Lors du salon du Bourget 2017, Viking Air, qui venait de racheter à Bombardier les droits relatifs à la production des avions amphibies Canadair, dont la production s’était achevée quelques mois plus tôt, affichait ses ambitions pour relancer cette famille d’avions.
La première annonce concernait le CL-415EAF, Enhanced Aerial Firefighter. En fait, cette version du Canadair n’est que la « version Viking » du CL-215T. Dans cette optique, la firme relevant du groupe Longview a racheté 11 CL-215 à moteurs à pistons auprès de différents opérateurs et les a acheminé à Calgary.
Ces appareils des dernières séries construites sont éligibles à la turbinisation ce qui n’était pas le cas des CL-215 dont la France fut dotée, qui relevaient des séries I et II et qui étaient incompatibles avec cette modification majeure.
Le premier appareil à entrer en chantier fut le CL-215 « Tanker 262 » (MSN 1081) qui avait volé pour la Province de l’Ontario puis pour la société Aero Flite.
La transformation a été effectuée dans les ateliers de la société Cascade Aeropace, ancienne filiale de Conair devenu indépendante depuis (c’est chez Cascade que furent transformés les deux premiers Q400MR de la Sécurité Civile française en 2004-2005) et qui a fait office de sous-traitant pour le groupe Longview et sa filiale Viking.
Le 10 mars 2020 il fait son premier vol avec ses nouvelles turbines PW123AF depuis l’aérodrome d’Abbotsford où l’essentiel du chantier s’est déroulé.
Il est ensuite repeint aux couleurs de son nouveau propriétaire, la société Bridger Aerospace, qui en prend possession le mois suivant. Désormais immatriculé N415BT, il est désormais le Tanker 281.
Ce nouveau CL-215-6B11 participe alors aux opérations de la difficile saison 2020 dans le Nevada, où se déroule sa première intervention le 19 juillet sur le Cedar Fire dans la région d’Elko, et dans l’État de Washington.
Bridger reçoit ensuite son deuxième Canadair, l’ex CL-215 Tanker 263 ex Province de l’Ontario puis de l’Etat du Minnesota (MSN 1082) qui est devenu le Tanker 282 immatriculé N417BT.
Au total, Bridger doit prendre en compte 6 CL-415EAF. Le calendrier précis des livraisons n’a pas été annoncé et peut avoir été perturbé par la crise sanitaire mondiale. Certaines sources parlent d’une opération d’un budget total de 200 millions $ ce qui nous fait une trentaine de millions par avion rénové et remotorisé, un coût qui peut être considéré comme élevé.
Les autres avions sont proposés à d’autres clients, ainsi l’Indonésie qui a signé un protocole d’accord pour la livraison de 6 CL-515 a également opté pour un CL-415EAF livrable en 2021, reste à voir si le calendrier sera tenu.
Le CL-415EAF n’est finalement rien de plus qu’un CL-215T modifié par une nouvelle entreprise. Néanmoins plusieurs évolutions notables sont possibles. Comme les avions éligibles au programme 415AUP (chantier de rénovation des CL-415 sélectionné pour prolonger les avions de la Province du Québec) ils peuvent recevoir la nouvelle avionique sélectionnée par Viking pour les avions Canadair, la Proline Fusion de Collins, constituée d’écrans tactiles de grande taille.
Il fut pressenti un temps que les avions de Bridger auraient pu être dotés de cette option mais les photos diffusées ensuite montrent que si des évolutions de la planche de bord des avions basculés au standard EAF ont bien eu lieu, elles sont bien moins révolutionnaires qu’attendu.
De même, dotée de turbines PW123AF comme les CL-415, la cellule du CL-215 serait tout à fait en mesure de supporter une augmentation de la masse d’eau écopable. L’option avait été également évoquée lors du lancement du projet mais les 5500 litres utilisables par l’ancien CL-215, en deux réservoirs (contre 6200 en quatre compartiments pour la version ultérieure) semblent être suffisants et efficaces pour que cette évolution ne devienne pas impérative. Les CL-415EAF conservent donc les deux grandes portes qui marquent la principale différence extérieure avec le CL-415 de base.
Le CL-415EAF n’est pas un concept novateur, le CL-215T ayant depuis longtemps fait les preuves qu’une rénovation complète des « vieux » CL-215 et en les dotant de turbines est une opération qui améliore leur efficacité tout en leur offrant une longévité accrue. Il ne s’agit pas d’une révolution, tout au plus une évolution si on prend en compte l’option de la nouvelle avionique.
C’est surtout pour l’entreprise canadienne l’opportunité de revaloriser une flotte pour laquelle il faudra assurer le maintien en condition opérationnelle (MCO) qui autrement pourrait n’avoir comme avenir que les musées !
C’est peut-être aussi un moyen de préparer l’avenir en créant des processus industriels qui permettront, le moment venu, de lancer et produire enfin le CL-515.