Les « auxiliaires » 1ère partie : Les largueurs de paras.

Les bombardiers d’eau, avions ou hélicoptères, ne sont pas les seuls aéronefs impliqués dans la lutte contre les feux de forêts. A l’instar du domaine militaire où les appareils de combat ne peuvent opérer  sans moyens logistiques, de renseignements ou de coordinations, les bombardiers d’eau opèrent rarement seuls. Des flottes d’appareils « auxiliaires » les accompagnent souvent directement, leur garantissant un certaine sécurité et une efficacité accrue. D’autres participent à la prévention des feux, à l’analyse des sinistres passés, ou bien acheminent d’autres moyens de lutte. Faisant rarement les gros titres, ces différentes missions et les aéronefs qui les accomplissent méritent pourtant qu’on s’y attarde.

Les largueurs de pompiers parachutistes

En Russie

avialesookhranaC’est en Russie que cette façon de combattre les feux est née. L’Armée Rouge mets en place ses premières unités parachutiste dès les années 30. En parallèle, des commandos anti-incendies sont créés et des expérimentations d’opérations aéroportées ont lieu. La rapidité de mise en place des équipes, en dépit de la faiblesse des moyens techniques utilisés ensuite pour lutter contre la propagation des feux, par la création de coupe-feu ou l’utilisation de contre-feux, permet d’obtenir une certaine efficacité. Un temps mis en pause pendant la Grande Guerre Patriotique de 1941 à 1945, le concept s’est développé ensuite pour grimper jusqu’à 8000 personnels.

Aujourd’hui, il y aurait de 3000 à 4000 pompiers qualifiés pour être engagés en pleine nature après un parachutage. Ils dépendent d’Avialesookhrana (Авиалесоохрана), l’agence gouvernementale russe en charge des moyens aériens des services forestiers. Avec un équipement léger et sans grands moyens technologiques, leurs interventions au cœur des grands massifs forestiers restent cependant un des pans de la doctrine d’intervention de l’Oural à la Sibérie. Leur histoire est cependant marquée par des drames. En 2012, par exemple, 9 d’entre-eux ont perdu la vie en opérations, preuve que cette mission n’est pas sans risque.

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Une équipe de pompiers parachutistes Russes à l’entraînement. (photo : Авиалесоохрана)

Avialesookhrana utilise principalement l’increvable biplan monomoteur Antonov AN-2 pour acheminer ses troupes. L’organisme dispose pour cela d’une soixantaine d’appareils dont certains sont toutefois utilisés comme bombardiers d’eau. Les autres sont donc disponibles pour acheminer des équipes à pied d’œuvre où que ce soit dans ce si vaste pays. Les commandos pompiers russes peuvent utiliser aussi des avions de transport militaires, Antonov 26 ou 32 en fonction de la situation ou bien des hélicoptères Mil Mi 8 et dérivés.

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Un des nombreux Antonov AN-2 de la flotte d’Avialesookhrana, utilisés notamment pour acheminer les commandos forestiers. (Photo : Igor Dvurekov)

Aux USA, les Smoke Jumpers

Dès les années 30 des forestiers ont été largués en parachutes dans les zones en amont des sinistres en cours afin qu’il puissent tailler des coupes-feu ou lancer des contre-feux pour stopper la propagation des flammes dans les zones les plus isolées et les moins accessibles.

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Après avoir largué une équipe de Smoke Jumpers dans « la verte », ce Twin Otter leur largue de l’équipement. A eux, désormais, de lutter presque à mains nues, contre le feu visible à l’arrière plan. (Photo : NIFC)

Cette mission s’est organisée et a pris de l’ampleur pendant la seconde guerre mondiale. La mission de forestier-parachutiste étant devenue une des affectations possibles pour les quelques conscrits objecteurs de conscience qui refusaient de porter les armes et donc de partir au front dans le Pacifique ou en Europe, un peu plus de 200 d’entre-eux se sont donc rendus utiles dans l’ouest des USA pour combattre plus pacifiquement un ennemi tout aussi implacable.

Initial attack for Boise BLM Smokejumpers.

La tenue de saut des Smoke Jumpers est pensée pour les protéger en cas d’arrivée dans les arbres. Une fois à pied d’œuvre, l’outil principal reste la tronçonneuse. (Photo : NIFC)

Aujourd’hui encore, c’est un travail qui demeure extrêmement exigeant. La mission fait appel à des efforts physiques exceptionnels, car les parachutistes opèrent souvent en altitude, dans le relief et les forêts les plus denses, en totale autonomie pendant plusieurs jours. C’est aussi une mission risquée. Depuis la seconde guerre mondiale, une trentaine de Smoke Jumpers ont payé de leur vie leur engagement.

Fores Service smokejumpers in Missoula, Montana, training for the 2014 wildfire season.

Une équipe de Smokejumpers du Forest Service s’apprête à partir pour une mission d’entraînement depuis Missoula, dans le Montana, avec un Short 330. (Photo : NIFC)

Aujourd’hui, environ 270 Smoke Jumpers sont actifs entre juin et octobre dans l’ouest des USA et en Alaska. Ils opèrent pour le Forest Service ou pour le Bureau of Land Management (BLM) en fonction des secteurs.

Parmi les premiers appareils utilisés pour acheminer des pompiers par la voie des airs, figurent des trimoteurs Ford. Deux d’entre-eux, le 4-AT-55 N9612 et le 4-AT-69 N8407 ont aussi été utilisés comme bombardiers d’eau au milieu des années 50. Ces appareils ont continué à parachuter des Smoke Jumpers jusqu’en 1972. Aujourd’hui, ils sont encore en état de vol, les deux seuls de leur espèce a avoir été conservés ainsi, et ils le doivent à cette immense carrière aux côtés des pompiers.

Trimoteur (C. Defever)

Appartenant désormais à l’EAA, le Ford Trimotor N8407 est désormais une des très grandes vedettes d’Oshkosh. Il fut un des premiers bombardiers d’eau de l’histoire et a été un avion très apprécié par les Smoke Jumpers. (Photo : C. Defever)

Pour acheminer ces parachutistes de l’extrême et leur matériel, la flotte des avions utilisés a été très variée et nombreuse. Parmi les appareils les plus marquants on trouve les Beech 18 ou les Lockheed Lodestar mais bien d’autres appareils ont été utilisés.

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Expérimentation en 1939 sur la forêt de Chelan dans l’État de Washington avec un Stinson Reliant. (Photo : USDA Forest Service)

Aujourd’hui, cette mission est dévolue à une flotte d’une vingtaine d’appareils, indicatif radio « Jump », constituée de 6 DHC Twin Otter, 3 Dornier Do 228, 3 Casa 212, 4 Sherpa ex-C-23 de l’armée américaine, et un DC-3T/BT-67A.

Ce dernier est le N115Z, un appareil construit en tant que Dakota IV pour la RAF en 1945 puis il est utilisé par l’USAF jusqu’en 1964 où il intègre la flotte de l’US Forest Service. Il est converti par Basler en BT-67A en 1991. Il est prévu qu’il prenne sa retraite cette année bien que de nombreuses voix se soient élevées pour contester cette décision car l’appareil continue de rendre des services inestimables.

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Avion emblématique, ce C-47 de l’USFS a été utilisé de 1970 à 2012. Son « sister-ship » N115Z « Jump 15 » doit être retiré du service sous peu. (photo : USFS)

Le Forest Service a utilisé un autre C-47, le N142Z, un C-47A-90DL (43-16028 pour les USAAF) construit en 1943 qui a participé aux opérations en 1944 en Belgique. Acheté par l’US Forest Service en 1970, il a été turbinisé par Basler en 1991. Retiré du service en 2012, il a été revendu ensuite à une compagnie aérienne canadienne.

Ailleurs

Les troupes aéroportées trouvent leur intérêt dans les très grands espaces inhabités, là où seuls les avions ont la distance franchissable et la vitesse nécessaire pour acheminer les équipes dans des zones où il n’est pas possible de se poser, même sur des pistes improvisées. Le saut en parachute est donc là le seul moyen d’accès.

En France, l’accessibilité des forêts est telle que le recours aux opérations aéroportées n’est pas systématique. Cependant, des équipes peuvent être acheminées au plus près des sinistres mais étant donné les distances impliquées, l’usage de la dépose en hélicoptère est la règle. Certains départements ont poussé l’expérience jusqu’à avoir des unités constituées comme le Var entre 1965 et 1970 où des commandos aéroportés utilisaient les hélicoptères de la Marine Nationale et parfois même ceux de l’armée de l’Air.

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Insigne des commandos-aéroportés du Var (1965-1970)

Aujourd’hui, des équipes héliportées existent au sein de la Sécurité Civile et chez les sapeurs-pompiers de certains départements comme l’Hérault.

L’utilisation d’hélicoptères pour acheminer des équipes de lutte contre les feux de forêt est finalement assez fréquent dans de nombreux pays, en Europe, en Asie comme dans les autres pays du continent américain grâce aux différentes techniques de dépose et d’exfiltration permises par la souplesse d’emploi des voilures tournantes.

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Démonstration de la dépose d’une équipe de pompiers spécialisés Croates à partir d’un hélicoptère de l’aviation militaire. La technique de descente à l’aide d’une corde lisse est typique des opérations commandos.

Moyens de la dernière chance ou goutte d’eau dans l’océan, les Smoke Jumpers et les commandos forestiers russes ont pourtant démontrés que bien positionnés, ils pouvaient limiter sérieusement les dégâts. Sur le plan purement aéronautique, c’est l’extrême variété des appareils utilisés qui marque, avec la présence de quelques bêtes de somme incontournables et légendaires. L’attachement des Smoke Jumpers à leurs DC-3 et l’omniprésence des très rustiques Antonov 2 en est une preuve absolue. Mais les qualités du vecteur n’influent que peu sur l’efficacité de la lutte contre les flammes, les hommes sont là au cœur du concept opérationnel.

A l’instar du retardant ou de l’eau qui constituent l’arme du bombardier d’eau, le pompier commando-parachutiste russe ou américain est l’arme de ces avions de transport au cœur du combat contre les feux en milieu naturel. A ce titre, ils méritaient d’être cités ici.

(à suivre)

Retour sur le Paris Air Show 2015 (1/2)

Au cours de la grande semaine de l’aviation internationale de Paris au mois de juin, la presse généraliste a largement couvert la grande actualité du Salon, ses nouveautés exceptionnelles, ses annonces révolutionnaires et ses contrats signés à coups de milliards. Elle a aussi largement interviewé les responsables commerciaux et les équipages avant de consacrer le dernier weekend aux passionnés et aux curieux qui se sont agglutinés par dizaines de milliers le long des barrières pour assister au show aéronautique le plus époustouflante de l’histoire de l’aéronautique.

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Une « vieille » nouveauté, le Viking DHC-6-400 Twin Otter, nouvelle version modernisée du célèbre avion de brousse et qui connaît, à nouveau, un succès commercial certain.

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Un A-10 était exposé sur le statique. Un avion dont l’USAF n’arrive pas à se défaire tant il a été de tous les combats depuis 25 ans.

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Autre nouveauté du salon, le P-8 Poseidon, successeur désigné du P-3 Orion.

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Les Russes étaient là, discrètement, avec le nouvel Antonov 178.

Qatar en force

La grande démonstration de force du Salon a été l’oeuvre de Qatar Airways avec pas moins de 5 avions sur le statique : A319, A320, A350, Boeing 787 et A380 !

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Autre nouveauté, l’avion de combat Textron Scorpion.

Mais le ressenti des habitués du lieu a été bien différent. Si le statique était correctement garni, on sent bien que le côté Air Show n’est plus la priorité ni des constructeurs ni des organisateurs, tout au plus un passage obligé et spectaculaire qui va drainer la foule et les médias ; un « alibi culturel » ni plus, ni moins. Le constat est amer, mais jamais le programme des démonstrations en vol n’a été si pauvre et si réduit. On peut pointer du doigt le contexte mondial, sécuritaire, économique et géopolitique,comme facteur décisif, mais il appartient à l’organisation du salon de convaincre les industriels de maintenir le Salon du Bourget à son rang.