Si il est un avion qui a bien survécu à la fin des missions de guerre en 1945, c’est bien le Catalina, dans ses différentes versions. Non seulement la fin du conflit ne l’a pas privé d’une longue carrière militaire sous différentes cocardes, mais sa reconversion dans le monde civil n’a pas été trop compliquée. Là où un avion amphibie rustique, efficace et avec une grande autonomie pouvait être utile, le Catalina avait sa place. Il fut donc avion de ligne, cargo, avion d’exploration ou long-courrier personnel, tandis que d’autres devenaient pompiers du ciel.
Le N85U
Ce fut ainsi le cas du N85U un PBY-6A (BuNo 64041) construit pour l’US Navy. Il sert sous l’uniforme jusqu’en 1958 où il est revendu en surplus à ACE Flying Service pour devenir un avion d’épandage agricole. L’année suivante, il est repris par Rosenbalm Aviation en Oregon et transformé en bombardier d’eau. Ensuite, il vole pour Sonora Flying Services, Burson and Associates et arrive chez Flying Fireman en 1979. En 1988, il est revendu à Awood Air. A la fin de ses contrats de lutte contre les feux, il demeure en état de vol et devient un « warbird » très prisé dans les différents Airshow de l’ouest des USA. D’ailleurs, l’association qui l’exploite reprend le nom « Flying Fireman » de son ancienne compagnie.
En 2015, il est choisi pour participer au tournage d’un film de guerre racontant le destin tragique de l’équipage du USS Indianapolis, torpillé en 1945 après avoir livré la bombe d’Hiroshima à Tinian. Il doit jouer le rôle de l’avion venu au secours des quelques naufragés et qui a sorti une cinquantaine de marins des eaux infestées de requins où ils tentaient de survivre depuis 4 jours (1). Le N85U est donc repeint en gris pour ressembler à un Catalina militaire.
Le tournage, sous la direction de Mario Van Peebles, débute le 19 juin à bord du cuirassé USS Alabama, préservé à flot près de Mobile. Le 27 juin, des scènes sont tournées sur une plage située à seulement une soixantaine de kilomètres, à Orange Beach. Le N85U, qui a effectué le long convoyage depuis l’état de Washington où il est normalement basé, entre alors en scène, piloté par Fred et Jayson Owen.
Le 29 juin, l’avion est victime d’une panne moteur et se pose au large de la plage voisine de Flora-Balma sur Perdido Key. Il est ensuite remorqué vers le rivage. Le tournage est alors interrompu pour laisser la place aux opérations de sauvetage de l’avion.
Légèrement endommagé, ce dernier a quand même pris l’eau et, très nettement alourdi, ne peut être mis au sec sans moyens techniques importants. Pendant plusieurs jours, il devient donc l’attraction principale des touristes fréquentant la plage. Des pompes sont mises en route pour tenter de l’alléger au possible.
Plusieurs tentatives sont ensuite menées pour le sortir de l’eau mais sans qu’elles puissent aboutir. L’une d’elle, le 3 juillet, est effectuée avec deux tracteurs depuis la plage. elle est d’ailleurs interrompue après qu’une sangle a cédé brutalement.
Le lendemain, on tente de sortir l’avion verticalement de l’eau pour le poser sur une barge mais le fuselage qui contenait encore beaucoup d’eau cède au niveau des sangles de levage. L’avion se brise d’un coup en plusieurs parties. C’est la fin du N85U.
Il s’agit d’une faiblesse pourtant bien connue du Catalina. Plusieurs avions, à moitié coulés, ont été ainsi détruits en tentant de les sortir de l’eau parce que devenus trop lourds. Ce fut d’ailleurs le cas pour un avion de la Protection Civile, le Pélican Rouge F-ZBAR, accidenté le 4 juillet 1964 lors d’un écopage sur le canal de Donzère et détruit lors des opérations de récupération.
Tout ça pour ça :
Le film USS Indianapolis, men of courage sort aux USA en octobre 2016. Il est éreinté par la critique dès sa sortie, ce qui se double d’un échec public puisqu’il ne rapporte que 1,5 millions $, un peu juste pour un film qui en a coûté 40 !
Il s’agit d’un navet de plus à mettre « au crédit » de Nicolas Cage qui semble s’être fait une spécialité du genre depuis de nombreuses années.
Le film n’arrive même pas à égaler l’intensité du récit du drame par Robert Shaw dans les Dents de la Mer. ( )
Le film n’est pas totalement non- regardable, il est juste totalement sans intérêt. (2) (G. Kenny)
Si malgré ça vous décidez quand même de le regarder, bravo, vous méritez bien le sous-titre du film, vous êtes un « homme de courage ! » (usoska/AlloCiné)
En France, il n’a même pas bénéficié d’une sortie en salle : il a été marqué du sceau de l’infamie cinématographique qui se résume en trois lettres : DTV : Direct To Video !
Ce n’est malheureusement pas la première fois qu’un avion précieux est détruit au cours du tournage d’un film historique. On se souvient que le Memphis Belle de Caton-Jones, en 1989 avait été marqué par la destruction au décollage du F-BEEA, un B-17 appartenant encore à l’IGN. Une perte là aussi inestimable. Seule maigre consolation, ce film, en dépit de quelques exagérations, était tout à fait respectable, ce qui ne semble pas être le cas du tournage pour lequel le N85U a été sacrifié.
Selon les spécialistes, il resterait, dans le monde, 14 Catalina en état de vol et toujours immatriculés. Sur ces 14 avions, 10 sont d’anciens bombardiers d’eau mais peu ont conservé leur soute de largage. Le N85U était donc un des derniers et sa perte en des circonstances aussi ridicules n’en est que plus lourde.
(1) L’épave de l’Indianapolis a été localisée le 19 août 2017 par une expédition menée par Paul Allen.
(2) J’ai profité d’une diffusion télé pour le voir et confirmer que les critiques émises à son encontre sont assez justifiées !
article corrigé le 7 août 20020
Je trouve sa bizard qu’un avion coule juste a cause d’une panne moteur, surtout un Canso.
Juste remarque. En fait, la panne moteur a été le révélateur d’un autre soucis. Je vais regarder ce que je trouve mais il semblerait que l’incident n’a pas fait l’objet d’un rapport du NTSB.
Donc, il y a bien eu deux problèmes distincts : une panne moteur qui a forcé l’avion à se poser en mer puis une voie d’eau – dont l’origine n’est pas précisée – qui a empêché l’avion d’être « beaché » proprement… avec les conséquences qu’on connait désormais.