Qu’est-ce qu’un Canadair ?
Canadair est en fait le nom d’une entreprise aéronautique canadienne qui conçut à la fin des années 60 un avion amphibie spécialisé dans la lutte contre les feux de forêts très efficace grâce à sa capacité à écoper l’eau qu’il peut ensuite larguer sur les feux, le CL-215. L’entreprise est absorbée en 1986 par le groupe Bombardier qui poursuit la production de l’avion, crée une version à turbines, le CL-215T avant une version modernisée, le CL-415 dont la production se termine en 2015. Les droits de ces avions sont alors revendus à Viking Air, une autre entreprise aéronautique canadienne.
Mais si en France on utilise le mot Canadair de façon générique pour désigner un peu tous les avions de lutte contre les feux, il est préférable de n’utiliser le nom Canadair que pour les appareils CL-215, 215T et 415. Les autres appareils aujourd’hui en service en France sont des Dash 8 (ou Q400MR), des Tracker (aussi désignés Turbo Firecat), des AT-802F (ou des Air Tractor), mais tous ces avions sont des bombardiers d’eau, des bombardiers à retardant, des pompiers du ciel, comme vous voulez.
Combien coûte un Canadair ?
Un CL-415 coûtait aux alentours de 30 millions d’Euros lorsqu’il était produit par Bombardier jusqu’en 2015. Le prix auquel il pourrait être commercialisé par Viking n’est pas encore connu avec précision.
Ça écope combien d’eau un Canadair ?
6200 litres. L’écopage, opération qui ne prend qu’une douzaine de secondes, se fait sur des plans d’eau, lac, étangs, fleuves ou zones littorales d’environ 2000 mètres de long pour garder de bonnes marges de sécurité. Il y en a environ 200 recensés dans toute la France dans un répertoire qui se trouve à bord des avions et sur les tablettes numériques des équipages. Les pilotes effectuent des reconnaissances pendant les périodes d’entraînement pour s’habituer à leurs caractéristiques géographiques .
Pourquoi n’a-t-on pas plus de Canadair ? pourquoi n’achète-t-on pas plus de Canadair ?
Parce que la flotte française a été dimensionnée en fonction du risque moyen. Il y a donc 12 CL-415, mais n’oublions surtout pas les 9 Turbo Firecat et les 2 Q400MR qui les épaulent et les complètent admirablement. Et pour le moment, l’avion n’est plus en production.
C’est vrai qu’ils sont vieux et pourris nos Canadair et qu’il faut les remplacer en urgence ?
Pas vraiment. Les CL-415 utilisés en France ont été livrés entre 1995 et 2007, ils ont donc une vingtaine d’années au maximum. Ils vieillissent mais ils ont encore du potentiel pour servir encore de nombreuses années. Il faut juste en prendre soin et leurs mécaniciens font vraiment tout leur possible pour ça, vraiment !
Stephan Le Bars, commandant de bord CL-415 à la Sécurité civile, responsable syndical au Syndicat National du Personnel Navigant de l’Aéronautique Civile (SNPNAC) :
« Ce sont des avions qui ont entre 20 et 25 ans, qui sont en très bon état à partir du moment où ils sont entretenus et que les pièces détachées arrivent en temps et en heure. Aujourd’hui, notre problème est là. Nous n’avons plus les pièces détachées (1). Ce sont des avions qui vont aller jusqu’à 35, 40 ans, voire plus loin. À partir du moment où il est correctement entretenu, c’est un avion qui peut durer très longtemps. »
Même son de cloche du côté de chez Viking où un cadre commercial de l’entreprise nous a expliqué lors d’une conférence AFF : « Les avions de la famille CL-215 et CL-415 n’ont pas de limite de potentiel. Tant que les pièces de rechange seront disponibles, ces avions pourront être entretenus et rester opérationnels aussi longtemps que l’opérateur le voudra. » D’autre part, selon la même source, en 2018, le CL-415 qui a le plus d’heures de vol en est à environ 11 000… et ce n’est pas un avion français !
Et pourquoi on ne construit pas de Canadair en France ?
Le développement d’un avion est un processus long et coûteux. Or, les bombardiers d’eau ne représentent que quelques dizaines d’avions. La production totale des CL-215 et des CL-415 ne comprend qu’environ 220 avions construits entre 1969 et 2015. Sur cette même période, Airbus, par exemple, a produit environ 10 000 avions dont environ 6 800 de la seule famille A320. Les gros constructeurs ne s’intéressent donc pas à ce marché extrêmement réduit et peu porteur en raison de sa faible rentabilité.
Et l’histoire du plongeur ?
Tu veux ma main dans la gueule ?
Pourquoi ne pas larguer aussi de nuit ?
Parce que la différence entre la nuit et le jour, c’est qu’on y voit rien. A partir de là, voler près du sol sans visibilité est une prise de risque qui ne se justifie pas et les systèmes de vision nocturne ne sont pas encore vraiment utilisables pour ces missions (avions pas équipés ou pas adaptés, angle de vision des systèmes trop étroits en particulier). Néanmoins, des opérations nocturnes en VFR de nuit sont régulièrement effectuées par certains opérateurs d’hélicoptères HBE dans la région de Los Angeles. Lors de la saison des feux australienne 2017-2018, un S-61 de la société Coulson a effectué plusieurs largages de nuit sous JVN (dont le modèle n’a pas été spécifié) selon une procédure opérationnelle expérimentale spécifique. Désormais, l’objectif est de tenter rapidement une expérience similaire depuis un C-130, dans les mêmes conditions afin que, bientôt, la nuit ne constitue plus un obstacle à l’utilisation des aéronefs de lutte anti-incendie.
C’est quoi le liquide rouge que larguent certains avions ?
C’est du retardant. Un liquide composé d’eau et d’un composé chimique comprenant du phosphate ou du sulfate d’ammonium, de l’argile et des engrais. Il permet de retarder la combustion des végétaux jusqu’à 700°c au lieu de 150 normalement. C’est bien plus efficace que l’eau seule.
Sa couleur, qui varie selon les produits et les concentrations utilisées, permet aux équipages de repérer les zones précédemment traitées et ainsi d’établir de véritables barrières qui empêchent le feu de progresser, ou de le ralentir le temps que les équipes au sol se mettent en place, se repositionnent ou se mettent en sécurité ou que les renforts, aériens comme terrestres, arrivent.
Un Canadair est-il plus efficace qu’un Dash 8 ?
Les deux appareils sont complémentaires plus que concurrents. L’un utilise l’eau et frappe le front de flammes, l’autre utilise du retardant et « encadre » le feu. En utilisant conjointement les deux principes depuis plus de 40 ans, la Sécurité Civile a largement participé à diminuer les surfaces brûlées dans notre pays.
Francis A : Pilote de Q400MR depuis une dizaine d’années :
« Et que dire des temps de transit. Quand un CL fait 1 km, un Dash en fait presque 2. C’est aussi à prendre en compte. »
Comment on remplit un Dash 8 ? Il écope ?
Non, pas besoin. On ne trouve pas de retardant dans la Méditerranée, c’est la belle bleue, pas la belle rouge, non ? Donc, il est rempli en quelques minutes sur des aérodromes disposant d’installations de remplissage. Ce sont les fameux « Pélicandromes ».
Il y en a une douzaine entre le sud de la France et la Corse si bien qu’il y en a toujours un à quelques minutes de vol d’un incendie, quoi qu’il arrive, ce qui permet des rotations régulières et plutôt rapprochées.
Francis A. :
« La rapidité de rotations : oui, si on considère le nombre de largages à l’heure, on ne peut pas s’aligner avec un CL !!!!!! Mais on ne travaille pas à l’eau, mais au retardant. Ce n’est pas du tout pareil. Pas la tactique d’emploi, pas les mêmes objectifs. Les deux produits sont complémentaires et on a BESOIN des deux. »
Le Dash 8 est moins maniable, il ne peut pas aller partout, surtout dans le relief ?
Laissons encore la parole à Francis A. :
« Les capacités manœuvrières du Dash est un vieux serpent de mer qui date de son arrivée à Marseille en 2005. Comme tout avion, il a ses limites. Certes il est moins manœuvrant qu’un Canadair, mais au rapport poids / puissance, il n’y a pas photo. C’est de l’ordre du simple au double (de mémoire) en faveur du Dash.
Le relief : on refuse très rarement d’aller ici ou là. Cela peut arriver je le concède, mais comme tous autres avions. Je crois qu’on arrivera jamais à faire oublier toute cette encre et ce poison qui ont été déversés sur cet avion à son arrivée. Ce n’est peut être pas le meilleur, mais il fait le job et très bien de surcroit. »
Pourquoi achète-t-on six Dash supplémentaires pour remplacer les Tracker au lieu d’augmenter la flotte de CL-415.
Une des missions essentielles des Tracker est le GAAr (Guet Aérien Armé), des patrouilles menées pendant les moments à risques, permettant aux avions de pouvoir intervenir extrêmement rapidement dès qu’un feu est détecté et annoncé. Un avion rapide et lourdement équipé comme le Dash va permettre de poursuivre ces missions sans doute plus efficacement encore. 9 Tracker capables de voler avec 3000 litres de retardant à 200 kt vont être remplacés par 6 Q400MR capables de voler avec 9000 litres de retardant à 350 kt, c’est un amélioration des moyens. Ajoutons aussi que le Dash est multirôle et qu’il pourra être exploité pour d’autres missions, notamment de transport, tout au long du reste de l’année.
Francis A. :
Typiquement l’été on est amenés à armer trois circuits différents (plus éventuellement un en littoral fait par des CL). Il faut au moins deux moyens pour armer un circuit (2 x 2 S2F ou 2 x Dash), un sur le circuit et un pour le relever. Donc 3 x 2 = 6. Donc si on veut garder la vision d’aujourd’hui, CL en lutte, S2F en GAAR et Dash pour des barrières, (..) on arrive bien à 12 CL et 8 Dash !
Comment on devient pilote de Canadair ?
Les commandants de bord des avions de la Sécurité Civile, CL-415, Turbo Firecat et Q400MR, sont pratiquement tous d’anciens pilotes militaires de l’armée de l’air, de la marine ou de l’aviation légère de l’armée de terre. Ils ont un passé de pilote de chasse, de transport ou de patrouille maritime (classe A).
Les copilotes peuvent être de futurs commandant de bord en formation (classe A) mais certains sont de jeunes pilotes professionnels civils en contrat à durée déterminée (classe B) dont les plus motivés peuvent ensuite bénéficier d’un CDI. Ces pilotes à vocation co-pilote volent en place droite des CL-415 et des Q400MR.
Référence : Journal Officiel
Pourquoi Nîmes-Garons ?
Parce que Cambrai-Épinoy, ça commençait à faire loin !
Pourquoi pas un A380 bombardier d’eau, y’a bien un 747 ? Pourquoi ne pas transformer nos vieux avions militaires en bombardiers d’eau ? Pourquoi ?
Il est évident que les décisions sur le développement de la flotte française prennent en compte à la fois les besoins opérationnels et les nécessités économiques. Il faut savoir rester raisonnable dans ce domaine, surtout en cette période de difficultés économiques.
La Sécurité Civile bénéficie d’avions neufs ou récents, d’une base moderne et récente, c’est la preuve qu’elle n’est en rien abandonnée par les pouvoirs publics, loin s’en faut, même si toute augmentation budgétaire sera forcément appréciée !
Pour le moment, l’A380 ne constitue pas un candidat intéressant pour une conversion « tanker » bien qu’ on commence à trouver des avions de ce type sur le marché de l’occasion, mais ces appareils ont encore une chance de trouver une compagnie qui pourra les exploiter de façon conventionnelle. Outre les inévitables modifications qui devront être faites pour en faire un Tanker et leur validation par les organismes officiels, on peut s’interroger si les commandes de vol électriques des Airbus et leurs innombrables protections ne rendent pas ces avions inutilisables pour autre chose que les vols pour lesquels ils ont été parfaitement conçus. Tous les avions ne peuvent pas devenir des pompiers du ciel !
Il existe énormément de types d’avions (et d’hélicoptères) utilisables au feu, du petit monomoteur agricole au Boeing 747, c’est ce qui rend ce domaine si intéressant mais chaque avion a sa raison d’être et une carrière qui se développe en fonction de contextes et d’opportunités différentes, c’est aussi pour raconter et expliquer tout ça que 09-27.fr existe.
(1) il s’agissait d’un problème conjoncturel résolu depuis.
Publié le 29 juillet 2017, modifié le 20 janvier 2018, le 29 juillet 2018 et le 21 juillet 2019
Dans le style « question toute stupide », je me suis toujours demandé pourquoi les Trackers (puis les Dash8) n’avaient pas pris la seyante livrée jaune et rouge des CL, mais conservé le « camo » Conair.
C’est secondaire comme question, mais c’est pas inintéressant. Le jaune des Canadair viendrait du jaune des armoiries du Québec. (sous réserve, j’ai pas trop bossé le sujet). Une autre thèse viendrait du fait qu’il n’y avait que le jaune de dispo, un peu comme dans le sketch des inconnus : « nous avons plusieurs couleurs, le bleu, le gris et le jaune de Damas, mais nous n’avons plus que le jaune de Damas… »
Les autres avions portent la livrée de Conair dont tous les avions sont rouge et blanc.
Bonjour,
Vous dites que les « SUPER SCOOPER » ou « PELICAN » ( si je me trompe pas c’est l’indicatif de CL) ont encore du potentiel. Certes, mais à partir de quand faut il penser le remplacement des premier CL-415?
C’est tout le sujet du débat. Si on écoute Stephan Le Bars, il n’y a pas lieu de s’affoler. Des CL-215 construits dans les années 70 volent toujours (bon, il faut être aux petits soins aussi) donc pour des avions livrés en 1995, on est à 22 ans de service, avec des saisons qui n’ont pas toujours été aussi trépidantes que la saison 2017, donc on doit être sur un vieillissement normal pour des avions qui sont conçus généralement avec un potentiel « de base » d’une trentaine d’années de service.
Donc, si on envisage de remplacer les premiers CL-415 à 30 ans, ça nous pousse à 2025, soit dans 8 ans. Sachant que Viking explique qu’ils seront sans doute prêts à livrer les premiers avions Viking 415EAF entre 2022 et 2024 (5 à 7 ans), est-ce que vous voyez comment le calendrier a l’air de s’organiser ? J’ai du mal à croire au hasard…
Je viens d’avoir des infos sur le jaune des Canadairs (et des Cansos avant eux) via un membre québécois du forum Pilote Virtuel.
Les pompiers québécois sont habillés en jaune, et cette couleur a été jugée comme la plus visible du ciel au-dessus des forêts, lacs et fumées (contrairement au blanc/rouge).
Il semblerait aussi que le blanc/rouge rappelle aussi bien trop le drapeau canadien pour des Québécois chauvins!
On a donc des raisons historiques, techniques et politiques. Carton plein!
ok, bonne trouvaille !!!
Il me semble qu’une etude a ete faite sur les couleurs les plus voyantes dans la fumee, le vert des forets en fond…
Le Jaune avec en contraste des bandes noires et rouges sont semble t’il les plus visibles.
Etude a trouver…