Les Lead Planes (et consorts – 2e partie)

Au cours de l’histoire des Lead Planes, de très nombreux types d’avions ont été utilisés pour cette mission. En dresser la liste exhaustive serait particulièrement ardu, néanmoins voici quelques exemples éclairants sur les nécessités qu’impose cette mission difficile mais indispensable.

Le Neptune Tanker 55 en action derrière son Beech King Air Lead Plane. (Photo : Minden Aviation)

Dans un premier temps, au début de l’aventure des premiers avions de lutte anti-incendie, ce sont les avions existants et disponibles, peu importe la catégorie, pour peu qu’ils soient maniables et adaptés à la mission, qui sont utilisés. Les biplaces monomoteurs T-6 et T-28 trouvèrent dans ce nouvel univers civil une mission proche des opérations d’appui rapprochés et des missions de contrôle aérien avancé dans laquelle ils se sont distingués sous l’uniforme.

Mais le plus étonnant est peut-être le P-51D Mustang de la société Hillcrest Aviation, basée dans l’Oregon, qui est réputé avoir été utilisé comme Lead Plane, notamment en Alaska, au milieu des années 60.

Avant de tomber entre les mains de Clay Lacy et de devenir un célèbre racer, le P-51D « Pink Lady » fut, quelques saison, un avion Lead Plane. De quoi faire rêver les pilotes actuels, non ?! (Photo : Coll. Clay Lacy)

Cet avion, qui a participé à de nombreuses courses aériennes des années 70 vole toujours aujourd’hui, revêtu d’une étonnante livrée rose tirant sur le mauve.

Quelques Lead Planes de l’USFS

D’autres avions, militaires comme civils, trouvèrent là de nouvelles missions. Ce fut le cas en particulier du Beechcraft T-34, version biplace d’entraînement extrapolée du Bonanza, qui fut longuement exploité notamment au sein de l’US Forest Service. Sa configuration en tandem permettait à un observateur en place arrière de disposer d’une vue exceptionnelle.

Le besoin d’avions-guides s’est fait très tôt sentir. Le Beech T-34 fut longuement utilisé pour les missions de l’USFS. (Infographie : C. Defever)

Plus original encore, on trouve également deux Pilatus PC-7 utilisés par les services forestiers de l’Alaska dans les années 2000. Au moins un de ces appareils a été ensuite revendu sur le marché des avions de collection et se trouve désormais basé près de Los Angeles.

Un des deux Pilatus Lead Plane d’Alaska, à Redmond dans l’Oregon en 2008. (Photo : C. Defever)

Pour de nombreuses raisons, désormais, les missions Air Attack, Lead Plane et ASM sont tenues par des bimoteurs. Les avions à moteurs à pistons comme le Piper Navajo, ont longtemps eu les faveurs des entreprises concernées mais c’est, une fois de plus, un Beechcraft qui s’est imposé auprès des organismes officiels puisque pendant les années 90, c’est le Baron qui a été l’outil de référence au sein de l’US Forest Service.

Baron 58P au-dessus de l’Oregon en 1992. (Photo : René J. Francillon)

En 2002 la flotte des Lead Planes de l’USFS comprenait 19 modèles Baron 58P, pressurisés. Après cette terrible saison, marquée par les accidents de deux Tankers, et l’audit du Blue Ribbon Panel, ces avions furent pointés également du doigt pour leurs nombreux problèmes techniques. Leur potentiel initial de 5000 heures de vol fut réduit par une Airworthiness Directive (AD) applicable à partir du 15 novembre 2007 qui limitait désormais à 4500 heures les appareils engagés pour les missions à basse altitude. Les Baron sont donc alors retirés progressivement du service et remplacés par des Beechcraft King Air relevant de compagnies sous contrats, les équipages restant de l’USFS.

Les Bronco du BLM

De son côté le BLM, Bureau of Land Management, confronté aux mêmes besoins sur ses secteurs a récupéré 7 OV-10A Bronco auprès de l’US Marines Corps en 1994. Ces appareils, conçus à l’époque de la guerre du Vietnam étaient parfaitement adaptés aux missions de contrôle aérien avancé, c’est à dire au survol des zones de combat avec l’objectif de désigner aux chasseurs bombardiers les cibles à traiter, il était donc logique de les évaluer pour une mission civile finalement assez proche dans ses contraintes.

Puissant, maniable et manœuvrant, disposant aussi d’un armement conséquent, l’appareil, par sa configuration en tandem et son immense verrière, offrait des atouts considérables pour ces missions civiles. En outre, les Bronco sont équipés de série d’un fumigène leur permettant de marquer l’endroit survolé, un dispositif depuis largement adopté pour les missions feu de forêt. Pour le BLM, les sièges éjectables ont été neutralisés et l’armement déposé.

Un des Bronco du BLM à l’entraînement avec un C-130E MAFFS du 146th AW en mai 1996. (Photo : René J. Francillon)

Le BLM exploita donc ces avions pour des missions Lead Plane pendant quelque saisons. Un appareil est détruit le 10 juin 1997. En 1999, essentiellement pour des raisons politiques, le programme est annulé mais les avions sont transférés au CDF où d’autres Bronco commencent à remplacer les Cessna O-2 Skymaster. Les 6 avions du BLM servent principalement de stock de pièces détachées mais l’un d’eux est préservé dans un musée néanmoins revêtu à nouveau d’une livrée militaire.

En Californie

Au cours des années 70, le California Department of Forestry  (CDF) finit par créer sa propre flotte d’avions de lutte anti-incendie après avoir longtemps fait appel à des sociétés sous contrat. Pour épauler ses avions, des Grumman Tracker, des Cessna O-2 Skymaster, prédécesseurs de l’OV-10 Bronco pour les missions FAC au Vietnam, sont alors exploités.

Un Cessna O-2 du Cal Fire à Redding en août 1992. (Photo : René J. Francillon)

Au CDF, ces avions sont prioritairement utilisés pour les missions Air Attack, surveillance des feux et coordination des moyens engagés. Lorsque les militaires retirent leurs Bronco après la guerre du Golfe  le CDF en profite pour acquérir une quinzaine, environ, d’exemplaires de la version OV-10A.

Au sein du CDF (désormais Cal Fire), ces avions sont modifiés et adaptés pour leur nouveau rôle. Allégés et modernisés ils sont adorés par leurs équipages. Ils sont répartis sur l’ensemble du territoire à raison d’un exemplaire par base, en compagnie d’un ou deux Tracker en fonction du secteur. Lorsque l’alerte est lancée, le Bronco décolle avec les Tankers. En place arrière se trouve un ATGS californien ce qui permet à l’Air Attack de jouer son rôle, coordonner les moyens aériens.

Photographié à McClellan à l’occasion d’une session d’entraînement, l’OV-10A AA330 est normalement affecté à la base de Ramona, la base la plus au sud de l’état.

En fait, les Air Attack californiens opèrent vraiment comme le concept ASM l’exige. Leur mission principale est clairement la coordination comme leur indicatif radio l’indique, mais quand la météo est difficile, quand la visibilité est mauvaise, ou, tout simplement, quand le pilote du Tracker le demande, le Bronco peut descendre et le guider. La fonction Lead Plane n’est donc pas systématique mais bien possible. Ceci varie aussi en fonction de l’expérience et des qualification des équipages qui ne sont pas tous au même stade de leurs évolutions professionnelles.

Le poste arrière de l’AA120, basé en saison à Rohnerville au nord de la Californie, dispose désormais d’un écran tactique.

Depuis leur entrée en service, ces appareils ont aussi bien évolué : Les hélices ont été changés, passant de trois à désormais cinq pales, à la grande satisfaction de l’exploitant. Mais ce sont les systèmes embarqués, notamment au profit de l’ATGS en place arrière, qui se sont perfectionnés et qui progressent continuellement.

En 2010-2011, le Cal Fire récupère auprès du Département d’Etat, deux OV-10D utilisé jusqu’alors en Colombie pour l’épandage de défoliant sur les plantations de coca.

L’unique OV-10D du Cal Fire en 2014. En 2018, il a reçu les mêmes hélices à 5 pales qui équipent les OV-10A californiens.

Le premier est remis en état de vol et aux couleur du Cal Fire tandis que l’autre est toujours stocké sur l’aérodrome de McClellan à Sacramento et qui est la base principale du Cal Fire. C’est là que l’AA 505 est désormais aussi basé. Il est réservé aux missions Lead Plane au profit des Tanker lourds (LAT, C-130, MD-87, BAe 146) et très lourds (VLAT, DC-10 et Boeing 747) loués par le Cal Fire pour la saison et qui sont aussi basés là pour la saison.  L’OV-10D, dispose d’une autonomie moindre que celle des OV-10A mais grâce à ses turbines T76 d’une version plus puissante, il est, de l’avis général, très bien adapté à sa mission.

Le roi King Air

Produit depuis plus de 50 ans dans ses différentes versions, le biturbopropulseur Beechcraft King Air s’est largement imposé dans l’aviation d’affaires et les missions spéciales. Sans être le plus performant des appareils de cette gamme, le King Air possède une excellente réputation de fiabilité, de maniabilité, de confort, tout en étant d’une exploitation raisonnablement économique.

C’est donc sans surprise qu’il a été choisi par l’USFS comme plateforme Lead Plane de référence a partir du moment où les bimoteurs Baron ont été retirés du service. Pour la saison 2018, les tarifs de location des appareils en « Wet Lease » étaient de 652 $ par heure de vol pour les Beech 90 et 767 $ pour les Beech 200, le carburant et l’équipage étant fournis par l’organisme fédéral.

Le « roi » King Air, la plateforme Lead Plane de prédilection et pour encore longtemps.

Leur comportement à basse altitude et leurs plages de vitesse les rendent compatibles avec tous les Tankers, des plus lents au plus rapides, les largages s’effectuant autour de 130 kt pour les LAT et 150 kt pour les VLAT. Ces appareils opèrent sous l’indicatif radio « Lead » suivi d’un numéro à deux chiffres.

En janvier 2018, l’USFS a attribué un marché de 142 millions $ à Textron, le groupe dont Beechcraft dépend désormais, pour la livraison de 20 King Air 250 spécialement équipés pour cette mission, notamment au niveau des radios. Les livraisons ne semblent pas avoir encore débuté pour le moment.

Aero Commander pour l’Air Attack

Pour les missions Air Attack, l’USFS fait confiance aux TC-690, des avions Aero Commander turbinisés, rapides et puissants qui sont parfois extrêmement bien équipés, comme les appareils de la société Courtney Aviation. Cette société basée à Columbia, dispose de trois TC-690 équipés de caméras et liaison de données, pouvant communiquer avec un véhicule de commandement spécialement aménagé.

Un des trois TC-690 Air Attack de Courtney Aviation avec le camion de commandement dans leur hangar de Columbia.

En plus de la coordination des moyens aériens, ces appareils peuvent cartographier une zone de sinistre, communiquer les informations pertinentes aux différents intervenants, en l’air comme au sol, et détecter les dangers même à travers la fumée. Ils constituent des outils particulièrement impressionnants. Ces avions en particulier sont, au gréé des contrats obtenus, opérés pour l’USFS, le BLM ou le Cal Fire.

D’autres vecteurs AA/ASM relevant d’autres entreprises et pouvant être équipés différemment sont aussi sous contrats.

L’expérience Cessna Citation

Une des expériences les plus étonnantes de ces dernières années a débuté avec le BLM en 2014. Avec l’arrivée des tankers à réactions, incarnés dans un premier temps par les VLAT puis par les BAe 146 à partir de 2011, suivis par les RJ-85, les MD-87 et les Boeing 737 tous anciens avions de ligne à réaction, s’est posé la compatibilité des avions du moment, en termes d’évolution et de vitesse, lors des phases de largage.

Des Cessna CitationJet CJ1, comme cet exemplaire relevant de la société Conair, ont été provisoirement utilisés comme Lead Plane en raison de l’arrivée de Tanker à réaction. L’expérience a cependant été de courte durée.

Dans un première temps, deux avions d’affaires à réaction Cessna CitationJet, ont été loués. D’autres l’ont été ensuite par l’USFS au cours des saisons suivantes jusqu’à ce qu’un constat soit dressé. Si, en termes de comportement à basse altitude, il n’y avait guère à reprocher à ces appareils, la consommation de carburant et la réactivité de la motorisation ont fait que les King Air restaient tout aussi adaptés et moins coûteux. Les contrats de locations des Citation n’ont donc pas été renouvelés après la saison 2017.

Quelques cas particuliers

D’autres aéronefs interviennent sur feu. Il peut s’agir des HBE, Hélicoptères Bombardiers d’eau, les SEAT, Single Engined Air Tankers, c’est à dire les monomoteurs ou monoturbines bombardiers d’eau comme les AT-802F et les FireBoss, et bien sûr, les Scoopers, les « écopeurs », c’est à dire principalement les CL-415.

Les hélicoptères et les écopeurs travaillent de la même façon, ils sont affectés à un point d’eau et multiplient les largages. Ils sont néanmoins supervisés par un Air Attack mais qui leur laisse une grande autonomie dans leurs opérations. Quand plusieurs hélicoptères opèrent de concert, l’Air Attack affecte le rôle d’Helco (Helicopter Coordinator) à l’un d’eux, en fonction des qualifications. En Californie ce rôle peut-être tenu par un des Huey du Cal Fire.

Pour les SEAT, les pilotes étant qualifiés Initial Attack, le besoin de Lead Plane se réduit à quelques situations exceptionnelles de visibilité difficile ou de secteur de largage malaisé à repérer. Ce sont des situations que les pilotes des Beech savent gérer même si l’avion qu’ils doivent guider est plus lent que le leur –  en général, c’est le contraire !

Le 185 d’Air Spray peut éventuellement servir de Lead Plane pour les FireBoss de la compagnie.

Dans certains secteurs et en fonction des contrats, ce sont les opérateurs qui peuvent fournir les Lead Planes, ainsi, même si ce n’est pas sa mission principale, le Cessna 185 amphibie d’Air Spray, destiné à familiariser les pilotes de Fireboss de l’entreprise aux opérations sur flotteurs, a été parfois utilisé comme Lead Plane, mais c’est une situation exceptionnelle.

Sécurité des vols

L’apport de sécurité des Lead Planes dans les opérations des Tankers ne souffre d’aucune discussion. Jusqu’au 1er juillet 2012, aucun Tanker n’avait jamais été perdu alors qu’il était « in tow » pour une passe de largage.

Ce jour-là, alors que le C-130H MAFFS #7 du 145th AW, était guidé par un Lead de l’USFS, ils ont rencontré un phénomène de rafales descendantes et si le Beech 90 a pu s’en échapper – l’équipage ayant juste eu le temps de prévenir son suiveur – le Hercules a été plaqué au sol en quelques secondes tuant 4 des 6 membres d’équipage.

Le C-130H MAFF 7 perdu en opérations en 2012. (Photo : USAF)

Auparavant, le 21 juin 1995 près de Ramona dans le sud de la Californie, le C-54 Tanker 19 était entré en collision avec son Lead Plane, au milieu de la fumée d’un incendie alors qu’ils tentaient de se rejoindre.

D’autres accidents ont touché cette catégorie d’avions mais dans des circonstances particulières. L’OV-10A perdu par le BLM en 1997 l’a été parce que le pilote, peu expérimenté sur le type, s’était engagé dans des manœuvres acrobatiques à basse hauteur. Et, lorsque le CDF perdit le AA410 le 6 septembre 2006, celui-ci était visiblement à très basse hauteur en train de chercher les traces d’un incendiaire qui venait d’opérer dans le secteur. Celui-ci, arrêté peu après, a été condamné à 15 ans de prison ferme, sa responsabilité ayant été reconnue dans la mort de l’équipage du Bronco. En plaidant coupable, il a ainsi échappé à la perpétuité.

D’autres avions Lead ou Air Attack ont connu d’autres péripéties, atterrissages non contrôlés ou trains rentrés, quelques incidents graves mais non mortels. Dans un domaine où le risque est omniprésent, ces résultats sont la preuve du bien fondé d’une doctrine et du professionnalisme de ceux qui la mettent en œuvre.

Au Canada

Le Canada fait également appel à des avions guides et de coordination pour ses avions de lutte contre les incendies. Ils sont appelés Bird Dog dans les provinces anglophones et Avions Pointeurs ou Aero-pointeurs au Québec. Ils sont engagés d’une façon similaire aux ASM américains. Les doctrines sont tellement compatibles que lorsque les avions canadiens sont amenés à intervenir aux USA, les Bird Dog peuvent se substituer aux Lead et Air Attack américains en fonction des circonstances.

En plus des trois tactiques utilisées par les Lead US, les Bird Dog et avions pointeurs peuvent en utiliser une quatrième. Lorsque le Tanker, ou avion-citerne, effectue sa passe de largage, l’appareil guide se range sur le côté, légèrement étagé en hauteur et en retrait par rapport à lui. Ainsi, l’équipage de l’avion le plus léger dispose d’une bonne vue sur la trajectoire et les éventuels obstacles tout en pouvant constater directement la qualité du largage.

Les types d’avions utilisés sont variés. Au Québec, à la SOPFEU, on trouve de puissants Cessna 310. Dans d’autres provinces, les TC-690, sont extrêmement appréciés. Pour certaines mission, on trouve même des Cessna 208 Caravan ou des Piper Aerostar.

Conair 802F (Air Tractor) small

La société Conair utilise des Cessna Caravan et des Piper Aerostar pour guider ses bombardiers d’eau. (Photo : Conair)

Un des cas les plus intéressant a été celui du Martin Mars en Colombie Britannique. Par son envergure et sa manœuvrabilité marginale si il existait un avion qui nécessitait d’être guidé, c’était bien lui. Au début de sa carrière et jusque dans les années 80, c’est un amphibie Grumman Goose qui a été utilisé. Lors de ses missions aux USA en 2008, c’est un Cessna 206 sur flotteurs et à turbine Soloy qui a été employé. Ensuite, c’est un Sikorsky S-76, baptisé « Firewatch » qui a été mis au service de l’immense hydravion.

Firewatch 76

Le S-76 de Coulson Flying Tanker, mis en service pour le Martin Mars et exploité au profit des C-130 de l’entreprise.

Équipé d’une boule FLIR, l’hélicoptère ne se contentait pas de le guider mais permettait aussi d’analyser les développements de l’incendie et d’optimiser ainsi les largages. Lorsque le Martin Mars a été mis à la retraite, le Firewatch a été utilisé au profit des C-130 de la compagnie pour l’analyse des incendies et des largages, en complément des moyens de guidage de l’USFS ou du Cal Fire.

En Australie

L’île-continent a longtemps été réticente à l’engagement des Tankers. Mais lorsque les collectivité locales ont changé leur fusil d’épaule, ils se sont adressé aux Canadiens (Coulson et Conair) ou au américains (Tanker 10) pour obtenir les avions dont ils avaient besoin. Ceux-ci sont arrivés avec leurs tactiques et donc avec les concepts de Lead Plane, d’Air Attack et d’ASM.

Les Lead Planes australiens ont adopté les tactiques des bird dogs canadiens. (Photo : Country Fire Authority)

Ce sont les TC-690 qui sont utilisé prioritairement comme Lead Plane mais les Air Attack peuvent être variés. Cessna Grand Caravan ou 337 Skymaster accompagnent les C-130, RJ-85AT, DC-10 et autres Boeing 737 qui luttent contre les feux en fonction des provinces et des saisons.

Au Chili

Ce pays, qui est régulièrement confronté à des feux de grande ampleur ne disposait pas, jusqu’à peu, de moyens d’intervention lourds. Face à une situation terrifiante fin 2016, et grâce au financement d’une fondation caritative, le Chili a vu débarquer le Boeing 747-400 Supertanker pour une mission qui s’est avérée décisive, à la fois pour le Chili, mais aussi pour l’exploitant du Jumbo. Un BAe 146 de Neptune Aviation et un IL-76 VAP2 d’Emercom sont également intervenus dans la Cordillère des Andes et c’est un Casa 295 de la Marine chilienne qui leur a servi de guide. Il est sans doute le plus imposant des avions jamais utilisés dans ce rôle.

Le Casa 295 de la Marine chilienne à l’issue d’une longue journée de lutte contre les feux. L’avion dispose d’une boule FLIR permettant de filmer et d’analyser les feux et les largages des tankers. (Photo : Armada de Chile)

En 2019, ce fut au tour des DC-10 de bénéficier d’un contrat à Santiago du Chili, le Tanker 910 épaulé ensuite par le Tanker 914. Le Casa de la Marine a donc repris son rôle, de façon plus efficace car l’expérience de la saison 2016/2017 a porté ses fruits. L’armée de l’air s’est aussi investi dans ces missions en mettant à disposition des DC-10 un Cessna Citation CJ1.

En France

En France, le concept de Lead Plane n’existe pas. Les Beechcraft King Air 200 de la Sécurité Civile sont utilisés pour la coordination et l’investigation, ce qui les approche des fonctions d’Air Attack ; le futur équipement d’une boule caméra TV/IR va considérablement augmenter l’intérêt opérationnel de ces appareils.

Dragon et Pélicans

Les EC-145 de la Sécurité Civile peuvent être utilisés pour pointer les zones à traiter par les bombardiers d’eau, mais il ne s’agit pas là de la mission principale de ces hélicoptères.

Néanmoins, si les « Bengale » ne guident pas les avions, il est parfois fait appel aux hélicos pour qu’ils se positionnent à hauteur du site du largage demandé pour le désigner aux bombardiers d’eau. C’est une des missions qui peuvent être confiée aux EC-145 Dragon par exemple. Avec une flotte qui comptera bientôt 8 Q400MR, la mission des Bengale pourrait-elle alors évoluer ? On verra !

Le principe des Lead Plane, étendu aux avions Air Attack et au concept ASM, est d’une efficacité démontrée. Fruit des spécificités et des procédures établies pour les opérations des Tanker lourds, il permet de sécuriser et d’optimiser les missions, de maintenir un contact avec les troupes au sol tout en suivant le développement de l’incendie. Les Lead Planes sont, d’une certaine façon, l’expression du caractère pragmatique du nouveau continent.

Merci à Cyril, Franck et Jérôme… un peu comme d’habitude !

Les Lead Planes (1ère partie)

C’est un spectacle courant dans l’ouest des USA. Un feu ravage des collines boisées, un petit bimoteur arrive alors, émet une courte fumée blanche et quelques secondes plus tard, un Tanker délivre sa charge de retardant à cet endroit précis. L’avion guide ou  « Lead Plane »  est un concept typique du continent américain. Ces avions, et leurs équipages, jouent un rôle de toute première importance dans les opérations de lutte contre les incendies.

Un King Air guide un P-3 Orion sur un feu au Nouveau-Mexique en 2011. (Photo : K. Greer/USFS)

L’existence de ces appareils de guidage, ou Lead Plane, est dictée par une triple nécessité. La sécurité en premier lieu car ces avions légers reconnaissent les secteurs de largages ; la fluidité des opérations car ils permettent aux avions chargés de la lutte contre les feux de ne rester dans la zone que le temps nécessaire à leur action ; et l’efficacité puisque c’est aux équipages de Lead Plane d’évaluer les largages, de faire remonter l’information aux équipages concernés et aux suivants avec pour seul objectif d’améliorer l’efficacité et la sécurité des opérations.

Comme les avions de lutte anti-incendie relèvent principalement d’entreprises privées sous contrat avec les autorités locales, le coût de chaque heure de vol, de chaque litre de retardant, pèse directement sur les contribuables, il est donc nécessaire d’en faire usage le plus efficacement possible.

La FTA

Coupe schématique de la Fire Traffic Area (FTA) applicable sur les feux aux USA. (Document FAA)

Le Lead Plane opère à l’intérieur de la FTA, Fire Traffic Aera, la zone aérienne d’opérations centrée sur l’incendie, qui est aussi une zone d’exclusion pour les appareils non concernés par l’incendie.

Au sommet de la zone, un avion, l’Air Attack, orbite. Son travail est de coordonner l’engagement des moyens aériens en fonction des besoins des équipes au sol, ou, dans les cas où les opérations se déroulent sans pompier – les feux aux USA peuvent intervenir dans des secteurs très isolés, les avions jouent là un rôle encore plus indispensable – selon ses propres observations.

A bord de l’Air Attack, en plus du pilote, se trouve un pompier spécialement formé aux opérations aérienne, l’ATGS, Air Tactical Group Supervisor.

En contact avec les hommes au sol, en particulier l’Incident Commander, le responsable de l’ensemble des opérations sur l’incendie en question, et les pilotes, l’ATGS, qui doit surveiller un nombre incroyable de fréquences tout en assurant l’observation visuelle de l’incendie, participe à déterminer les objectifs. Ceux-ci définis, l’ATGS briefe par radio le Lead Plane, autorise le Tanker à pénétrer dans la FTA et lui donne la fréquence pour contacter le Lead Plane qui lui est affecté à ce moment-là.

Petit briefing au pied de l’avion pour ce Lead Plane Pilot de l’USFS. (Photo : U.S. Air Force)

Les tactiques

Le Lead Plane, en action dans la FTA, a généralement déjà reconnu le secteur et s’est assuré de la sécurité des futures passes en identifiant les dangers éventuels comme des lignes électriques ou des antennes. Il a aussi repéré les « portes de sorties » que le Tanker pourra emprunter pour s’échapper en sécurité du relief. Le pilote connaît les performances de l’avion qu’il doit guider et doit constamment s’y adapter. Il donne le signal du largage avec un dispositif fumigène dont son avion peut-être équipé pour effectuer cette mission. Il peut aussi donner un « top » à la radio ou profiter d’un repère distinctif au sol pour indiquer, verbalement, l’endroit choisi.

Une  fois le largage effectué, l’ATGS autorise le Tanker à retourner au remplissage – l’expression « Load and Return » est devenu une sorte de cri de ralliement des équipages de Tanker – ou à se mettre en attente au sol, « Load and Hold », si il estime l’opération terminée. Le Lead va alors prendre en compte un nouveau Tanker chargé ou bien reconnaître un nouveau secteur. Il peut aussi se mettre en attente.

Pour la passe de largage, le Lead Plane dispose, en fait, de trois tactiques possibles.

1 – « Show me »

Le Lead Plane évolue devant le Tanker et effectue le circuit de largage complètement, pour démontrer la trajectoire qu’il va falloir adopter, le Tanker reste en attente mais doit évidemment conserver le visuel. Les deux appareils rassemblent ensuite pour opérer en utilisant ensuite une tactique de poursuite ou de guidage, mais le Tanker peut aussi, très bien, procéder seul au largage.

2 – « Chase Position »

Sur certains secteurs, le Lead Plane se met en arrière du Tanker. Il peut alors lui donner des indications de trajectoire par radio ce qui peut être moins précis. Néanmoins cette position permet d’évaluer immédiatement la qualité du largage. Dans le vocabulaire des pilotes de Tanker, cette méthode est dite du « Bird Dog ».

Les tactiques « Show-me » (à gauche) et « Chase », aussi appelée « Bird Dog » (à droite), utilisées par les Lead Planes dans 20% des cas. (Doc : USDA)

3 – « Lead »

Circuit adoptés pour la tactique utilisée dans 80% des cas, le « Lead ». (Doc : USDA)

C’est la tactique la plus fréquente, 80% des cas, alors que théoriquement elle est réservée aux opérations où la visibilité est moyenne ou l’objectif difficile à décrire. Le Tanker se place en arrière du Lead Plane et largue sur son ordre. La distance entre les deux appareils doit être d’environ 400 mètres.

Les contraintes du Lead Plane sont assez importantes lorsqu’il est en charge d’un Tanker. Ils parlent d’ailleurs dans leur jargon, alors, d’avion « in tow », en cours de remorquage. Ils ne doivent pas effectuer de virages à plus de 45° d’inclinaison et sont tenus de prévenir le pilote du Tanker quand il faut dépasser 30°. Le taux de descente doit être le plus constant possible et la vitesse sur cible doit être inférieure à 130 kt. Le largage doit être effectué à 150 ft au-dessus du sommet de la végétation. Comme c’est généralement du retardant, les textes sont clairs : « il est important que le retardant pleuve sur la zone avec le moins de mouvement horizontal possible. »

La sortie de zone doit s’effectuer à 130 kt et les virages ne doivent pas dépasser 1,5 G. En cas de nécessité, le tanker peut dépasser le Lead par la droite ou par l’extérieur du virage. Si le terrain ne le permet pas, le Tanker dépasse le Lead par le haut. Au moment de la séparation, après le largage, le Lead offre l’option de sortie la plus facile pour le Tanker et dégage de son côté en profitant de la maniabilité de son appareil.

Ensuite, le pilote du Lead Plane fait son évaluation du largage auprès de l’ATGS, des pompiers et du Tanker concerné, l’objectif étant de tenir compte des éventuelles difficultés de la passe pour améliorer les suivantes.

Formation et qualification des pilotes

Les Lead Planes relèvent des organismes qui les activent, US Forest Service (USFS), Bureau of Land Management (BLM), Department of the Interior (DOI) ou Cal Fire par exemple. Leurs pilotes appartiennent aux organismes concernés. Ils sont qualifiés commandant de bord selon les normes civiles mais ont, en plus, suivi un cursus spécifique pour obtenir la qualification Lead Plane qui les autorise à évoluer ainsi à moins de 160 mètres du sol (500 ft AGL).

Mike Lynn, pilote de Lead Plane pendant 20 ans pour l’USFS et le BLM avait, auparavant, effectué 20 ans comme pilote de Tanker. Il est un des pilotes les plus respectés du milieu.

Ils sont formés par des instructeurs spécifiques, expérimentés dans la profession, et testés par des Lead Plane Check Pilot. La qualification initiale nécessite au moins 10 missions sous la supervision de l’instructeur. Pour parfaire sa connaissance du domaine, le candidat peut être amené à effectuer plusieurs missions comme observateur à bord d’un Tanker.

Une fois la formation initiale validée, elle est automatiquement renouvelée lorsque le pilote peut justifier de 30 missions réelles, avec largages, au cours des trois ans écoulés. Si ce chiffre n’est pas atteint, le pilote doit effectuer une mission de prorogation, sur feux, avec un pilote examinateur (Lead Plane Check Pilot).

Chaque année, une session d’entraînement pour tous les pilotes concernés est effectuée avant le début de la saison feu. Elle comprend des cours théoriques, au sol, et au moins trois heures de vol par pilote où sont passés en revue des points essentiels comme l’évaluation de la taille des feux, la technique de description des cibles, les communications, les trajectoires de dégagement et les procédures d’urgence. Un dernier vol, effectué avec un LP Check Pilot permet ensuite de valider l’entraînement.

Quelques Lead Planes de l’USFS rassemblés à Fox Field, en Californie pour une session de « Training » en mars 2018.

Les pilotes de Lead Plane expérimentés peuvent être qualifiés Air Tactical Pilot. Ils peuvent alors voler avec un ATGS spécialement formé pour le travail en équipe, Air Tactical Supervisor, et effectuer alors des missions ASM (Aerial Supervision Module) autorisé à  effectuer simultanément les missions d’Air Attack et de Lead Plane.

L’emploi des Lead Planes

Officiellement, l’emploi des Lead Plane n’est pas obligatoire étant donné que les commandants de bord des Tankers sont qualifiés IA, Initial Attack, ce qui signifie qu’ils sont aptes a reconnaître eux-même le secteur et opérer de façon indépendante ou sous la seule supervision d’un ATGS.

Initialement l’apport des Lead Plane était réservé aux opérations délicates, par visibilité réduite, au dessus des zones urbaines et dans les reliefs difficiles. L’apport de sécurité et d’efficacité des avions légers l’a, de façon tout à fait pragmatique, rendu pratiquement systématique. Il est aussi souvent souhaitée par les équipages de Tanker qui, si ils disposent des radios nécessaires, bénéficient ainsi de intermédiaire de l’ATGS et du pilote du Lead Plane pour ne pas avoir à  discuter directement avec les hommes au sol, ce qui allège leur tâche et simplifie les communications. Leur présence, ainsi que celle des Air Attack et des ASM, a l’avantage de maintenir des appareils sur zone pour suivre les développements du sinistre et des interventions, ce qui facilite, bien évidement, la coordination de l’ensemble des moyens.

Néanmoins, trois cas existent où l’engagement des Lead Plane est obligatoire : lorsqu’il s’agit de guider un VLAT, DC-10 ou Boeing 747. Dans ce cas, les pilotes concernés ont été spécifiquement formés et disposent d’une approbation officielle pour cela. Parmi les points à prendre en compte en plus des performances particulières de ces avions lourds, ils doivent gérer la séparation rendue nécessaire par les turbulences de sillage. C’est la raison pour laquelle, sur une opération complexe, les VLAT larguent en dernier et qu’un délai d’au moins 5 minutes est nécessaire avant de faire larguer un autre tanker au même endroit.

Les opérations avec les VLAT, ici lors d’une session d’entraînement, exigent des précautions particulières et ne peuvent être effectuées qu’avec des pilotes de Lead Plane spécifiquement qualifiés. (Photo : Tanker 10)

Les avions militaires MAFFS sont également précédés de façon systématique d’un Lead Plane. La raison est simple. Par leurs fonctions, il est difficile de qualifier « Initial Attack » les équipages militaires qui changent d’affectation, effectuent des détachements, participent aux opérations de combat. Ceci se justifie d’autant plus que les MAFFS ne sont que des renforts ponctuels. S’en remettre au talent des Lead Planes pour leur permettre de jouer un rôle est finalement assez logique.

Les pilotes qui guident les MAFFS doivent avoir effectué au moins une semaine de « training » avec eux au cours de leur formation initiale. Cette expérience, ce stage pratique, doit être renouvelé tous les quatre ans pour être prorogé.

Spectaculaire session d’entraînement « downhill » avec les MAFFS dans l’Arizona en 2009. (Photo : USAF)

Un troisième cas existe. Régulièrement, des avions canadiens sont amenés à intervenir ponctuellement, en renfort, sur le territoire US, en particulier les Convair 580 de Conair ou les L.188 d’Air Spray, les CL-415 québécois présents à Los Angeles étant un cas de figure à part. Dans ce cas, leurs interventions doivent être supervisées par un ASM ou un Lead Plane US. Néanmoins, en cas d’absence ou d’indisponibilité des avions auxiliaires US, les « avions-pointeurs » canadiens (ou Bird Dog, qui ont sans doute donné leur nom pour la manœuvre « Chase » chez les pompiers du ciel américains), sont autorisés à les guider. Ils sont même autorisés à effectuer des « Show Me » au profit des Tanker US et de suppléer à l’absence d’un ATGS pour certaines opérations.

Le nombre d’appareils utilisés comme Lead Planes est variable en fonction des saisons mais concerne généralement une vingtaine d’appareils. En 2016, l’USFS disposait de 15 avions. C’était des appareils loués en « Dry Lease », c’est à dire sans équipage, auprès de compagnies aériennes. Le BLM en avait 4 à 5 souvent utilisés en ASM, le DOI, un seul, comme le Cal Fire. Des appareils supplémentaires peuvent faire l’objet de contrats Call When Needed.

Le choix de ces appareils répond à des exigences strictes.

A suivre