C’est un jour historique pour la Base d’Avions de la Sécurité Civile. Monsieur Le Premier Ministre et monsieur le Ministre de l’Intérieur, ce matin, ont inauguré officiellement ses nouveaux locaux sur l’aérodrome de Nîmes-Garons (1) en présence du commissaire européen en charge de l’aide humanitaire et du Directeur général de la Sécurité Civile et de la gestion des crises. Après 54 ans de présence dans les Bouches-du-Rhône, les bombardiers d’eau français quittent donc Marignane.
Premier lever des couleurs, la BASC de Nîmes est née. (Photo : B. Guerche/DICOM)
Pour l’inauguration, pour la première fois, les avions français ont procédé à un splendide largage tricolore. (Photo : Alexandre Dubath)
Si le bâtiment a été inauguré aujourd’hui, la base n’est pas encore totalement opérationnelle pour autant. Les Canadair, Tracker, Dash et Beech vont rejoindre le Gard dans les jours qui viennent et, normalement, devraient être totalement opérationnels début avril, à temps pour la saison à venir. Pour leurs équipages et les personnels qui les gèrent ou les entretiennent, c’est un bouleversement important.
Le chantier de la BASC en septembre 2016. Elle sera bien identifiable, même depuis le ciel. (Photo : A. Domas)
Ce déménagement, à environ 80 km vers l’ouest, va aussi modifier la façon d’utiliser et de déployer les moyens aériens nationaux. Le détachement de deux Tracker en saison à Carcassonne serait menacé, tandis qu’un détachement de deux Canadair pourrait être renvoyé à Marignane les jours de forts risques, et ce, à la demande des élus de la région, inquiets de l’éloignement des moyens de secours après le feu d’août 2016 (2).
Plan de masse de la nouvelle BASC. On notera l’entrée particulière de la base et la position du Pélicandrome.
Cette nouvelle base de Nîmes, dont le coût est d’environ 18 millions d’Euros, soit environ la moitié du prix d’un Canadair neuf, comprend donc deux bâtiments, conçus par le cabinet A+ Architecture de Montpellier. Cette entreprise a aussi été le maître d’œuvre du projet, lequel implique une quinzaine d’entreprise du BTP qui ont fait émerger de terre ce projet en à peine plus d’un an .
Le toit du bâtiment principal, dit « bâtiment de commandement » de 3200 m² est peint pour identifier la BASC même depuis les airs. Au rez de chaussée se trouve l’accueil, les espaces de restauration et de détente, des salles de réunion, les locaux du service médical de la base et ceux des syndicats ainsi que les services techniques. A l’étage, les trois secteurs opérationnels disposent de leurs zones de travail aux côtés des « ops » et de la direction.
Organisation des deux étages du bâtiment principal de la BASC de Nîmes.
Le deuxième bâtiment, côté cour, semble plus modeste. Il est pourtant au cœur du projet phare de cette nouvelle BASC, celui d’un ambitieux « centre d’excellence » pour les opérations aériennes de secours et de lutte contre les feux de forêts. A ce titre, il sera un pôle de recherche et développement et un pôle de formation et de simulation, l’objectif étant de faire de cette base un centre incontournable pour le travail d’uniformisation des méthodes et des procédures de lutte contre les feux de forêts en Europe et sur le bassin méditerranéen. Un de ces outils, inauguré ce jour, est le Simulateur d’Entrainement a la Coordination Aérienne de Sécurité (SECOAS), projet développé par l’Entente Interdépartementale de Valabre et mis en place à Nîmes.
Un des postes de simulation du SECOAS, inauguré aujourd’hui. (Photo : Entente Valabre)
Ce bâtiment héberge également un amphithéâtre de 150 places, offrant ainsi une vocation presque « académique » au site.
Plans du bâtiment « Pôle d’Excellence ». A gauche, le rez-de-chaussée, à droite, l’amphithéâtre de 150 places qui occupe une partie du premier étage et l’intégralité du second.
En complément de ces infrastructures, une zone d’évaluation des empreintes de largage sera installée et exploitée par le Centre d’Etude et de Recherche de l’Entente (CEREN). Ainsi, il sera possible de tester concrètement les nouveaux systèmes de largage aéroportés, sans doute à partir du fameux test des « pots de yaourt » dont le principe est simple ; Une zone est couverte de récipients parfaitement positionnés et identifiés. Une fois le largage effectué, il suffit d’analyser la répartition du liquide dans les récipients pour connaître l’empreinte réelle de l’intervention de l’aéronef. C’est donc un outil unique en Europe dont va se doter la Sécurité Civile et qui pourra bénéficier aux industriels du secteur mais aussi aux autres opérateurs européens.
Le nouveau « pélicandrome », la station de remplissage en retardant des avions « terrestres », situé au sud des installation peut accueillir quatre avions simultanément pour le remplissage au retardant, le double des capacités du « pélicandrome » de Marseille. Il comporte également 2 points de remplissage à l’eau, indispensables pour les missions d’entraînement. Ces installations seront opérationnelles toute l’année.
17 février 2017, le Pélican 42 effectue la première visite du nouveau Pélicandrome. (Photo J. Hr)
Une station de rinçage des avions amphibies a été prévue afin d’accélérer ce processus indispensable pour préserver les coques de la corrosion, en particulier après avoir été en contact avec l’eau salée. Un traitement particulier des eaux de lavage et du « pélicandrome » a été prévu afin que ces opérations soient des plus respectueuses pour l’environnement
Cette nouvelle base a été visiblement construite avec un vrai souci des normes environnementales puisque le maître d’œuvre annonce que les deux bâtiments ont des performances énergétiques supérieures aux exigences HQE (Haute Qualité Environnementale) et qu’ils sont conformes au référentiel des Bâtiments Durables Méditerranéens. Un effort particulier a été porté sur l’acoustique du bâtiment, la proximité du parking avion étant un facteur de nuisances sonores difficile à nier. A ce niveau-là, le confort des équipes devrait être largement amélioré si on le compare aux installations marseillaises.
La BASC vue depuis le sud des installations. Les deux bâtiments sont clairement identifiables. (DGSCGC/Communication)
Mais ces données sont celles des constructeurs. Cette première saison sera forcément celle de l’essuyage des plâtres et seul l’usage permettra de voir si cette nouvelle BASC est aussi parfaitement adaptée à la mission qu’annoncé. Dans le cas contraire, les équipes de la Sécurité Civile devront faire avec… de toute façon !
Ces nouvelles installations vont être mises à contribution cet automne puisque c’est à Nîmes que se déroulera les 16 et 17 octobre prochain, la conférence internationale Aerial Fire Fighting Europe qui revient en France après avoir fait escale en Croatie en 2015. Cet évènement extrêmement attendu et particulièrement riche sera suivi les 18 et 19 octobre par la conférence Search & Rescue International. Ces deux opérations organisées par la société Tangent Link tireront parti du choix délibéré de faire de la base française un site allant bien au-delà de la mise en œuvre et de l’entretien de la flotte des bombardiers d’eau et des hélicoptères de la Sécurité Civile.
Après quelques années d’activité réduite, le site de Nîmes-Garons retrouve donc un utilisateur principal. Autour de l’aérodrome, la communauté d’agglomération Nîmes Métropole cherche à développer un parc d’activité, l’Actiparc Mitra, destiné à accueillir des entreprises œuvrant dans les domaines de la logistique, de l’aéronautique et de la gestion des risques en particuliers environnementaux, un projet d’une indéniable ambition et pour lequel la BASC va servir, forcément, de « produit d’appel ».
Projet du parc d’activité Actiparc Mitra que la communauté d’agglomération nîmoise cherche à promouvoir auprès des entreprises de l’aéronautique, de la logistique et de la gestion des risques. (Document : Openîmes)
En 1963, à leur arrivée en France, les équipes des pionniers de la Protection Civile avaient aussi choisi un site que la Marine venait de libérer, la base navale de Berre. L’histoire se répète donc, même si les Catalina étaient vite allés, ensuite, se réfugier au sec à Marignane, de l’autre côté de l’étang. Mais les locaux que la BASC occupaient, faits de bric et de broc au fur et à mesure de son expansion, nécessitaient plus qu’une rénovation. L’emplacement de Marseille, au cœur de la zone à risques et juste à côté d’un plan d’eau avait des qualités que le nouveau site de Nîmes n’a pas, et auquel il va falloir s’adapter.
Les images des avions jaunes ou rouge et blancs garés non loin de l’étang de Berre appartiennent désormais au passé. Aujourd’hui, une page d’histoire se tourne.
Les avions de la Sécurité Civile alignés devant leur base en juin 2013 pour le cinquantenaire. Une image désormais historique.
La BASC de Marignane vue depuis un avion léger au décollage en 2011. L’étroitesse du site, la faible surface des bâtiments et des deux hangars sont parfaitement visibles.
(1) Où se trouve également l’aéroport Nîmes-Alès-Camargue-Cévènes, de l’autre côté des pistes, à côté des installations de Sabena Technics sous-traitant de la Sécurité Civile pour l’entretien de la flotte Canadair, le bâtiment du Groupement d’Hélicoptères de la Sécurité Civile et ceux de la société AvDef. L’école de pilotage Airways College dispose également d’un centre de formation (du PPL à l’ATPL) sur l’aérodrome. A côté de la BASC, dans les installations laissées par la Marine en 2011, se trouve la caserne du 503e régiment du train dit « de Camargue » et ses 1000 militaires.
(2) Ces mêmes élus qui auraient pu vraiment se battre pour maintenir la BASC à Marseille si ça avait été si important, mais on ne les a pas beaucoup entendus alors… De même, ces avions sont des moyens nationaux, pas des moyens à la seule disposition des Bouches-du-Rhône, ce que certains ont une lourde tendance à oublier.