Il ne fut pas le premier aviateur à traverser l’Atlantique. Il ne fut que le premier à relier sans escale New-York à Paris pour se conformer à l’objectif du prix Orteig de 25 000 $ (ce qui équivaudrait aujourd’hui à 350 000 $) promis pour récompenser ce véritable exploit aéronautique. Pour ajouter à la difficulté, il le fit seul à bord d’un monomoteur. Son avion, le Spirit of Saint-Louis, construit spécialement pour l’occasion pouvait décoller avec 1700 litres de carburant et volait à environ 180 km/h en croisière. Bien sûr, pas de pilote automatique pour que le pilote puisse se reposer un peu au cours d’un trajet de plus d’une trentaine d’heures !
Le 20 mai 1927, Charles A. Lindbergh, alors âgé de 25 ans, était un parfait inconnu. Un peu plus de 33 heures plus tard, personne, au monde, ne pouvait plus ignorer son nom. Lorsqu’il se posa, épuisé, sur l’aérodrome du Bourget, il fut accueilli par une foule innombrable que les radios avaient avertis de l’arrivée du héros. Les Français qui, quelques jours plus tôt avaient perdu Nungesser et Coli dans le même contexte, firent un triomphe au jeune américain, dont l’exploit extraordinaire fait désormais partie des évènements qui ont forgé le XXe siècle.
L’authentique Spirit of Saint-Louis est entré l’année suivante au musée. Il est exposé désormais en bonne place et en bonne compagnie dans hall principal du National Air and Space Museum, en plein centre ville de Washington, à un jet de cailloux de la Maison Blanche et du Capitole.
L’aéroport du Bourget où Lindbergh s’est posé a beaucoup changé depuis 90 ans mais l’endroit où il a enfin touché terre est marqué par une plaque incrustée dans le parking devant l’aérogare d’aviation d’affaires. L’aviateur héroïque est également incarné par une statue installée au milieu du rond-point à l’entrée de la zone aéroportuaire.
Aux USA, l’aérodrome d’où il a décollé, Roosevelt Field, situé à Garden City, une ville de Long Island qui se trouve à 30 km de Central Park et une vingtaine de l’Aéroport international de JFK, a fermé il y a bien longtemps. Il a laissé la place à un centre commercial, le Roosevelt Field Mall.
C’était il y a 90 ans. Qu’on ne s’y trompe pas, la portée du vol de mai 1927 va bien au-delà du simple simple franchissement de 6000 km d’étendue d’eau en ligne droite. Il faut juste ne pas se tromper de contexte. Bien sûr, aujourd’hui, il faut encore environ 7 heures pour parcourir ce même trajet, dans des conditions de confort et de sécurité que l’aviateur américain n’osait sans doute pas rêver. N’oublions pas que pendant une trentaine d’année, ce trajet pouvait se faire en 3 heures environ avec le Concorde. Mais l’Atlantique reste encore une épreuve pour certains pilotes.
En mai 2002, le pilote du Lancair Columbia N142LC avait tenté la traversée sans escale, de New York au Bourget. Sur cette machine rapide et confortable, modifiée pour l’occasion, il ne lui avait fallu qu’une grosse douzaine d’heures de vol. Erik Lindbergh, célébrait alors les 75 ans de l’exploit de son grand-père en effectuant ce qui reste une très belle performance aéronautique.
Même si l’art aéronautique a fait d’incommensurables progrès, que les moteurs sont plus puissants, plus fiables, que les outils de navigation sont plus précis, sans oublier l’art météorologique, traverser l’Atlantique, même avec escales, reste un exploit lorsqu’on le tente avec un avion léger et en particulier sur un monomoteur. Or que ce soit pour livrer un avion neuf ou de seconde main d’un continent à l’autre ou par simple goût du voyage et de l’aventure, de nombreux avions légers, même des hélicoptères parfois, ont ainsi fait la grande traversée. C’est un vol qui se prépare bien et qui se vit intensément car il n’est pas sans danger.
Si, 90 ans plus tard, rééditer ce voyage n’a rien d’anodin, c’est rappeler à quel point le vol de Lindbergh en 1927 était périlleux, hasardeux, presque suicidaire. Et pourtant, il est arrivé sain et sauf à sa destination. C’est bien à cela que l’exploit se mesure.