feu dans la région de Fairbanks en Alaska le 31, faisant ainsi la démonstration d’une véritable capacité intercontinentale. A la fin de l’été, il est également sollicité pour participer à la lutte contre les feux qui touchent la région de Los Angeles.

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Le Boeing 747-100 Tanker 979 garé devant la tour de contrôle de Chateauroux le 16 juillet 2009.

En décembre 2010, Il intervient en Israël lors du terrible feu du Mont Carmel, dans lequel 40 personnes ont perdu la vie, puis, en avril 2011, il est engagé au Mexique pour combattre des feux dans la province de Coahuila.

L’appareil est ensuite arrêté de vol faute de nouveau contrat. Le PDG d’Evergreen publie alors une lettre ouverte dans laquelle il critique vigoureusement le manque de soutien de l’US Forest Service alors même que l’organisme fédéral est confronté à un grave déficit d’avions opérationnels et que la situation sur le front des incendies, notamment dans l’ouest du pays, est intenable. Le Supertanker semble alors promis au parc à ferraille, ses réacteurs ayant même déjà été retirés pour servir à d’autres avions de la compagnie ou être revendus.

Mais au début de la saison 2013, l’USFS, annonce officiellement accorder au Supertanker un contrat en « Call When Needed » de trois ans. Un tarif prévisionnel est également annoncé, soit 75 000 $ par jour d’activité plus 12 000 $ par heure de vol effectuée.

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Le Boeing 747 Supertanker stocké à Marana, trois réacteurs en moins, en 2014. (Google Earth)

Finalement, devant le coût de la remise en état de son appareil, que la compagnie estime alors à un million de Dollars, Evergreen décide de repousser l’opération en gardant pour objectif de rendre l’avion opérationnel pour la saison 2014.

Malheureusement, Evergreen, dont l’activité cargo est alors essentiellement consacrée au rapatriement du matériel militaire américain depuis l’Irak et l’Afghanistan, est directement victime du « shutdown »  budgétaire américain de 2013. Privé de ses contrats avec le Department of Defense, la compagnie cesse son activité à l’automne. En faillite, elle est liquidée au mois de décembre. Le Supertanker reste alors stationné à Marana dans l’Arizona, dans un coin de l’aéroport, aux côtés d’autres avions désormais en attente d’une décision sur leur sort.

Si l’histoire du Supertanker selon Evergreen s’arrête là, celle d’un Boeing 747 de lutte anti-incendie continue pourtant avec la création d’une nouvelle société dont l’objectif  est de poursuivre cette aventure.

(à suivre)

Air France a dit adieu à ses Boeing 747

L’atterrissage à Roissy du vol AF439 en provenance de Mexico, le lundi 11 janvier 2016 vers 14h00, mettait le point final à une longue histoire d’amour entre une compagnie et un avion aussi emblématique qu’historique. Après plus de 45 ans, il s’agissait du dernier vol commercial assuré pour Air France par un Boeing 747. Le premier avait eu lieu le 3 juin 1970 sur la ligne « star » de la compagnie, entre Paris et New-York.

Sur cette longue période, qui représente plus de la moitié de toute l’histoire de la compagnie, les versions du Jumbo se sont succédé, les 747-100 laissant leurs places à des 200 et des 300 et enfin, à partir de la fin des années 80, aux 747-400.

A son entrée en service en 1970, le Boeing 747-100 faisait franchir un pas de géant aux compagnies aériennes par sa distance franchissable et le nombre de passagers emportés même si on était encore loin des capacités haute densité des version ultérieures. (photo : Air France)

Avion mythique, reconnaissable entre mille avec sa fameuse bosse, le plus gros des Boeing, dont on ne se lasse pas d’expliquer qu’il a révolutionné le transport aérien, ne pouvait pas tirer sa révérence d’une grande compagnie nationale en catimini.

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Le logo spécial utilisé par Air France pour célébrer le retrait d’un avion de légende.

Début décembre 2015, Air France a donc mis en vente des places pour un vol commémoratif, indicatif AF747, prévu pour l’après-midi du 14 janvier 2015 pour permettre aux passionnés et aux anciens de passer un dernier moment à bord d’une légende de l’histoire de l’aviation. Le succès de l’opération a été indéniable, le standard de la compagnie se retrouvant rapidement hors- service, plus de 30 000 tentatives pour le joindre ayant été comptabilisés ce jour-là. Il y avait donc des dizaines de milliers de volontaires en mesure de dépenser 220 € pour effectuer un tour de France en Boeing 747. Quelques jours plus tard, un second vol fut alors annoncé pour la matinée du 14 janvier, indicatif AF744, et dont les places partirent tout aussi vite.

Bienvenue à bord du vol AF744

Le vol étant annoncé au décollage à 9h00, les passagers étaient invités à se présenter à l’aéroport avant 8h00. Sur les tableaux des terminaux, l’avion était bien prévu à l’heure.

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Un vol à destination de Charles de Gaulle au décollage de Roissy, une situation peu banale.

Si au comptoir d’embarquement Air France les équipes étaient prévenues qu’elles allaient avoir des passagers pour un vol à destination de Paris, pour les prestataires externes affectés aux points de filtrage, qui vérifiaient donc les bagages à main et les cartes d’embarquement, la découverte de « fictitious » comme destination a causé quelques interrogations vite levées par les passagers eux-mêmes.

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Une carte d’embarquement particulière à plus d’un titre.

C’est une foule joyeuse et variée qui s’est donc engouffrée dans le F-GITJ à l’heure dite. le temps de s’installer tranquillement, les premiers messages au « public adress » du personnel de bord indiquaient que ce vol ne sera décidément pas comme les autres. Alors que les écrans de l’IFE diffusaient les consignes de sécurité que personne ne suivait vraiment, à plusieurs reprises, la chef de cabine a rappelé que les personnels au sol montés à bord devaient en descendre maintenant pour permettre le décollage. Il ne fait aucun doute que ces passionnés avaient du mal à quitter un avion dont il se sont occupés,  aux arrivés et aux départs, pendant des années. Pour eux aussi, c’était aussi un moment particulier teinté d’émotion.

« Pour la dernière fois, PNC aux portes, armement des toboggans, vérification de la porte opposée ». Avec plus d’une demi-heure de retard sur le programmé prévu, le 747 Tango-Juliette est repoussé et mets en route, un à un, ses quatre réacteurs avant de rouler en destination des pistes.

Après un court temps d’attente, l’avion s’engage dans un « rolling take off » très vif face à l’ouest. A la masse au décollage de 286 tonnes, dont 50 de carburant, le 747-400 est très léger, loin des 400 tonnes maximales possibles. Il décolle donc rapidement et grimpe vite dans la couche qui empêcha les passagers d’apercevoir Paris. Un léger virage vers l’Est le vol prit le cap vers les Alpes en grimpant vers le niveau de vol 300 soit 10 000 mètres environ.

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La couverture du menu spécial de ce vol particulier.

A peine les indications « attachez vos ceintures » éteintes que les allées de l’appareil se sont remplies d’une foule désireuse de visiter l’avion de fond en comble.

Pour les PNC, le « cauchemar » commençait. Comment faire circuler dans ces allées les petits chariots chargés de Champagne pour servir des gens qui de toute façon se sont éparpillés dans tout l’avion ?

Quelques messages très amicaux et même rigolards incitèrent les curieux à revenir s’assoir à leurs places. La petite collation servie, aux standards de ce qui est proposé habituellement aux passagers de la classe affaires, était juste parfaite et le Champagne qui l’accompagnait tout à fait délicieux. Un petit assortiments de sucreries dans un sachet estampillé « Fauchon » vint accompagner ces quelques mets. Cette légère collation consommée, à nouveau la foule vint encombrer les couloirs, dans la bonne humeur générale. Quelques hublots accessibles permirent aux photographes frustrés d’être installés dans les rangées centrales de faire travailler leurs cartes mémoires.

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Au dessus des nuages, il fait toujours beau !

Après avoir frôlé les Alpes, l’avion a obliqué vers Marseille puis a survolé Toulouse, la région de Bordeaux avant de remonter vers Nantes. La France étant particulièrement couverte ce jeudi, difficile  de profiter du paysage. Mais en arrivant vers les pays de la Loire, la couche nuageuse se déchirant, l’équipage amena son appareil vers des niveaux de vols plus touristiques, afin que les passagers puissent un peu profiter du paysage. Pendant ce temps, le journaliste et pilote émérite Frédéric Béniada, auteur d’un très joli livre sur le Jumbo, racontait au micro l’aventure du Boeing 747 et la grande histoire d’amour entre cet appareil et la compagnie française.

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Le F-GITJ surpris lors de son survol de Nantes. (Photo : Fabrice Renaudet)

A proximité de Nantes, l’avion se trouvait à environ 25 000 pieds. Rennes fut survolé à 20 000 pieds avant de remonter un peu vers le Mont Saint-Michel, visible pour ceux qui étaient alors du bon côté.

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L’Est de la ville de Rennes et Cesson-Sévigné survolés à 20 000 pieds. La nouvelle voie TGV est clairement visible à droite.

Après la Normandie, l’avion est encore descendu pour atteindre les alentours de 10 000 pieds. Procédure rare dans l’histoire de l’exploitation des avions d’Air France, mais la fin du vol a été effectué en régime de vol VFR, comme n’importe quel avion léger, surveillé attentivement cependant par les contrôleurs aériens. Le trafic à Roissy étant particulièrement dense à ce moment-là, par deux fois l’appareil a dû procéder à un 360° d’attente afin de laisser passer des avions qui, eux, avaient un horaire à tenir. C’est ainsi que ce vol prévu pour durer 2h40 a finalement atteint les 3h20. Une situation qui aurait tendance à tendre les nerfs des passagers en temps normal mais qui, dans ces circonstances, a été particulièrement apprécié par les passionnés.

Puis vint le temps de la descente finale.

Et l’émotion gagna l’équipage qui effectuait son dernier vol sur cet appareil. Il y eu quelques larmes au moment des dernières annonces mais sans que l’ambiance générale n’en soit alourdie.

Le Boeing 747 toucha terre sur la piste 27L de Roissy et le commandant de bord, M. Thierry Mondon, gratifia ses passagers d’un spectaculaire freinage, volets sortis, AF et spoilers en action, reverse à fond, histoire de démontrer que sa monture en avait encore « sous le capot ».

Si le vol était parti de la porte M26 du terminal 2E, le débarquement devait se faire en zone de maintenance pour une courte réception dans les ateliers d’entretien de la compagnie. Après le roulage, juste après avoir coupé une dernière fois les réacteurs, l’équipage a, comme d’habitude, autorisé les passagers à se lever en coupant le signal « ceintures attachées ». Petit soucis, l’appareil n’était pas, alors, vraiment à l’endroit où il devait s’arrêter. En attendant qu’il soit tracté sur les quelques mètres manquants, la chef de cabine fit un appel par le « public adress » assez inédit dans l’histoire de l’aviation commerciale : « Nous ne sommes pas tout à fait à notre point de stationnement, vous demander de vous asseoir n’est pas envisageable, faites très attention à vous ! »

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Le TJ dépose ses derniers passagers en zone de maintenance à Roissy. Le vol AF744 est terminé.

C’est au moment où de la descente du Boeing qu’a eu lieu la seule petite fausse note de la journée. Comme les nombreux passagers étaient attendus dans le hangar juste devant l’avion en pleine zone de maintenance opérationnelle, il n’était pas possible de les laisser gambader autour de l’avion pour faire des photos. Des équipes d’Air France étaient là pour les canaliser et les faire entrer sur le lieu de la réception et si les incitations étaient aimablement faites, il n’a pas été vraiment possible de tirer correctement le portrait de l’avion. C’est dommage, mais surtout extrêmement frustrant.

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Sous l’aile du F-GITD, le buffet attend les passagers du vol AF744.

Dans le hangar, un autre 747 d’Air France, le F-GITD attendait, servant de décor pour l’occasion, accompagné d’un Boeing 777 porteur d’une discrète décoration spéciale. Le troisième et dernier, le F-GITE, était alors en vol, en train d’assurer le vol historique AF747. Après l’intervention de la directrice du centre de maintenance, le PDG de la compagnie, qui avait participé au vol, prit la parole pour expliquer l’attachement de la compagnie à ses Boeing, avant de laisser la foule affamée se ruer vers un buffet très apprécié.

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Alexandre de Juniac, PDG d’Air France, au cours de sa brève allocution.

Après la remise du certificat de vol et du « filet garni » contenant quelques « goodies », porte-clef, casquette, autocollant, et un livre sur l’histoire d’Europe 1, partenaire média de l’opération puisqu’un direct a été organisé depuis le AF747 en vol au-dessus de la France, des navettes bus ont raccompagné les passagers jusqu’au terminal 2E par les voies de cheminement en zone aérodrome ; l’occasion de tirer le portrait de quelques avions de ligne sans être gênés par une quelconque barrière et sans avoir besoin d’avoir en poche l’autorisation préfectorale obligatoire pour les spotters à Roissy.

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Un dernier regard vers le F-GITJ depuis le bus ramenant les passagers vers le terminal 2.

Avec ces deux vols commémoratifs, Air France a réussi une opération de communication importante. Relayé par de très nombreux médias dans le monde et surtout avec un succès public retentissant – n’oublions pas les 30 000 demandes enregistrées au moment de la mise en vente des places – le retrait de service des Boeing 747 à la dérive tricolore n’est pas passé inaperçu. Pour ceux, très privilégiés, qui ont vécu ces derniers instants à 30 000 pieds au-dessus de notre pays, il restera longtemps le souvenir d’un vol à l’ambiance incroyable et d’un moment absolument délicieux. Merci donc à Air France et aux équipes impliquées dans ce projet pour la réussite de cette opération. Et Bravo !

AF744 et AF 747 (document : http://www.radarvirtuel.com/)

Relevé des trajectoires des AF744 (en bleu) et AF747 (en noir) du 14 janvier 2016. Document radarvirtuel.com

L’avenir des trois derniers 747 d’Air France n’a pas encore été précisé en détail. Le TE a fait, le samedi 16 janvier un court vol vers l’aéroport du Bourget où il est venu se garer devant le Musée de l’Air pour le weekend avant de repartir le dimanche soir à Roissy.

Ainsi de nombreux passionnés ont pu venir visiter une dernière fois le géant des airs. Ils ont ainsi pu faire directement la comparaison avec la première génération de cette famille d’avions puisque le Musée de l’Air présente dans ses collections le Boeing 747-128 F-BPVJ, entré en service à Air France en 1973 et retiré du service en 2000, exposé et ouvert au public depuis sur l’aéroport du Bourget.

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Le Boeing 747 du Musée de l’Air au Bourget entouré de véhicules de collection lors de l’inauguration du premier hall, provisoire, consacré à la seconde guerre mondiale en 2006.