La fin des CL-215 français, histoire d’un presque désastre.

De 1996 à 2004, les CL-215 de la Sécurité Civile retirés du service sont restés pourrir sur la pelouse en face des hangars « Boussiron » de l’aéroport de Marseille-Provence à Marignane. Après la fin de leurs missions au-dessus des feux en Provence, ces bombardiers d’eau se sont retrouvés au cœur d’un imbroglio administratif peu reluisant et aux conséquences cruelles, mais qui, paradoxalement, a permis la conservation de la plupart de ces appareils pour la postérité.

Un retrait de service discret

Le 4 octobre 1996, dans une discrétion toute française, le CL-215 F-ZABY « Pélican 23 », aux mains des deux plus anciens pilotes de la base, Maurice Levaillant et Alain Février, effectue son dernier vol, l’ultime vol d’un CL-215 français. Après 27 ans de très bons et très loyaux services et une carrière de 80 200 heures de vol, 176 138 écopages et 195 706 largages, ces vénérables avions ont été poussés à la retraite par l’arrivée du plus moderne CL-415. Tout au plus, le numéro 23 avait reçu un simple autocollant de l’Amicale des Pompiers du Ciel en guise de décoration spéciale commémorative. Mais des Canadair au Concorde en passant par le dernier atterrissage du B-17 à la Ferté-Alais, nous avons encore bien des leçons à recevoir de nos amis anglais sur la façon de dire au-revoir à nos légendes aériennes.

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Le Pélican 23 a effectué le dernier vol des CL-215 français. (Photo : Oller, collection Marsaly)

Un contrat bien négocié mais…

Le contrat de vente des nouveaux appareils est signé par le Directeur de la  Sécurité Civile le 11 septembre 1991. Il comportait 14 lots pour un montant total de 1 460 867 360 FF TTC. 12 avions à 86,5 millions de FF TTC ainsi que deux lots complémentaires pour provision en cas de modifications importantes et pour l’approvisionnement en pièces détachées. Il comportait une clause de rachat des 11 CL-215 restants par le vendeur à un prix pouvant aller jusqu’à  9 630 000 FF de l’époque.

Ceux-ci, en dépit de leur déjà longue carrière, possédaient encore un potentiel certain. Ils pouvaient être revendus à d’autres opérateurs une fois entièrement révisés ou bien servir pour approvisionner ces mêmes utilisateurs en pièces détachées.

Même sans tenir compte des variations monétaires, de l’inflation et du changement de monnaie, ce prix de 86,48 millions de FF (18,83 millions d’Euros constants) par avion est intéressant à comparer avec les 30 millions $ réclamés pour un Bombardier 415 dans les années 2000.

C’était aussi le premier contrat conclu directement par le Ministère de l’Intérieur pour la Sécurité Civile car les achats précédents l’avaient été par l’intermédiaire de la Direction Générale pour l’Armement (DGA). Il intervenait à un moment propice pour permettre de renouveler les avions alors que la flotte existante n’était pas encore tout à fait à bout de potentiel, lui conservant un intérêt opérationnel, donc financier.

Mais ce contrat, assorti d’un accord de commercialisation en 1993, avait été signé avant même le premier vol du prototype du CL-415 et faisait de la Sécurité Civile le client de lancement du nouvel avion et aucune disposition n’avait vraiment été prise pour faire face aux inévitables problèmes que sa mise au point allait connaître, même si l’avion n’était que dérivé d’un appareil déjà connu et éprouvé.

Et les problèmes sont arrivés, et nombreux. Les CL-415 sont livrés à partir de février 1995. Les premiers vols montrent que l’avion n’est pas aux standards attendus et rencontre des problèmes d’étanchéité de la soute, des vibrations au niveau des hélices et une avionique non conforme.

La défaillance d’un sous-traitant de Bombardier entraîne aussi un important retard pour les livraisons. Celles-ci devaient s’échelonner du 1er mars 1994 au 1er décembre 1996 et elles accusent donc, pour certains appareils, plusieurs mois de retard, ce qui déséquilibre les capacités opérationnelles de la base pour la saison à venir.

Or, comme le contrat le stipulait, ces avions devaient être payés avant livraison.

Le 1er mars 1995, le directeur de la Sécurité Civile prend donc la décision de suspendre les paiements à venir, alors que son administration s’est déjà acquitté de 80% du marché.

Conflit et conséquences

Une négociation s’engage donc mais le prix de reprise des CL-215 fait l’objet d’un débat qui entraîne la nécessité d’une commission arbitrale. Celle-ci tranche en faveur de Bombardier le 30 septembre 1996, statuant que les termes de l’accord de vente de 1993 devaient être respectés. Or, en ce qui concerne la reprise des vieux CL-215, la commission précise que ceux-ci devaient être en état de vol.

Pour cinq d’entre-eux, c’était encore le cas. Le retrait des CL-215 ayant débuté le 8 septembre 1995 avec le « Pélican 28 » et s’achève le 4 octobre 1996 avec le « Pélican 23 ». Donc au moment de l’arbitrage, l’avion retiré du service le premier n’était immobilisé que depuis 12 mois, un temps de stockage encore peu important en fait.

Pourtant la situation reste bloquée et Bombardier semble se désintéresser alors totalement de ces appareils qui sont alors stockés au fur et à mesure en attendant une éventuelle solution. Mais plus le temps passe et plus ces avions vont coûter cher à remettre en état de vol, le cercle vicieux est engagé.

A deux reprises, en juillet et octobre 1997, la Sécurité Civile contacte Bombardier pour confirmer que les avions sont bien à la disposition de l’entreprise canadienne.

Boussiron 4 avril 2002

Les 9 CL-215 restants photographiés le 4 avril 2002.  (photo : Google Earth)

Mais la Sécurité Civile et le Ministère de l’Intérieur ne prennent pas, non plus, vraiment de dispositions pour que ces appareils soient stockés dans de bonnes conditions, pensant sans doute que Bombardier va finir par assurer sa part du contrat et que cette situation ne perdurera pas. Les 11 avions qui avaient été retirés progressivement du service sont donc poussés de l’autre côté des pistes de l’aéroport de Marignane, vers les hangars « Boussiron » (du nom de l’entreprise qui les a bâtis entre 1948 et 1951).

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Le cimetière aux Canadair à Marignane en mai 2000.

Deux rescapés

Début 1999, pourtant, le « Pélican 40 » est sorti du cimetière pour être démonté. Le 12 mai 2000, il embarque à bord d’un cargo qui fait ensuite route vers le Canada. Offert par Bombardier il est exposé aujourd’hui au Canadian Bushplane Heritage Center à Sault-Ste-Marie, dans l’Ontario.

Canadian Bushplane Heritage Centre

Le CL-215 1040 désormais exposé à l’abri du Canadian Bushplane Heritage Center à Sault-Ste-Marie. (photo : CBHC)

En mars 2000, c’est au tour du « Pélican 27 », qui, sous l’immatriculation C-GFNF s’envole pour la Croatie, preuve que le stockage sauvage ne l’avait pas totalement détruit. Il est ensuite utilisé par Buffalo Airways de Yellowknife, dans les Territoires du Nord-ouest. Vendu en Turquie, il est convoyé en mars 2009, cette aventure faisant l’objet de plusieurs épisodes de la série télévisée « Ice Pilots ». Il vole désormais au sein de la Türk Hava Kurum (THK, association aéronautique de Turquie), immatriculé TC-TKM et demeure le dernier CL-215 à avoir volé sous couleurs française à poursuivre sa mission.

Dans ces deux cas, Bombardier est intervenu et a racheté les deux appareils. Était-ce parce qu’ils étaient moins endommagés que les autres ? Est-ce que ce rachat s’est fait dans le cadre du contrat initial ou par un amendement ? Il reste une zone d’ombre à ce propos.

Car pour les autres avions, c’est le long dépérissement non loin des pistes de Marignane, au grand désespoir de ceux qui savaient que ces avions, en dépit de leurs états de services allant de 6400 à 8300 heures de vol, auraient pu encore servir longtemps, en France mais surtout ailleurs.

En 2001, en raison d’une pénurie temporaire de pièces détachées, des trains d’atterrissages de 215 sont prélevés pour être fixés sur les 415 alors en cours de maintenance pour permettre aux techniciens de continuer leur travail sur un avion reposant sur des roues. De même, certains ballonnets (les flotteurs en bouts d’ailes) sont cannibalisés au profit des nouveaux avions.

Finalement les CL-215 sont confiés à la Direction Nationale d’Intervention des Domaines. Les dégâts occasionnés par le temps et le stockage à l’air libre dans une zone chaude et humide ne permettant plus d’envisager alors une remise en état de vol, en tout cas dans une option économique viable.

Préservation, sauvegarde et couperet

Plusieurs associations de conservation du patrimoine et musées aéronautiques s’étaient inquiétés des ces avions, parmi lesquels le Musée de l’Hydraviation de Biscarosse. Une cession à titre gratuit n’étant pas possible, le ministère de l’Intérieur se déclare prêt à mettre en œuvre des conventions de mise à disposition gratuite aux organismes qui se manifesteront, à la condition que les avions ne soient pas remis en état de vol et gardent leurs marques d’origine.

Seuls deux appareils font l’objet d’une telle convention, les avions n°23, celui du dernier vol, destiné au Musée de l’Air du Bourget, et n°47, destiné au Conservatoire de l’Air et de l’Espace d’Aquitaine (CAEA), de Bordeaux. Il faut noter qu’à cette période, le directeur du Musée de l’Air est également président du CAEA. Le Musée de Biscarosse quant à lui n’a pas réussi à réunir les fonds importants pour le convoyage d’un appareil aussi volumineux.

Le 8 juillet 2004, le sort des sept avions restants est fixé par une vente aux enchères sur appel d’offres. Les avions 21 et 26 sont achetés 18 000 € pièce par les musées de Speyer et Shinsheim, deux musées allemands dont les collections sont d’une richesse assez étonnante. Pour 8 400 €, le « Pélican 46 » est attribué à la commune de Saint-Victoret qui le confie ensuite à l’association « Un Canadair à Saint-Victoret » pour une restauration en vue d’une exposition statique. L’avion est érigé sur sa stèle en février 2005 et inauguré au mois de juin suivant.

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Le Pélican 46 est désormais visible à Saint-Victoret, près de Marignane.

A l’initiative des piliers de l’Amicale des Pompiers du Ciel, deux cockpits complets sont sauvegardés : le cockpit du « Pélican 29 » est tronçonné avant que l’irréparable ne soit commis. Récupéré par les membres de l’association de Saint-Victoret, il a été restauré et il est aujourd’hui visitable dans le gymnase désaffecté, attenant à « Pélican 46 », qui est devenu un petit musée d’aviation fort intéressant et dynamique.

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Le cockpit du Pélican 29, sauvegardé et restauré, désormais visible au Musée de St Victoret.

L’autre cockpit sauvegardé, celui du « Pélican 05 », est aujourd’hui exposé au Musée de l’Hydraviation de Biscarosse.

Les avions 05, 24, 28 et 29 sont attribués à ARCOM, un négociant en matériaux aéronautiques qui revend les pièces encore utilisables à des exploitants de CL-215 comme Buffalo Airways ou Aero Flite. Les avions sont désossés et le 25 octobre 2004 les quatre cellules sont détruites puis les morceaux sont passés au broyeur pour être recyclés.

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En octobre 2004, les CL-215 sont ferraillés en présence de Mickey McBryan de Buffalo Airways, venu récupérer quelques pièces pour les avions de sa compagnie. (Photo B. Servières/Amicale des Pompiers du Ciel)

Le 47 est convoyé par route vers Bordeaux en janvier 2005. Il est exposé depuis dans le hangar de l’association situé sur la Base Aérienne 106 de Mérignac ce qui en réduit l’accessibilité.

Le 23 est acheminé en direction du Bourget à la même époque. Il est immédiatement placé dans les réserves du Musée de l’Air puis entre en atelier en 2007 où il est entièrement décapé et repeint. Il en sort le 29 avril 2009, à temps pour intégrer officiellement les collections du musée le 16 mai suivant, date à laquelle le Musée reçoit également une Alouette III de la Sécurité Civile.

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Le cockpit du « Pélican 23 ». Il n’a pas été vandalisé, il a juste été cannibalisé proprement, mais du coup, il va être difficile de le rendre visitable.

Aujourd’hui, il est enfin possible de tirer les conclusions d’une histoire bien longue, celle des CL-215 français. Sur 15 avions utilisés, 4 ont été accidentés en opération, six sont exposés dans les musées de trois pays (deux en Allemagne, un au Canada, trois en France), deux ont été préservés partiellement et les cockpits sauvés sont également exposés au public. Deux appareils, seulement, ont été intégralement ferraillés et, donc, un seul avion poursuit sa carrière.

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Le « Pélican 23 » désormais exposé au Musée de l’Air du Bourget.

Un mal pour un bien ?

Il y a deux lectures possibles, et néanmoins compatibles entre-elles, de ces évènements.

La première conclusion qui s’impose, c’est que certains de ces avions auraient très bien pu continuer leurs carrières encore longtemps comme le Pélican 27 le démontre depuis, les autres pouvant servir de réserves de pièces détachées. Même si l’intérêt pour le CL-215 a diminué ces dernières années, le prix de ce type d’appareil sur le marché de l’occasion reste élevé, de l’ordre de 2 à 3 millions de Dollars.

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En novembre 2015, au moins quatre CL-215 sont disponibles à la vente. Notons toutefois que les avions retirés du service de la Sécurité Civile avaient de 6400 à 8400 heures de vol. (Controller.com)

Pour la Sécurité Civile, le lent dépérissement d’une flotte d’avions, certes usés mais parfaitement entretenus jusqu’alors, peut être considéré comme une perte sèche. Le statut ubuesque de ces appareils, pointé comme tel par un rapport de la Cours des Comptes dès 1998, a donc entraîné un immense gaspillage de ressources techniques et financières. La destruction d’appareils rares, capables de poursuivre encore un temps leur mission en étant la conséquence la plus directe.

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Et si les évènements avaient été différents, quelles auraient été les carrières de ces avions abandonnés ?

La situation de blocage dont les CL-215 français ont été victimes a paradoxalement permis leur sauvegarde. C’est le second point de vue qu’on peut adopter sur cette affaire.

Contrairement à d’autres affaires difficiles de fins de carrières d’aéronefs, des dispositions ont été prises à temps pour permettre la conservation de ces avions à long terme ce qui n’aurait effectivement pas été possible si ces appareils avaient été revendus. Car si on considère que deux avions, seulement, ont été entièrement ferraillé, le bilan  patrimonial des CL-215 français est tout simplement excellent avec ces 8 avions préservés entièrement ou partiellement et exposés dans différents musées !

Dans quelques années, c’est le Tracker qui devrait enfin prendre sa retraite, espérons que les leçons du passé servent.

 

 Tableau récapitulatif des CL-215 français (cliquez pour agrandir)

« Hercules 82 », 6 septembre 2000

15 ans aujourd’hui.

Ce matin-là, pour ce qui devait être un de ses derniers vols de la saison, le C-130A N116TG de la compagnie américaine T&G et loué par la Sécurité Civile française pour ses capacités de lutte anti-incendies avait décollé de Marseille très tôt pour attaquer un feu dans l’Ardèche.

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Le N116TG à Marseille. (Photo : C. Soriano)

 Après avoir complété sa cargaison de retardant à Aubenas, l’appareil s’est présenté une seconde fois sur l’emplacement du sinistre et s’est écrasé dans le relief. Par miracle, deux des quatre membres d’équipages, le commandant de bord Ted Hobart et le mécanicien Ted Meyer, bien que très grièvement blessés, survécurent. Le co-pilote français, Paul Trinqué, et  le Flight Engineer Joe Williams n’eurent pas cette chance.

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Paul « Pollux » Trinqué. (Photo : collection J. Laval)

Joe Williams

Joe Williams (Photo : Collection J. Laval)

Ce drame mit un point final à l’histoire des C-130 de la Sécurité Civile.

Le rapport d’accident, un des plus indigents qu’il m’a été donné de lire, a été rendu public et diffusé sur le site du BEA au début des années 2010, plus de 10 ans après le drame.

Dans l’entrée de la base de la Sécurité Civile à Marignane, la plaque commémorant les aviateurs tombés dans l’exercice de leur difficile devoir ne permet pas de savoir qu’il s’est passé un drame à Burzet, le 6 septembre 2000. Un oubli cruel. Les noms des deux victimes apparaissent heureusement sur le long mémorial à l’entrée de l’École d’Application de Sécurité Civile à Valabre, entre Marseille et Aix en Provence.

Valabres

Sur place, à Burzet, une plaque commémorative a été également apposée sur un mur de la caserne des pompiers. En remerciement pour le miracle qui a épargné deux aviateurs américains et en souvenir des deux victimes, une maquette du C-130 N116TG a été offerte par le meilleur ami de Paul Trinqué, lui aussi pilote de C-130A Tanker à l’époque, à la paroisse de Notre Dame de la Garde à Marseille où elle doit être normalement visible.

15 ans après le drame, n’oublions pas.

Des pistes pour l’avenir de la flotte aérienne de la Sécurité Civile

Lors de sa visite à Marseille le 25 juin dernier, le Ministre de l’Intérieur a fait trois annonces majeures pour l’avenir de la BASC devant une délégation de personnels de la base.

La première est donc liée au remplacement des 9 Tracker. Avec une mission vitale, le Guet Aérien Armé (GAAR), leur fin de carrière prévue pour la fin de la décennie (un joli score pour des avions construits au milieu des années 50) constitue un des dossiers majeurs pour la Direction de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises et de son ministère de tutelle. Après l’évaluation, non concluante, des monoturbines AT-802F au cours de l’été 2013, aucune piste ne voyait vraiment le jour alors que l’échéance approche inexorablement.

Selon le Ministre, la succession des Tracker se fera par une augmentation des deux autres flottes de la Sécurité Civile, les Bombardier 415 et les Q400MR, ces derniers pouvant reprendre à leur compte les missions de patrouilles aériennes au-dessus des zones à risque avec une capacité d’emport augmentée – avec 10 000 litres de charge utile, le Dash emporte presque trois fois plus qu’un Tracker – et à une vitesse supérieure. Il confirme ainsi ce qu’il avait annoncé lors de sa précédente visite à Marignane fin juillet 2014 où il avait confirmé la doctrine de la Sécurité Civile, l’attaque des feux naissants, domaine où le GAAR est sans rival.

Tracker Firecat

La succession du Tracker Firecat se précise enfin. Mais les bons avions sont toujours difficiles à remplacer.

Cette solution est somme toute assez logique et faisait déjà plus ou moins l’objet de rumeurs comme nous le signalions le 12 juin.  Il reste néanmoins un « mais » d’importance. à 30 millions d’Euros l’avion (environ), on est loin de la solution économique qu’a constitué le Tracker au début des années 80 (*). A l’heure où le Cal Fire va relancer la transformation de S-2E/G en S-2T, on pourra continuer à regretter que le Tracker n’ait pas été remplacé par un autre Tracker plus performant.

L’augmentation de la flotte de Canadair est aussi un autre problème puisque le constructeur Bombardier est arrivé au bout de son carnet de commandes et a annoncé mettre sa ligne de production en sommeil. Selon nos informations, la chaîne de production ne reprendra que lorsqu’une dizaine d’appareils auront été commandés. Est-ce qu’un commande française pourrait alors participer à la relance de cette production ? Rien n’est moins sûr.

Car ces idées ne sont que des pistes. Bien sûr, un chiffre de quatre nouveaux Q400MR a été avancé de façon officieuse, de même que celui de deux Canadair supplémentaire. Le Ministre a cru bon ajouter que ces chiffres pourraient être inversés, soit 4 CL-415 supplémentaires et seulement deux Dash supplémentaires. Il faut espérer que ce soit la première option qui prenne le pas tant la mission du GAAR, telle qu’elle est pratiquée depuis plus de 30 ans dans notre pays, s’est montrée terriblement efficace et particulièrement économique qu’elle se doit de rester une priorité. Ces chiffres restent donc des « ordres d’idées » et aucun calendrier n’a été avancé tant qu’un budget n’aura pas été validé par le Ministère des Finances. Et dans la situation économique actuelle, des arbitrages peuvent s’avérer cruels.

Tracker Be200 et Q400

Tracker, Beech 200 et Q400MR, des avions sous les feux de l’actualité.

Mais ces annonces constituent un net progrès par rapport au flou artistique qui régnait jusqu’alors sur ce dossier et ainsi se dessine le profil de la flotte qui opérera à partir de Nîmes-Garons dans quelques années. Car l’autre dossier majeur sur la table du Ministre et du Directeur de la Sécurité Civile, depuis son annonce officielle en 2012, c’est effectivement ce déménagement qui est désormais prévu pour le printemps 2017. Des images d’artiste sur cette future base « au profil européen » selon Victor Devouge, Chef du Bureau des Moyens Aériens de la Sécurité Civile, commencent à circuler mais beaucoup de travail reste à effectuer.

BASC

Un Canadair devant sa base à Marignane, une image qui doit entrer bientôt dans l’histoire.

La troisième annonce concernait le recrutement de quatre nouveaux pilotes d’ici la fin de l’année afin de ramener les effectifs à leur minimum opérationnel de 76 pilotes. Reste à savoir sous quelle forme ce recrutement va avoir lieu car au moins deux des derniers pilotes recrutés en classe B (co-pilotes en CDD de 3 ans renouvelable une fois) avaient en fait, par leurs expériences d’une vingtaine d’années dans l’aviation de chasse ou de transport, des profils de pilotes classe A (pilotes à vocation commandants de bord en CDI).

Il faut noter aussi qu’un autre dossier sensible a trouvé son dénouement puisqu’après des mois de tractations, l’industriel Sabena Technics, situé à Nîmes-Garons lui aussi, s’est vu notifier la prolongation de son contrat pour l’entretien de la flotte de la Sécurité Civile pour une durée de 9 ans plus 5 autres en option, alors que la Sécurité Civile avait décidé d’y mettre fin prématurément il y a deux ans. C’est la fin d’une affaire compliquée aux nombreux rebondissements qui n’a pas été sans conséquence sur la disponibilité des bombardiers d’eau français au cours de la saison précédente.

Un dernier sujet reste désormais en suspend, celui du remplacement des trois Beech 200 King Air, utilisés pour les liaisons mais aussi pour les missions d’investigation sur feux et qui commencent à accuser leur âge. Même si le Pilatus PC-12 avait été envisagé il y a quelques années, de même que le Beech 350, solutions désormais abandonnées, il semble qu’on se dirige désormais vers un remplacement par d’autres Beech 200, neufs – puisque l’avion est toujours en production – ou d’occasion mais équipés de moyens d’observation TV et IR. Mais avec les dépenses prévues à brève échéance, il va falloir que les équipages et les équipes techniques soient très précautionneux avec les trois vieux King Air tant leur remplacement est loin d’être prioritaire.

Beech 350

Pour les 50 ans de la BASC, le représentant français de Beechcraft avait exposé un superbe Beech 350 comme remplaçant possible des Beech 200, en pure perte semble-t-il.

Avec les contrats d’entretien signés, la confirmation du calendrier du déménagement et une ligne directrice intéressante pour son évolution, le profil de la flotte de la Sécurité Civile à l’échéance 2020 apparaît désormais plus clair, ce qui va permettre aux équipages de se consacrer à leurs missions quotidiennes déjà harassantes.

(*) Des sources indiquent que les 12 premiers Tracker ont été achetés auprès de Conair pour 1,5 fois le prix d’un CL-215 neuf.. 33 ans après, on ne peut que se féliciter de cette bonne affaire qui a été l’une des meilleures de toute l’histoire de l’aéronautique française !